Macron sait-il que l’influenceur qu’il remercie le traite de « nain » ?

La méthode a de quoi étonner… Depuis son bureau de l’Élysée, Emmanuel Macron, téléphone à la main, réagit à deux vidéos publiées par des influenceurs sur TikTok. Les deux hommes se plaignaient d’avoir été arrêtés et verbalisés pour avoir utilisé leur téléphone au volant au moment de payer le péage sur l’autoroute. En mode selfie, le président de la République remercie les deux influenceurs pour leur « alerte » et leur annonce avoir « passé le dossier au ministre de l’Intérieur ». « Vous avez raison. Je crois qu’en 2025, on doit pouvoir payer au péage avec son téléphone […] On va collectivement régler ça », leur promet le chef de l’État.

@emmanuelmacron

Merci pour l’alerte @Saint @MASDAK

♬ son original - Emmanuel Macron

La petite vidéo d’Emmanuel Macron a déjà été visionnée près de sept millions de fois en moins de 24 heures. Une visibilité non négligeable, pour les deux hommes mentionnés par le locataire de l'Élysée. L’ennui est que l’un des deux - celui qui se fait appeler « Saint » et qui rassemble 254.000 abonnés sur TikTok et 92.000 sur Instagram - est loin d’être un simple influenceur « Code de la route ». Sur ses réseaux sociaux, outre des vidéos de promotion commerciale ou de conseil beauté, on trouve également des réactions à l’actualité. Islam radical, propos contre les forces de l’ordre, moquerie contre le président de la République, attaque contre Bolloré… Visiblement, Emmanuel Macron n’a pas vérifié le profil de son interlocuteur.

Un « nain » qui dirige la France

« Il y a un nain qui est marié à sa prof de français qui dirige un pays qui fait la taille d’une chips. » C’était en août 2023. « Saint » réagissait à une émission de télévision au cours de laquelle la présentatrice suggérait à son interlocuteur de conformer l’islam au cadre républicain français. Une ineptie, pour l’influenceur, qui profite de l’occasion pour égratigner l’image du président de la République. « Il y a pas un humain qui a mis sa patte, c’est que les paroles d’Allah. Et toi tu penses qu’il y a un nain qui est marié à sa prof de français […] qui va venir modifier l’islam ? » Une petite phrase qui ne manque pas de faire rire ses abonnés mais qui, si l’Élysée l’avait remarquée, n’aurait sans doute pas amusé le chef de l’État.

Dans ses très nombreuses vidéos, « Saint » ne fait pas que se moquer du Président Macron. Il développe également une vision radicale, voire rigoriste, de l’islam. À plusieurs reprises, l’influenceur s’attaque ainsi aux concerts et rappelle à ses abonnés que la musique est « haram », c’est-à-dire illicite, donc interdite. Il explique ainsi que, contrairement à de nombreux utilisateurs de TikTok, il ne met pas de musique en arrière-fond de ses vidéos parce que, quand « tu es musulman, tu sais que la musique, c’est haram ». Il exhorte donc ceux qui le suivent à « s’éloigner au maximum de la musique ». Il dénonce également les sports de combat qu’il juge « haram ». Sa vision de la femme pourrait également déplaire au palais de l’Élysée. Dans l’une de ses vidéos, le jeune homme ne comprend pas les hommes qui ont des revenus suffisants et « laissent leur femme aller travailler ». Il semble en effet refuser qu’une femme puisse notamment travailler dans un environnement mixte. Toujours sur le sujet de l’islam, « Saint » ne se dit pas choqué qu’une fillette soit voilée. Au contraire, à une passante qui s’indigne de voir une petite fille voilée dans la rue, il rétorque : « Quand est-ce que vous allez nous laisser tranquille ? » Il va jusqu'à ne pas condamner la polygamie…

Bolloré, un « gros fasciste »

Sans grand surprise, l’influenceur n’est donc pas favorable à l’interdiction des abayas dans les établissements scolaires. « Quand ils interdisent le voile, c’est une dinguerie […], l’abaya, ils ne maîtrisent pas le sujet, affirme-t-il. C’est juste une robe longue. » Il dénonce de la même façon l’interdiction du port du hijab lors des Jeux olympiques de Paris, une décision qu’il juge « inhumaine ». Ainsi, selon lui, « nos sœurs voilées vivent un calvaire en France ».

Autre sujet récurrent sur ses réseaux sociaux : la Palestine. Depuis le mois d’octobre 2023, le jeune homme revient régulièrement sur le sujet. Il appelle au boycott des marques américaines, se réjouit de voir des députés insoumis brandir le drapeau palestinien à l’Assemblée nationale et dénonce le « nettoyage ethnique » (ou « génocide ») qui serait mené par Israël. Sur une conversation Instagram, il va jusqu'à déclarer : « Fuck Israël ».

À ces contenus s’ajoutent une réaction régulière à l’actualité. Après la mort de Nahel, en juin 2023, il accuse les policiers de viser les personnes issues de l’immigration. « T’es un noir ou un arabe dans une voiture. Tu as une prime de un million d’euros sur la tête [en référence à la cagnotte organisée en solidarité au policier arrêté dans l’affaire Nahel, NDLR]. Évidemment que [les policiers] tirent », lance-t-il, dans l’une de ses vidéos. Toujours en lien avec l’affaire Nahel, il dénonce une « manipulation des médias » et accuse Bolloré d’être un « gros fasciste ». Enfin, lors des récentes élections, « Saint », qui dévoile avoir voté pour le Nouveau Front populaire, n’a pas manqué d’insulter Jordan Bardella - il fait ainsi répéter à un homme « N*que ta mère Bardella » - et de dénoncer les électeurs du Rassemblement national. En réaction à une vidéo où un enfant regrette que le RN ne soit qu'à la deuxième place au second tour des législatives anticipées, il affirme alors que « ses parents sont racistes ». Les services de l’Élysée auraient donc peut-être dû vérifier le profil de cet influenceur avant d'en faire la promotion sur le compte TikTok du Président…

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