Marlène Schiappa peut-elle encore être ministre ?
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Cet article a été publié le 02/04/2023.
En avril dernier, lorsque éclata le scandale du fonds Marianne, Frédéric Sirgant posait la question que beaucoup de commentateurs politiques se posaient : Marlène Schiappa pouvait-elle rester ministre ? Bien après que la coqueluche du premier quinquennat fut auditionnée par la commission sénatoriale, il fallut attendre le mini-remaniement de juillet pour avoir la réponse... Au Macronistan, on prend son temps !
La Macronie est aussi faite de scandales. Celui mettant en cause Marlène Schiappa a commencé au printemps à bas bruit, couvert par l'affaire Playboy. Il a pourtant largement scandalisé, puisque le programme en question avait vu le jour après l'assassinat de Samuel Paty. Le 7 juillet dernier, le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur le fonds Marianne en question a été adopté : il est accablant.
Arnaud Florac a tout dit du « scandale » Playboy de Marlène Schiappa. Mais un scandale peut en cacher un autre. Au sens propre et de façon très calculée de la part des intéressés. C'est, en tout cas, ce que subodorent beaucoup d'internautes, depuis deux jours, et ce que révèle un reportage conjoint de Marianne et de France 2. Intitulé « Schiappa, Gravel, Sifaoui… Révélations sur l'argent évaporé du fonds contre le séparatisme », il lève le voile sur un énième scandale de dilapidation de l'argent public qui met d'autant plus mal à l'aise que le programme public en question a été lancé au lendemain de l'assassinat de Samuel Paty.
Un organisme d’État, le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), dirigé par le préfet Christian Gravel, était chargé de gérer un fonds, baptisé « Marianne », destiné à financer des actions pour « promouvoir les valeurs républicaines et combattre les discours séparatistes ». Un fonds doté d'un peu plus de deux millions d’euros. Comme le déclarait, en avril 2021, Marlène Schiappa, sur BFM TV, alors qu'elle était ministre délégué à la Citoyenneté auprès de Gérald Darmanin, ce fonds devait financer des associations pour mener le combat « sur les réseaux sociaux et sur les plates-formes en ligne ». Elle ajoutait : « Avec 2,5 millions d’euros, on peut faire beaucoup de choses pour défendre les valeurs de la République. »
Mais voilà, comme trop souvent, derrière le beau vernis des intentions et de la communication, il y avait un loup, et même plusieurs. Un petit scandale de plus dans la République macronienne. D'abord, nos confrères révèlent le manque de transparence auquel ils se sont heurtés pour savoir comment ces deux millions avaient été distribués. Ensuite, à force de persévérance, ils ont appris qu'une partie de cette grosse somme avait été utilisée de façon très contestable par certains bénéficiaires : « Plusieurs ont reçu quelques dizaines de milliers d’euros. Trois structures se partagent à elles seules un million d’euros, soit la moitié du fonds. Pour certaines de ces 17 associations, le travail fourni est évident. Mais, pour d’autres, il n’est pas toujours très convaincant et mériterait qu’on y consacre plus de temps. » Dans le viseur : l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), qui a raflé plus de 350.000 euros. Apparaissent alors deux noms, celui, bien connu dans le milieu de la lutte contre l'islamisme, de Mohamed Sifaoui, et celui d'un certain Karunagaran. D'après Marianne, tous deux ont été largement et directement bénéficiaires de cet argent public. « Au total, les deux hommes recevront de ce compte pour "salaire" plus de 120.000 euros nets », soit entre 3.280 et 3.500 euros nets mensuels pour Sifaoui. Or, Marianne relève qu'en tant que dirigeant et administrateur de ladite association, les deux hommes ne pouvaient recevoir de tels salaires. Depuis l'enquête, ils auraient d'ailleurs remboursé certaines sommes...
Et puis se pose, bien sûr, la question de la réalité et de l'efficacité des actions entreprises par l'association. Et, donc, du contrôle de l'État et de la légèreté de Marlène Schiappa dans la distribution de ces deniers.
L'affaire prend un tour politique. De François Ruffin à la députée RN du Lot-et-Garonne Hélène Laporte, les réactions sont vives sur le réseau Twitter.
Lever 2 millions contre le cyber-djihadisme après l'assassinat de Samuel Paty. Attribuer la plus grosse part du gâteau à ses amis. Qui se verseront plus de 200000€ de salaire, en infraction avec les statuts de leur asso. Pour des vidéos à 50 vues.
La République Marlène Schiappa https://t.co/tlM6QM5zwg
— François Ruffin (@Francois_Ruffin) April 1, 2023
La polémique concernant la une de #Playboy a un avantage : on ne parle plus de l’enquête au sujet des 2 millions d’euros attribués par Marlène #Schiappa à des associations censées combattre la radicalité et promouvoir les valeurs républicaines. Où sont les fonds, pour quels… pic.twitter.com/DKZ3CivwHD
— Hélène Laporte (@HeleneLaporteRN) April 1, 2023
Samedi soir, devant l'émoi provoqué par l'affaire sur les réseaux sociaux, Mohamed Sifaoui protestait, toujours sur Twitter.
Elle va faire quoi, la prochaine fois, la Macronie, pour cacher le scandale de l'ensemble de son œuvre ? Une fête techno réunissant le gouvernement dans la cour de l'Élysée ou dans une boîte en Afrique ? Vous me direz qu'il n'y a pas loin de la réalité à la fiction. Et du Capitole à la roche Tarpéienne non plus.
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