Manifestations pro-Erdoğan : la France face à l’entrisme turc

Capture d’écran (2512)

Les scènes sont surréalistes. À Lyon, sur la place Bellecour, des centaines de jeunes hommes, drapeaux turcs et fumigènes en main, célèbrent la réélection de Recep Tayyip Erdoğan aux cris d’« Allah Akbar ». À Clermont-Ferrand, même liesse. Brandissant leurs drapeaux rouges, des Turcs scandent le nom de leur président et se réjouissent de sa victoire. Et à Strasbourg, à quelques mètres d’un immense drapeau turc déployé pour l’occasion, un homme, entouré de dizaines de Turcs, entonne un chant islamique. Ce 28 mai, dans certaines communes françaises, de nombreux ressortissants turcs sont sortis dans la rue pour saluer la victoire (52,14 %) du président Erdoğan. Au-delà du soutien massif de la diaspora turque au président sortant – 64,8 % -, ces manifestations sont le signe de la faible intégration des ressortissants turcs en France.


Il ne faut pas aller chercher très loin pour retrouver des défilés turcs semblables à ceux que la France a connus en ce week-end de la Pentecôte. À l’automne 2020, alors que l’Arménie fait face à l’agression de l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh, des dizaines de ressortissants turcs descendent dans les rues de Dijon, Décines et Vienne. Défilant derrière des drapeaux turcs, ils scandent alors des slogans islamiques et profèrent des menaces contre la communauté arménienne. Deux ans plus tôt, alors que des Kurdes manifestent contre les violences commises contre leur communauté en Syrie, des militants pro-Erdoğan se réunissent pour protester.

Une diaspora financée et organisée par Erdoğan

Si cette diaspora (environ 600.000 personnes) ne représente pas la communauté étrangère la plus importante en France, l’entrisme turc n’en est pas moins puissant. Très structurée, la communauté turque, que l’on trouve surtout en Alsace, en Auvergne-Rhône-Alpes et en Île-de-France, bénéficie ainsi de ses propres réseaux influents. Côté religion, tout d’abord, la diaspora turque, bien que d’obédience sunnite comme une grande partie des musulmans de France, possède ses propres mosquées. Le DITIB [union turco-islamique des affaires religieuses, NDLR], directement lié à Ankara, contrôle et gère ainsi près de 270 mosquées sur le sol français. Pour ces mosquées, l’État turc fournit lui-même les imams – souvent accusés d’espionnage et de fichage des opposants. Une pratique qui devrait prendre fin en 2024, comme l’avait annoncé l’exécutif. On trouve également les dizaines de mosquées construites par Millî Görüş, association proche de la ligne défendue par Erdoğan, régulièrement accusée de défendre un islam radical. Ces mosquées qui fleurissent sur le sol français, comme à Strasbourg, Sablé-sur-Sarthe ou encore à Avignon, sont le signe visible de l’influence grandissante du soft power turc. Aux mosquées s’ajoutent les nombreuses associations et les partis politiques, fondés par des Turcs, pour diffuser la vision nationaliste d’Erdoğan.

Côté éducation, ensuite, la Turquie profite de ses nombreux lieux de culte pour y développer des activités en faveur de la jeunesse. L’occasion, ainsi, pour le régime, d’y diffuser sa propagande ottomane auprès des plus jeunes. Côté vie privée, enfin, la communauté turque en France, marquée par une forte endogamie, se caractérise par « un très faible degré d’ouverture démographique », souligne Jérôme Fourquet, dans L’Archipel français (Seuil). Comme en témoignent les récentes manifestations pro-Erdoğan, il apparaît évident que cet « isolat turc » n’a aucune intention de s’intégrer.

Ces structures très développées sont autant de moyens, pour Ankara, de conserver aussi bien un réservoir de voix qu’un moyen d'asseoir l’influence du président Erdoğan. Comme le notaient les services de renseignement dès 2018, « le mouvement turc est largement poussé par le gouvernement autoritaire du président Erdoğan, en pleine recherche de puissance, et décidé à conquérir l’Occident ». Au vu des récentes manifestations et du soutien massif de la diaspora à sa candidature, il semble que la stratégie d’Erdoğan se révèle payante. Cet entrisme turc est à prendre au sérieux, d’autant plus qu’une grande partie de la communauté musulmane non turque pourrait se retrouver dans le discours victimaire porté par le président turc.

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

39 commentaires

  1. Ces turcs ne seront jamais français, jamais ! Et sur le sol français, tout est permis sans craindre quoi que ce soit de la justice ou du pouvoir !

