Impartialité ? Un légionnaire devenu juge écarté de ses fonctions
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La mise à l’écart du juge Argoud fera-t-elle jurisprudence ? Jean-Marie Argoud, juge administratif à Marseille, a été destitué, ce 24 octobre, de ses fonctions de président vacataire de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), poste qu’il occupait depuis octobre 2021. Après analyses de ses prises de position publiées sur son profil Facebook privé, certains de ses pairs lui reprochent un « manque d’impartialité ».
Un procès médiatique
La cabale commence à la mi-septembre. Des avocats, qui lui reprochent d’avoir « la main leste sur les rejets des demandes d’asile », déposent des demandes de récusation à son encontre. Alerté par l’association Elena (collectif d’avocats impliqués dans la défense des droits des étrangers), Les Jours, un titre de presse fondé par d’anciens journalistes de Libération, s’intéresse alors au profil du magistrat. Ils exhument les publications Facebook du juge - dont certaines datent d’il y a plus de dix ans - et brossent le portrait d’un juge aux « opinions islamophobes, antisémites et homophobes ». S’appuyant sur une jurisprudence de la CEDH qui considère que « "liker" une page constitue un geste de soutien actif et public à son contenu », les journalistes reprochent à Jean-Marie Argoud de suivre des pages qui relaieraient, selon eux, « des publications anti-réfugiés, anti-islam ou homophobes ». Pour ses détracteurs, son profil Facebook crée « un doute légitime quant à son impartialité vis-à-vis des demandeurs d’asile de confession musulmane ».
Mais les journalistes ne se limitent pas aux publications du magistrat sur les réseaux sociaux. Ils profitent de leur enquête pour signaler la proximité de cet ancien officier de la Légion étrangère - Jean-Marie Argoud a servi la France pendant une dizaine d’années - avec la « très intégriste » Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X. Et pour ternir encore l’image du magistrat, ils rappellent que le père de Jean-Marie Argoud, le colonel Antoine Argoud, a notamment occupé un haut poste au sein de l’OAS, du temps de l’Algérie française, avant d’être emprisonné puis amnistié.
Pour Lucille Watson, l’un des avocats qui ont déposé une demande de récusation, interrogée par l'AFP, « au vu des messages qu’il a postés, partagés ou likés sur Facebook, on avait un faisceau d’indices qui laissaient transparaitre un manquement au devoir de réserve dans son rôle de magistrat à la CNDA. [Un organisme] qui se penche justement sur les dossiers de ressortissants étrangers persécutés en raison de leur origine, de leur religion ou de leur orientation sexuelle ». Finalement, ce 24 octobre, la Cour statue que « les prises de position publiques [de Jean-Marie Argoud] sont […] de nature à créer un doute sérieux sur son impartialité en tant que juge de l’asile ». Autrement dit, le juge Argoud « ne pourra plus siéger à la Cour » du droit d'asile à compter de ce 24 octobre.
Deux poids deux mesures
Interrogé par BV sur la mise à l’écart de Jean-Marie Argoud, Philippe Bilger, ancien magistrat et actuel chroniqueur sur Sud Radio et CNews, ne se dit « pas indigné qu’on lui retire son poste en raison de son manque d’impartialité ». En revanche, il dénonce « le deux poids deux mesures » qui existe aujourd’hui au sein de l’institution judiciaire. « Il faudrait appliquer cette même exigence d’impartialité à tous les magistrats, dit-il. Notamment à ceux qui ont participé, il y a quelques semaines, à la Fête de l’Huma pour dénoncer les violences policières. » Et de préciser : « Qu’on mette en œuvre une entreprise de purification de l’institution, je suis d’accord. Mais il faut être aussi exigeant vis-vis de tout le monde. » Philippe Bilger dénonce par ailleurs le rôle joué par les avocats dans cette affaire : « Ce n'est pas le garde des Sceaux mais des avocats qui, forts d'un pouvoir considérable, sollicitent les autorités. Je n’ai pas envie que même les plus légitimes sanctions résultent de la seule initiative d’avocats. »
Un sentiment partagé par Georges Fenech, ancien magistrat. Georges Fenech regrette, notamment, que la décision prise à l’encontre du juge Argoud ne s’applique pas à d’autres juges dont les convictions politiques sont notoirement connues. « Je veux bien que Argoud réponde de ses positions personnelles, mais encore faut il que les syndicats soient aussi rappelés à leurs obligations statutaires », nous explique-t-il.
En effet, comme le pointent du doigt ces deux anciens magistrats, le Syndicat de la magistrature (SM), qui a obtenu 33,3 % des voix lors des dernières élections syndicales, est très politisé à gauche. Il suffit, pour s’en rendre compte, de regarder leurs communications. Dénonciation des violences policières, critiques contre la loi Immigration, Fête de l’Huma… Autant d’éléments qui pourraient justifier une récusation de ses membres pour manque d’impartialité. Au printemps dernier, alors que le gouvernement mène l’opération Wuambushu à Mayotte, le Syndicat de la magistrature (SM) envoie un mail à ses adhérents leur expliquant que « l’autorité judiciaire ne sera pas la caution des violations des droits humains ». Catherine Vannier, ancienne vice-présidente, signe alors la suspension de l’opération de démolition des bidonvilles. La justice a-t-elle été rendue de façon impartiale ou au nom des opinions politiques de la magistrate ? La question se pose et pourtant, aucune mise à l’écart de la juge n’a été prononcée.
Faute de courage du côté de l'État pour lutter contre cet entrisme politique au sein de la Justice, que faire ? Georges Fenech suggère de créer une commission d’enquête pour analyser et faire la lumière sur la politisation des juges. Un gros travail... indispensable !
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56 commentaires
Oui oui, il faut…. Le problème est que si les choses sont ainsi, juges de gauche officiellement assumés comme tels, autorisés à toute sorte de partialités et juges soupçonnés de conservatisme de droite écartés comme des malpropres, c’est bien qu’il faut d’abord nettoyer ce pays des malfaisants installés dans les hautes sphères décisionnelles….Et llle vote ne suffira pas puisque tout ceci s’est fait sans l’aval des urnes….Quel Président élu a eu à son programme « instauration d’une jusitce partiale de gauche ? » Même Mélenchon n’a pas osé tenter