Mandat d’amener pour Nicolas Sarkozy : faut-il vilipender les juges ?
Nicolas Sarkozy vient de faire l’objet d’un mandat d’amener. Nul doute que les juristes de ses amis contesteront cette décision. Sans doute en invoquant l’« immunité » du président de la République et en vilipendant le « gouvernement des juges ».
Mais l’ancien président de la République risque-il « plus » que cela ? Il se trouve, en effet, selon nous, que les juges ont, s’ils l’osaient, un très simple argument de texte pour faire partager par Nicolas Sarkozy le traitement qu’ils ont réservé à ceux qui, pour lui, ont organisé les sondages (ou certain d’entre eux) litigieux.
Expliquons.
Le président de la République est, selon le texte constitutionnel de 2007, pénalement irresponsable pour les « actes accomplis en cette qualité » (1).
Les juristes qui ont pensé la modification constitutionnelle de 2007 ont peut-être voulu donner, au-delà du discours en direction de l’opinion publique avec l’idée (astucieuse) de la « destitution » (astucieuse puisqu’à peu près impossible à mettre en œuvre), une « couverture pénale » solide au président de la République du moment. Auquel cas, ils ont mal rédigé leur texte.
Parce que, dans la nouvelle rédaction, ce sont les cas d’irresponsabilité qui sont énumérés et non, comme avant, le(s) cas de responsabilité. Et les cas d’irresponsabilité sont limités aux « actes accomplis en cette qualité ». Lesquels sont énumérés dans le texte constitutionnel : nomination du Premier ministre et des ministres, dissolution, signature des ordonnances et signature des décrets s’ils sont délibérés en Conseil des ministres, demande d’une deuxième lecture, soumission d'un texte à référendum, saisine du Conseil constitutionnel, signature et ratification des traités après les avoir négociés, etc…
Parmi les « actes accomplis en cette qualité », le texte de la Constitution ne prévoit pas… la commande de sondages (2), la pratique des sondages fût-elle habituelle.
Ce qui fait que le président de la République est devenu vulnérable. Surtout que les poursuites pénales ne sont pas subordonnées au vote préalable de la « destitution », pas plus qu’à aucune autre condition. Surtout qu’elles ne sont plus limitées, comme jadis, à la « haute trahison ». Que le déclenchement des poursuites pénales n’est plus réservé aux parlementaires. Et qu’il n’est plus prévu que le jugement des infractions est réservé à la connaissance d’une juridiction d’exception.
Si les juges relisaient de cette manière la Constitution et franchissaient le pas…
(1) Article 67 al. 1er (rédaction de 2007) de la Constitution : « Le président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 (Cour pénale internationale) et 68 (destitution parlementaire). »
(2) Les directives données par Emmanuel Macron au Premier ministre de prendre par décret des mesures pouvant constituer des délits ou des crimes, lesquelles ont donné lieu à la saisine de la Cour de justice de la République par des citoyens, posent, sous un certain rapport, une question du même ordre.
Thématiques :
Nicolas SarkozyPour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR
ZFE : quand les écolos font la guerre aux pauvres