  2. Vous confondez toujours intégration et assimilation. Intégration, c’est le mélanger à la population tout en gardant dans l’espace public leur mode de vie et leurs traditions. C’est cela que nous ne voulons pas. L’assimilation, c’est devenir entièrement Français en s’appropriant l’Histoire de France, en gardant ses traditions chez soit sans les exhiber en public.

  3. S’ils sont si contents de leur président et si fiers de leur pays…. Pourquoi ils n’y sont pas ? Qu’est ce qu’ils font chez les mécréants ? Quand mettra-t-on un terme a tout cela ? Vous imaginez une communauté française en Turquie en train de faire le même cirque en chantant des psaumes et en agitant des drapeaux français ? Je pense qu’il n’y aurait même pas le début d’une tentative de ce genre de manifestation qui serait vite écrasée par le grand démocrate Erdogan….

    • D’accord à 100% ! Ces Turcs sont en fait une avant-garde ottomane . Il faudrait renvoyer chez eux ceux qui ne respectent pas notre pays . Tous ? En tous cas les Loups Gris , groupement fascisant . D’autre part , très nombreux sont aussi ceux qui n’ont rien à faire chez nous . Leur vision de la femme est islamiste et , partant arriérée : à Loudéac , des femmes turques ,, toujours accomppagnées , sont fagotées comme les paysannes d’Anatolie centrale ( J’ai traversé 3 fois la Turquie par des routes différentes ) : aucune tendance à l’intégration …

  4. Mêmes manifestations en Allemagne. Sauf que là, ils sont cinq millions qui, manifestement, n’ont pas plus envie de s’assimiler que les Trucs, pardon les Turcs, vivant en France.

  5. Même dans des petites villes, tel Villefranche sur Saône, un défilé insupportable, mais ou étant donc les forces de l’ordre pour faire respecter ne serais ce que le code de la route? Il y avait de quoi remplir les caisses de l’état ce soir là, infractions multiples. Que dire de tout ces drapeaux Turques et de tout le tintamarre qui allait avec pendant plus de 3 heures. Il a des gens qui auraient aimé dormir. Au final, Mais que font donc ces gens ici? Ils ne veulent pas s’intégrés, qu’ils retournent dans leur paradis Turcs.

  6. Beaucoup de commentateurs oublient que François 1er s’était allié aux Turc pour lutter contre Charles Quint.

  7. Comment voulez-vous que des arabes s’intègrent dans une société française qui prône l’homosexualité dans les écoles ???? Pour moi, ils ont raison (ne nous trompons pas d’ennemi). La société turque s’étant appauvri ces dernières années, on voit que le fameux « pouvoir d’achat » ne les perturbe pas, Ils préfèrent le nationalisme et le culturel Le RN ferait bien de s’en inspirer.

  8. Il y 570 ans le 29 Mai 1453, Constantinople tombait aux mains des Ottomans…
    Il est vrai que pendant qu’ils étaient assiégés, les Chrétiens débattaient du sexe des Anges…

  9. Les Turcs ont toujours refusé de s’intégrer , là il le prouve , donc tous retour au pays avant que leur président ne donne l’ordre de prendre le pays tout entier pour l’annexer au nouvel empire ottoman dont il rêve !!!

  10. Qu’à donc à voir la France avec les élections turques ? Tout d’abord on utilise l’argent du con-tribuable français pour organiser les élections turques en France : au nom de quoi ? Ne devrait-on pas faire la même chose pour les élections de tous les pays du monde, pas souci de justice et d’égalité ?
    D’autres parts, il y a eu de nombreuses manifestations dans nos villes en France pour célébrer la victoire du grand démocrate humaniste Erdogan (félicité par Macron, Zelinski et Bidon, …) : ces manifestations ont-elles été autorisées ? Sinon, quelles sanctions ont été prononcées ?

  11. Darmanin et macron interdisent aux généraux en retraite de défiler. Par contre les turcs peuvent faire ce qu’il veulent dans la rue, le problème , il est là

    • Ils bannissent les patriotes , ils dissoudrent les mouvements patriotiques , leur interdisent de défiler et nous laisse nous cracher dessus dans nos rues par nos ennemis envahisseurs

  12. Je n’ai pas eu l’envie ni le courage de lire jusqu’au bout, trop écœurée de voir ce qu’est devenue la France .

  13. En 2023, « des centaines de jeunes turcs fêtent la victoire d’Erdogan aux cris de Allah Akbar » pointe Damien Rieu. En 2027, et au train où vont les choses, c’est le nouveau président de la république qui, sur le perron de l’Elysée, criera « Allah Akbar » …

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