Marine Le Pen, maîtresse des horloges. M. Barnier aura-t-il son nihil obstat ?

Capture d'écran
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Enfin, on y est. Le travail a été long et douloureux, l’accouchement aux forceps et à la ventouse, mais cette fois, le bébé est là. Il ressemble à Benjamin Button, comme si le nouveau monde avait engendré l’ancien, mais au moins, il va mettre un terme aux spéculations grandissantes quant à une démission du Président : Édouard Philippe, il y a deux jours à peine, donnait la première pelletée sur le quinquennat en annonçant sa candidature pour 2027, comme s’il en enjambait les trois dernières années sur l’air cruel du « game over ». Sans Premier ministre, comment tenir ? On sait, in fine, ce qui arrive à l’âne de Buridan qui ne sait se décider : il disparaît. Et les atermoiements, les consultations, l'incessant name dropping, en attente d'une hypothétique fumée blanche, tournaient à la vaste farce.

La Rolex™ de Séguéla 

Le poste de Premier ministre ressemblait à Godot, la belle Arlésienne, la queue de Mickey et, surtout, à la Rolex™ de Séguéla : si tu as 50 ans et que tu n'as pas postulé, tu as raté ta vie. Tel le prince de Cendrillon, Emmanuel Macron faisait essayer la pantoufle de vair, mais même en recourbant les orteils, Xavier Bertrand et Bernard Cazeneuve n’ont pas réussi à y rentrer leur pied. Sur les réseaux sociaux, les noms les plus farfelus circulaient. Et pourquoi pas, après tout, Jean-Jacques Goldman, personnalité préférée des Français, pour son côté consensuel, et Yannick Noah, pour son ouverture sur la diversité ? Finalement, le lapin sorti du chapeau n’est pas si loin : Michel Barnier est trop homme du monde pour ne pas avoir disputé quelques tournois de tennis en polo Lacoste™, et il évitera à Emmanuel Macron de chanter plus longtemps « Je marche seul ». Seul Michel Barnier a réussi à glisser dans le soulier son petit peton, et en acceptant, comme dans La Belle et la Bête, d’épouser le prince charmant malgré ses préventions, l’a sauvé.

N’est-ce qu’un sursis ? C’est possible. En tout cas, cette parenthèse est permise par le Rassemblement national, qui tient au creux de sa main le destin du couple exécutif. La gauche, cornerisée - au moins pour cette manche, la prochaine se jouera, pour elle, certainement dans la rue -, ne compte plus que pour du beurre. Et Marine Le Pen campe un comte de Monte-Cristo encore plus convaincant que Pierre Niney. D’une phrase, elle a fait passer Xavier Bertrand, qui claironnait préférer au RN le parti aux plusieurs centaines de millions de morts, du Capitole à la roche Tarpéienne. Vous avez voulu le front républicain ? vous aurez le Front bertrublicain.

Nihil obstat du RN 

Quant à Emmanuel Macron, qui l’a écrasée de sa morgue lors des deux débats, il est obligé de quémander son nihil obstat. Sans garantie de longévité. Car Michel Barnier est en résidence surveillée, avec un bracelet électronique autour de son mandat : le RN a annoncé ne pas faire de censure de principe, mais prévient déjà qu'il va attendre le discours de politique générale pour décider, avec une attention particulière à cinq sujets : insécurité, immigration, pouvoir d’achat, finances publiques, proportionnelle. Et, last but non least, respect à l’endroit des électeurs du RN.

Michel Barnier, durant sa longue carrière de ministre et de député européen, ayant à peu près dit tout et son contraire, le suspense reste entier quant à son état d’esprit actuel et le contenu à venir de son discours. Et pour la courtoisie envers le RN, même si d'aucuns, comme Jean-Yves Le Gallou, lui prêtent cette qualité, ce n’est pas encore complètement gagné : sans vouloir mettre du rififi dans un bazar déjà assez compliqué, en avril 2022 - il y a deux ans, donc -, Michel Barnier s’essayait à un jeu de mots : « Avec Marine Le Pen, c’est le grand rétrécissement national. » L'humour lui va moins bien que le costume trois pièces.

