Marlène Schiappa se dit sapiosexuelle. À quoi pense-t-elle ?

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Marlène Schiappa serait donc « sapiosexuelle ». C’est ce qu’elle a confié au JDD. L’info a été reprise aussi sec avec gourmandise par de multiples médias, occultant le reste de l'entretien, et tablant sur cet adjectif bizarre pour faire le buzz. Appelons cela le buzzard, c’est une ficelle désormais connue pour monter l’audience en mayonnaise, surtout un dimanche de mois d’août. Sans doute l’internaute moyen, à l’esprit normalement mal tourné, imaginerait-il quelque pratique baroque et acrobatique qui le pousserait par curiosité malsaine à cliquer. Et se fourrerait le doigt dans l’œil : « Sapiens » est un adjectif latin signifiant « intelligent, sage, raisonnable, prudent ». Dit autrement, mais de façon moins racoleuse, Marlène Schiappa est attirée par les hommes intelligents. Rien de torride ni de follement indécent.

De méchantes langues, évidemment, sur les réseaux sociaux, ont fait à Marlène Schiappa la réponse de Surcouf aux Anglais : chacun cherche ce qui lui fait défaut. Ce qui est faux, bien sûr, car pour arriver à sa fonction de secrétaire d'État, il a bien fallu que Marlène Schiappa soit dotée, sinon d’une intelligence académique, au moins d’une intelligence de situation.

La vérité est qu'il s'agit d'une constante féminine vieille comme le monde, d'Héloïse et Abélard à Sartre et Beauvoir, en passant par Cyrano de Bergerac, même si Roxane a été un peu longue - trop longue - à le comprendre. Il est étonnant, rare mais heureux qu'une féministe institutionnelle rende hommage à l’éternel féminin. Mais il est dommage que Marlène Schiappa réduise cette attirance qui l’honore - qu'aurait-on dit d'une secrétaire d'État qui se serait déclarée crétinosexuelle, exclusivement magnétisée par les gogodanseurs en tanga ? - à un instinct, comme si l'éloquence, la culture ou la bosse des maths dégageaient des phéromones à destination de femelles en tous points semblables, à la jupe et au brushing près, à des grenouilles ou des chenilles pendant la période des amours.

Pourquoi toujours ce champ sémantique de la sexualité, y compris pour évoquer ce qui relève d'abord de l’affectif, de l’esprit et du cœur, de l’ordre de l'humain et non de l’animal comme la connivence des intelligences ?

Rejeter la part bestiale de l’homme - en balançant son porc - implique, en miroir, ne pas renvoyer systématiquement la femme à ses seuls organes génitaux.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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