Mark Zuckerberg devant les sénateurs : tellement américain !
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L’audition de Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, a eu lieu le 10 avril devant des sénateurs. Elle met en évidence un aspect de la société américaine : la culture de l’excuse. Le PDG de Facebook s’est publiquement excusé de l’affaire Cambridge Analytica : le réseau social n’a pas protégé les données personnelles de ses utilisateurs, qui ont été siphonnées et utilisées par l’entreprise qui a travaillé à l’élection de Donald Trump. Présenter des excuses outre-Atlantique est un exercice imposé qui permet, éventuellement, de prendre un nouveau départ, de restaurer une confiance détériorée. Cela ressemble, dans la forme, à l’autocritique publique qui devait clôturer les procès staliniens. Et Mark Zuckerberg est coutumier de cela, tant il a présenté d’excuses depuis la création de Facebook pour les erreurs commises[ref]Appropriation « sauvage » des contenus publiés par les utilisateurs en 2009 ; souscription sans consentement explicite à des services tiers comme Beacon en 2007 ou Microsoft et Yelp en 2010 ; les fake news en 2016 et l’ingérence russe en 2017, toutes deux à propos de l’élection de Donald Trump.[/ref]. Jusqu’à quand ?
Par ailleurs, le patron de Facebook s’est livré à une remarquable guerre d’évitement : plutôt que de répondre à une question gênante ou de reconnaître qu’il ignorait la réponse, il a abusé du dilatoire "mes équipes vous fourniront la réponse". C’est de bonne guerre, dans tout interrogatoire supposé hostile : feindre l’ignorance tout en conservant l’apparence de la bonne foi est moins dangereux qu’une erreur ou un mensonge éhonté.
Il semblerait que Facebook doive changer. La non-régulation n’est plus une option, même dans le pays de la statue de la Liberté. Le sénateur John Neely Kennedy pointait l’extrême complexité des conditions d’utilisation du réseau[ref]Qui font 3.200 mots + 30 liens dont un seul relatif à la politique de gestion des données, qui fait 2.700 mots et 22 liens, incompréhensible pour le commun des mortels.[/ref]. Une version payante pourrait voir le jour pour ceux qui ne voudraient plus être la cible des publicités. Il y aura, aussi, à gérer le cas de ces utilisateurs fantômes, ceux qui n’ont pas de profil sur Facebook, mais dont des données personnelles sont stockées et analysées par la firme, bien évidement sans leur consentement. Et il y a l’arrivée prochaine du règlement européen sur la protection des données que même des sénateurs américains inconditionnels de la libre entreprise s’abstiennent de vilipender, tant ils ont pris conscience des abus commis : vendre des données personnelles d’utilisateurs à des tiers malveillants.
N’en doutons pas : même si Facebook change, les adolescents et les moins jeunes continueront de chercher de la dopamine digitale avec des « likes » sur leurs publications. En flattant cet exhibitionnisme, ils donneront à Facebook de quoi vendre non du temps de leur cerveau disponible, mais du temps de leur cerveau soigneusement prédisposé à certains achats. Vae victis !
Paradoxe d’une époque qui perd la raison : sur Twitter circulait un montage photo présentant Julian Assange (de WikiLeaks) et Mark Zuckerberg. Le premier avoue qu’il nous donne gratuitement des informations confidentielles sur les gouvernements et les entreprises et les médias le traitent de criminel. Le second admet divulguer pour de l’argent nos propres informations confidentielles aux gouvernements et aux sociétés et les médias font de lui l’homme de l’année.
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