Macron, un candidat parmi d’autres ?

Dans un sondage publié le 5 février dernier, l’institut Ipsos nous apprend que les Français commencent à s'impatienter quant à la déclaration de candidature d’Emmanuel Macron et qu’une majorité d'entre eux (61 %) souhaiteraient qu'il « participe à un débat télévisé avec les autres candidats avant le premier tour, “car pendant la campagne électorale, il sera un candidat parmi d'autres” ».

Un candidat parmi d’autres ! Quelle curieuse idée.

En 2017, Macron avait rompu avec la tradition qui voulait que le président de la République donne une interview télévisée le 14 juillet. Motif invoqué ? La « pensée complexe » du Président qui « se prêtait mal au jeu des questions-réponses avec des journalistes », rapportait Le Monde à l’époque.

Avec « des journalistes », alors comment imaginer confronter cette pensée empyréenne à un Philippe Poutou, un Jean Lassalle ou une Hélène Thouy ?

Quelle vulgarité. Laissons-les débattre entre eux ! Ainsi va la démocratie en France en 2022.

Rappelons, cependant, qu’au centre de cette vie démocratique, que nous avons héritée de la Grèce antique, se trouve pourtant la parole.

Dans un ouvrage intitulé L'Élan démocratique dans l’Athènes ancienne, Jacqueline de Romilly, reprenant une citation d’Euripide, revenait à la question fondatrice qui s’adressait à tous les citoyens réunis lors de l’ouverture des assemblées : « Qui veut prendre la parole ? » Les débats politiques, l’échange contradictoire, relèvent de l’essence même de la démocratie. Fénelon avait cette formule qui résume tout : « À Athènes, tout dépendait du peuple et le peuple dépendait de la parole. »

Macron, lui, ne veut pas descendre dans l’agora pour prendre la parole. « Comportement monarchique », analysera le politologue. « Comportement narcissique », ajoutera le psychologue. Car dans notre société, l’image l’emporte désormais sur la parole. Les écrans et les réseaux sociaux sont autant de miroirs où Narcisse s’affiche et se contemple dans une perpétuelle mise en scène de soi. La politique, que la télévision a contribué à transformer en spectacle, n’y échappe pas. Le culte de l’apparence y règne en maître.

La place prise par les publicitaires et le développement du marketing politique ont renforcé cette dérive. L’homme politique est devenu un produit comme un autre. Ce n’est pas le candidat, avec sa personnalité authentique et son projet, qui sera évalué par le consommateur-électeur mais l’image qu’il saura donner de lui. Et c’est celui qui aura su trouver le meilleur positionnement marketing qui l’emportera. Pour cela, l’électorat est scientifiquement analysé, observé, découpé, afin d’apporter à chaque segment convoité la bonne image et le bon message « microciblé » avec l’aide du Big Data.

Les élections sont ainsi devenues des batailles d’images et c’est pourquoi la politique attire et, en même temps, fabrique des narcisses à la chaîne.

Ce qui permet de comprendre les raisons du refus du débat qui sont de deux ordres, pour Macron. La première est personnelle et c’est la psychiatre Marie-France Hirigoyen qui nous la donne dans son livre Les Narcisses. Parmi les caractéristiques de ces profils de personnalité se trouve le sentiment d’« être spécial et unique » et de « ne pouvoir être compris que par des institutions ou des gens spéciaux et de haut niveau ». C’est l’histoire de la « pensée complexe ». La seconde relève de la stratégie marketing et c’est Rosser Reeves, un publicitaire américain du siècle dernier, qui nous la donne. Reeves est l’inventeur du concept de « proposition de vente unique » qui a pour but d’associer au produit dont vous faites la promotion un avantage exclusif par rapport aux produits concurrents. Macron a une qualité intrinsèque que les autres n’ont pas : il est président de la République. Et certainement pas « un candidat parmi d’autres ». Donc, surtout pas de débat de premier tour qui supprimerait cet avantage concurrentiel et affecterait son « image ».

La conclusion de l’histoire ? Les communicants de Macron se frottent les mains en voyant tous les candidats s’entredéchirer pendant que Jupiter trône au-dessus de l’Olympe. Ils n’ont donc rien retenu de la crise des gilets jaunes. On conseillera néanmoins à Jupiter, et aux demi-dieux qui l’entourent, de ne pas oublier qu’il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne.

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Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

32 commentaires

  1. Cette personne qui devait occuper une fonction régalienne a malmené les Français ,
    les braves gens en tout cas, personne ne pourra le nier. Il a aussi peser durant son mandat à mettre la France en déclassement : économie, éducation nationale, justice, santé, police et gendarmerie, gestion du covid. Quel patriote peut voter pour
    elle

  2. Excellente conclusion :  » Il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpeienne « …
    On pêche toujours par vanité….
    Macron a la même raideur technocratique, froide et sans empathie, qu’avait Giscard d’Estaing.
    Macron, en outre, méprise le peuple qu’il  » emmerde « ….
    Giscard d’Estaing était sûre de sa réélection….le peuple en a décidé autrement….

  3. Macron est un cas unique !!!! il cumule l’égo,le mensonge,la langue de bois …j’ai encore en mémoire le kleenex au Mont Valérien ….et ce qui m’inquiète encore plus,c’est qu’il puisse être réelu! alors là,adieu ce qui reste de la France .Mais ce sera la faute des Français !!! il aurait dû continuer le théâtre …il est surdoué

  4. Ce qui sera indispensable dans cette élection présidentielle 2022 c’est le Face à face Zemmour-Macron. Un moment Historique, un vrai sans faux semblant, sans entre deux, entre frères de loges secrètes….Un vrai moment à conserver dans les vidéothéques…Un instant où je ne vois que Zemmour Le Républicain n’en faire qu’une bouchée, Macron l’Européiste préférant encore sans doute son face à face avec Poutine à 6 mètres de barrière sanitaire ! !

  5. Assez de cette morgue et de cette condescendance qui le font détester – qu’il débatte ou non, cela ne changera pas grand chose sachant d’avance que son autosatisfaction ne fera qu’alimenter la grogne des français envers lui – j’ose espérer que l’union de la droite sera plus qu’une chimère pour réussir à se débarrasser de l’auteur tous nos maux

  6. « Moi je vais voter pour lui car il est beau » J’avais 23 ans et nous votions pour un député, cette phrase prononcée par une de mes collègue est restée dans ma mémoire comme l’archétype de l’inconscience face aux enjeux d’une élection surtout présidentielle.

  7. Le problème est que la France depuis 2 ans est classée en démocratie défaillante.
    Depuis l’ arrivée de Macron la dégringolade de la France s’ accélère dans tous les secteurs
    Un camelot vendant très cher du toc avec des ministres soigneusement sélectionné pour ne pas risquer de lui faire de l’ ombre.
    Pour ses députés godillot ne pas oublier les noms au prochain vote car ils ne se présenteront plus sous la même étiquette

  8. Le chaland ayant les yeux rivés sur des écrans que ce soit d’ordinateur, de téléphone mobile ou de télévision, est conditionné par l’image divertissant son esprit qui n’est plus ouvert à la réflexion. Il suffira de lui infliger le visage souriant de Machiavel Macron pour qu’il ne voit plus que ce dernier apte à guider sa destinée.

    • Hélas oui, les gens ne pensent plus….ils regardent des images et  » tweetent » ou commentent. Format réducteur où la réaction remplace la pensée, et le commentaire se substitue au raisonnement.

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