Marion Rolland : « Pour beaucoup de professionnels de la montagne, la situation commence à devenir très très grave, notre activité est saisonnière ! »
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L'ancienne championne du monde de ski alpin, Marion Rolland (médaillée d'or en 2013), alerte les pouvoirs publics sur la situation extrêmement préoccupante des professionnels de la montagne. Jeudi 7 janvier, le gouvernement n'a toujours pas autorisé les remontées mécaniques et les restaurateurs à rouvrir...
En exclusivité pour Boulevard Voltaire, Marion Rolland.
Vous aviez fait vibrer les Français lors de votre médaille d’or de ski alpin en 2013. Vous avez alerté les pouvoirs publics sur la situation extrêmement préoccupante des professionnels de la montagne. Pourquoi ce coup de gueule ?
Cela faisait un peu trop longtemps que cela dormait au fond de moi. Je pensais vraiment qu’on allait pouvoir faire une saison peut-être empiétée d’une partie de notre chiffre d’affaires du fait que les touristes étrangers ne pouvaient pas venir, mais j’avais vraiment confiance en l’ouverture des stations. Les élus locaux avaient beaucoup travaillé avec les professionnels de stations, les hôteliers, les restaurateurs, les écoles de ski pour mettre en place les protocoles sanitaires pour accueillir au mieux les touristes. C’est, d’ailleurs, ce que nous avons déjà fait, l’été dernier, puis en début de saison. On nous a dit que nous n’aurions pas d’ouverture pour Noël et le jour de l’An. J’ai rongé mon frein jusque-là. On nous avait donné la date du 7 janvier et nous étions nombreux à l’avoir compris comme une date de possible ouverture selon les conditions sanitaires.
Aux dernières nouvelles, on voit qu’il y a certes encore des contaminations, mais les hôpitaux n’ont plus l’air d’être saturés même s’il y a encore beaucoup de cas. Il y a tout de même beaucoup de retours à la maison. On avait bon espoir que, le 7, la décision se transforme et, malheureusement, le 6, on nous a annoncé que c’était une clause de revoyure et non pas une clause d’ouverture.
J’ai écrit cette lettre le 7 au matin avant l’annonce officielle du 7 au soir du Premier ministre. Pour beaucoup de mes amis et une partie de ma famille qui travaillent en station, la situation commence à devenir très très grave. On nous met dans le même sac que beaucoup d’autres, alors que notre activité est saisonnière. Un mois de saison d’hiver en montagne c’est trois mois dans la vallée, alors, forcément, l’impact est énorme.
Je vous cite : « Vous êtes en train de tuer ma famille, mes amis, nos stations et nos montagnes. » Vous êtes monitrice dans la station des 2 Alpes. Concrètement, y a-t-il des risques de mort pour certains commerces, certains restaurateurs ou certains professionnels ? Leur survie est-elle vraiment en jeu ou est-ce simplement une perte conséquente de chiffre d’affaires ?
Pour certains, je pense que la situation est très limite. Il va sûrement y avoir énormément de dépôts de bilan et des centaines d'entreprises vont être obligées de fermer. Il ne faut pas croire que parce qu’on travaille en station, on est tous héritiers d’une fortune familiale, d’hôtellerie, de restauration ou de magasins de sport. Des gens investissent aussi beaucoup, tous les ans. Ils ont mis toute une partie de leurs économies dans leur business et ne sont parfois pas propriétaires des murs. On nous dit souvent que, dans les stations, on n’a pas de soucis à se faire parce qu’on gagne énormément notre vie. Effectivement, on gagne très bien notre vie sur quatre ou cinq mois, mais il faut que nos revenus couvrent les douze mois de l’année. Tout est donc relatif. Il ne faut pas dire que l’on va s’en sortir si on fait une saison blanche. C’est loin d’être le cas. J’ai une amie agent immobilier aux 2 Alpes qui a des employés à payer ainsi que son loyer à sortir tous les mois. Un autre de mes amis a repris depuis deux ans un hôtel-restaurant dans la Vanoise et il a 5.000 euros de loyer à sortir tous les mois. Quand on voit que le gouvernement dédommage à hauteur de 10.000 euros, pour certains commerces, cette somme ne veut rien dire.
Vous appelez notamment à faire confiance aux élus locaux. Selon vous, est-ce aux élus locaux de gérer la réouverture et le respect des consignes sanitaires ?
Je pense que les élus locaux connaissent très bien leur territoire. Une des élus de Savoie est une ancienne monitrice de ski et certains membres de sa famille le sont aussi. Par conséquent, elle connaît très bien le milieu. Elle sait les enjeux pour les personnes de la montagne. Tous les élus qui se battent en ce moment pour nous font un travail acharné. Le problème, c’est qu’on leur oppose à chaque fois des lois généralisées pour le cas global. C’est très dur à accepter. Tous ces élus avaient vraiment beaucoup travaillé avec les stations de ski et avec les professionnels. Les stations avaient mis en place des centres de dépistage, pour pouvoir prendre leur travail en tant que saisonnier. Ils étaient en relation avec les laboratoires souvent placés en vallée pour éviter que les gens n’aient à se déplacer en vallée pour faire un test.
Je n’ai pas la solution, mais lorsqu’on va au ski, on porte généralement un bonnet, un casque, des lunettes et des gants. L’été dernier, les stations de ski ont accueilli des skieurs et le port du masque était obligatoire. Cela aurait pu être reconduit cet hiver. Quand il fait -10 °C, skier avec un masque, ce n’est finalement pas dérangeant. Concernant les télésièges de 6 personnes, on aurait pu faire monter 3 ou 4 personnes. Pour les téléskis, on peut prendre une perche avec un gant. Je ne vois pas comment on peut se contaminer. Il y aurait sûrement eu un peu de transmission. Je ne force pas les gens à venir skier. Si des personnes se sentent à risque ou pensent que, cette année, ça ne vaut pas le coup, alors je ne leur dis pas de venir en station. Je dis juste qu’on a la possibilité d’ouvrir, alors pourquoi empêcher des gens de travailler ?
Une saison blanche sans ouverture et sans rentrée d’argent pour les propriétaires de restaurants, d’hôtels et pour le particulier qui ne va pas louer son appartement qui était voué à être loué en hiver, ce sont des personnes qui n’investiront pas dans des travaux de réfection pendant l’intersaison. La chaîne des répercussions va se répercuter sur les vallées, avec les entreprises locales qui travaillent sur de la plomberie, de la menuiserie, de l’agencement, de l’électricité et de la promotion immobilière. Ce n’est pas juste le petit milieu des stations de ski qui risque de subir ce contrecoup, mais c’est aussi à long terme, toutes les personnes qui travaillent en station, même à l’intersaison, lorsque cela ne se voit pas.
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