En attendant, c’est Sandrine Rousseau qui va être drôlement contente (ou pas) : il faut désormais parler de maîtresse des horloges.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

100 commentaires

  1. Michel Barnier disait : « Avec Marine Le Pen, c’est le grand rétrécissement national. » Et bien, le voilà rétréci ! Chaque Français a compris la situation : Marine tient Michel et si elle le lâche, il tombe. Jordan Bardella a donc tort de montrer une telle arrogance à son égard. Qu’il n’oublie pas la grande leçon de modestie qui lui a été infligée par le 2ème tour des législatives. Bardella manque encore de maturité politique et personnelle. C’est pour cette raison qu’il valait mieux voter Louis Aliot lors de la consultation pour la présidence du RN. Attention, Jordan, on ne vend pas la peau de l’ours, etc.

  2. « game over »
    « name dropping »
    « last but non (sic) the least  »
    Pour l’ amour de Dieu et du français, cessez, je vous prie de nous infliger ce sabir de bobo parisien qui prétend montrer au monde entier son adéquation au « modèle américain », son inculturation factice au  » globish  » mondialiste.
    Efforcez-vous de parler un langage accessible à l’artisan de la Creuse comme à la mamie de 80 ans.
    Je vous remercie à l’avance de cesser de jouer aux « happy few « ! (sic !)

    • Et non chère amie !.. la pantoufle de Cendrillon était une pantoufle de « vair » et non e « verre »- si je ne me trompe – le vair étant une variété de petit écureuil de couleur grise dont on utilisait la fourrure pour doubler les chaussures et donc tenir le pied au chaud …

      • BRAVO et MERCI Olisbos pour votre intervention.
        De plus, je suis une grande admiratrice et fan de Gabrielle CLUZEL, qui n’a pas volé son poste : intelligente, cultivée, hyper fine dans ses analyses, un vrai régal à écouter et à lire.
        La prendre en défaut de culture est un fantasme qui n’est pas prêt de se réaliser pour ceux qui en rêvent…
        Chère Madame, continuez à nous régaler, vous êtes un des précieux joyaux des médias qui seraient bien tristes sans vous et vos analyses si spirituelles. J’ose vous le dire : je vous adore et j’accours chaque fois que vous allez parler à la télévision. Je vous écoute religieusement car je vous trouve indispensable avec votre éclairage très pertinent de l’actualité.

  3. Les assemblées élues ne sont pas les seules à gouverner notre pays, depuis 1981 la gauche s’est installée dans toutes les institutions de notre République , juridictions et administrations .
    Les juridictions ont le pouvoir de faire la loi en contrôlant les lois votées par les élus, et les administrations avec leurs syndicats politisés ont le pouvoir de faire grève .

  4. La droite est majoritaire en voix au premier tour des législatives , ensuite entre les deux tours « combinazione » entre carpes et lapins , ordre donné aux électeurs castors apeurés de faire barrage au RN.
    52% des députés Ensemble élus avec des désistements NFP ,
    49 % des députés LR élus avec des désistements NFP ,
    26% des députés NFP élus avec des désistements d’Ensemble.
    Et 29% des députés RN et alliés élus en dépit des désistements NFP ou ensemble .

  5. Un message à tous ceux qui ne veulent voir en Barnier qu’un macron-compatible. Regardez la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’Albertville en 1992 et revoyez celle des JO de Paris 2024. ça peut donner une idée des différences entre Macron et Barnier !

  6. “On ne répare rien, on ne construit rien sans sécurité et si ce sont les passeurs et les juges qui décident qui peut entrer en France et qui peut y rester.” Oui ou non ? On soutient ou on censure ? On fait taire la gauche, Macron et le Conseil Constitutionnel, Oui ou Non ?

  7. Pas de surprise, il fallait s´en douter, Macron a choisi un europeiste pur beurre, il coche toutes les cases de Bruxelles. Il a participe depuis des décennies a notre descente aux enfers et maintenant il tient toutes les cartes pour regler notre compte rapidement. Par ailleurs il a 73 ans, il serait mieux a jouer avec ses petits enfants. Comme Melenchon, professionnel de la politique il a du amasser un bon pactole.

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