Marine Le Pen en outre-mer : le bilan d’une visite

marine le pen om

On le sait depuis longtemps : l’élection présidentielle réserve bien des surprises. Valéry Giscard d’Estaing devait écraser, à en croire les sondages d’alors, François Mitterrand. On connaît le sort advenu. Pareillement, Jacques Delors et Édouard Balladur furent donnés pour imbattables en 1995. Le premier ne s’est pas présenté, tandis que le second fut recalé au second tour.

Et que dire de Lionel Jospin, de François Fillon et de Dominique Strauss-Kahn, tous trois au final disqualifiés ? Si le premier s’est montré singulièrement naïf quant à la chose politique, le second aimait les costumes, tandis que le dernier révérait trop les femmes, surtout sans costume. À croire qu’au final, la campagne se fait plus sur le terrain que dans les sondages. Marine Le Pen, qui connaît ses classiques, a vu le trou de souris dans lequel se faufiler. Pour résumer, elle entame une campagne à la Chirac, millésime 1995, loin des médias et, surtout, au-dessous de ces écrans radar actuellement focalisés sur la candidature d’Éric Zemmour.

Et quoi de mieux que de commencer par la France ultramarine ? À ce choix, au moins deux raisons. L’une est noble : grâce à nos confettis d’empire, la France demeure le deuxième espace maritime au monde. La seconde ne l’est pas moins, sachant que nos amis du lointain persistent à défier « l’antifascisme » mondain de la métropole, ayant placé Marine Le Pen en deuxième position à l’élection présidentielle de 2017 dans sept territoires d’outre-mer sur dix, résultat confirmé et amplifié lors du scrutin européen, deux ans après. La preuve en est qu’en ces contrées, c’est avec des colliers de fleurs qu’on l’accueille, au contraire de nos élites bienveillantes.

Il y a même une troisième raison qui participe d’une stratégie relevant du temps long et de l’anticipation : celle que notre candidate a longuement pris celui de développer, sachant que ce qui se passe là-bas pourrait bien être un assez vilain avant-goût de ce qui, tôt ou tard, nous attend ici en matière d’immigration et de délinquance.

Marine Le Pen, citée par Le Figaro, au début de son périple vers le grand large : « La France d’outre-mer a trop longtemps été délaissée. » La faute, à l’en croire, à ces « gouvernements successifs, plus soucieux d’économies irréfléchies que d’investir dans sa protection ». Elle regrette ce « coût de la vie, plus élevé dans les DOM-TOM qu’en métropole […], ce qui les maintient dans une précarité indigne ». D’où cette proposition visant à créer des « filières académiques, industrielles, énergétiques et professionnelles de l’économie bleue, celles de tous les métiers liés à la mer ».

En effet, nul doute que « l’or bleu » a vocation à devenir l’un des enjeux stratégiques de ce siècle nouveau, les océans regorgeant de terres et de minerais rares ayant vocation à faire la différence entre les nations qui les posséderont et les autres qui ne les auront pas.

Crise sanitaire oblige, Marine Le Pen en profite pour remettre un peu de finesse en cet univers de brutes : « Si les Martiniquais et les Guadeloupéens ont protesté contre l’instauration du passe sanitaire, c’est aussi parce qu’ils n’ont plus confiance en la capacité de l’État à protéger efficacement leur santé. […] Comment pourrait-il en être autrement, lorsque l’exécutif a été incapable d’émettre la moindre proposition pour répondre aux effets sur la santé produits par l’utilisation du pesticide chlordécone aux Antilles ? » Ce pesticide, largement déconseillé par les autorités médicales mondiales, a été massivement utilisé en ces contrées, au siècle dernier, tout en y causant une sorte de cataclysme sanitaire. Cela n'a rien fait pour renforcer la confiance vis-à-vis de la métropole.

Et c’est ainsi que commence la campagne de Marine Le Pen consistant à retisser le lien entre ceux qui sont loin de Paris – nos compatriotes ultramarins – et les autres, tout aussi éloignés des urnes : le peuple des abstentionnistes, des gilets jaunes et des ronds-points. Quand les deux se réveilleront enfin, il pourrait y avoir des surprises…

Notons que c'est à La Réunion que Marine Le Pen, admirant la crèche de la Plaine-des-Palmistes, a tenu à tweeter : « MERCI aux Réunionnais de participer au maintien de nos traditions. Nos racines sont évidemment chrétiennes. »

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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