Marseille : la libération d’un caïd présumé du grand banditisme fait polémique
Il s’appelle Pascal Gomez-Galeote. Il a été remis en liberté le 3 octobre dernier par décision de la Cour de cassation. Une libération qui met en lumière les défaillances de la Justice française et qui agace dans les rangs de la police.
Pascal Gomez-Galeote est une figure majeure du grand banditisme marseillais. En février 2018, son demi-frère, Antonio Martinez, alors chef de la « bande de Marignane », est assassiné sur le parking du parc d'attractions OK Corral de Cuges-les-Pins. S’ensuivent des guerres de pouvoir internes et la scission du gang en deux groupes. Pascal Gomez-Galeote, dit « Doli », prend la tête de la branche la plus puissante et poursuit son œuvre : narcotrafic, corruption, règlements de comptes…
Une décision insoutenable
Il est activement recherché par la police, qui mettra finalement la main sur lui en janvier 2019, dans la station de ski de Pra Loup, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Cette arrestation met fin à un an de cavale et le conduit à la prison d’Avignon-Le Pontet, dans le Vaucluse. Il est placé en détention provisoire dans l’attente de son procès. Cinq ans et dix mois plus tard, son procès n’a pas eu lieu mais il est libéré.
Le 1er octobre dernier, la cour de cassation a jugé que la détention « n’était plus nécessaire à la manifestation de la vérité ». Ce, alors même qu’en avril dernier, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait refusé la levée d'écrou. Pour rappel, Pascal Gomez-Galeote est mis en examen dans plusieurs affaires, dont des complicités d’assassinat et des tentatives de meurtre, et il avait rendez-vous, ce lundi 14 octobre, au tribunal correctionnel de Marseille pour association de malfaiteurs et corruption active dans le cadre l’affaire Haurus. Pour rappel, Haurus est le pseudonyme utilisé sur le darknet par Christophe Boutry, un ancien membre de la DGSI soupçonné d’avoir fourni des renseignements à des groupes criminels.
Un message délétère
À la surprise générale, Pascal Gomez-Galeote s’est bien présenté à la barre, ce lundi. Il était là en homme libre, au grand désarroi de nombreux policiers et magistrats. Interrogé par BV, Bruno Bartocetti, délégué de la zone sud du syndicat Unité, le confirme : « C’est très difficile pour le moral des enquêteurs. C’est insoutenable parce qu’il est très difficile d'appréhender ce genre d’individu. C’est un très lourd travail qui est bafoué. Ça peut être perçu comme une provocation ». Il ajoute : « Ce n’est pas audible dans nos rangs, ça ne peut pas l’être dans l’opinion publique. Je n’ai pas envie de dire que la Justice ne fait pas son travail, mais elle n’a pas les moyens de fonctionner » .Le policier rappelle également que « ça renforce le sentiment d’impunité » des narcotrafiquants et des bandits en général.
Le policier fait part de « [sa] stupeur et de [sa] colère ». Il ne peut également s’empêcher de penser à certains de ses collègues en détention provisoire alors que ce caïd qui ne « présente aucune garantie morale pour la Justice » est libre. Il est désabusé. Bruno Bartocetti réagit avec une grande émotion, signe que, même si Pascal Gomez-Galeote s’est bien rendu à son procès, cette libération a fait des dégâts. Elle a envoyé un message déplorable aux policiers, aux magistrats, aux victimes du narcotrafic et aux narcotrafiquants eux-mêmes. La Justice française va mal, cette affaire en est une énième preuve.
Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR
Un vert manteau de mosquées
26 commentaires
En rapprochant cet article du précédent, il n’est sans doute pas exagéré de dire que dans la France d’aujourd’hui, un caïd du grand banditisme est mieux traité qu’un agriculteur par la République.
J’ignore la raison de la remise en liberté de ce quidam, mais tout de même, près de six ans en prison sans être jugé, c’est incompréhensible! Surtout quand il existe une liste impressionnante de délits et de crimes dont une partie au moins aurait dû donner lieu à un jugement et une condamnation, qui auraient justifié le maintien en détention. On ne peut pas maintenir six ans en prison quelqu’un qui, non encore jugé, jouit toujours de la présomption d’innocence.
» la Justice ne fait pas son travail, mais elle n’a pas les moyens de fonctionner » C’est évidemment une question de moyens. La Cour de cassassion ne semble pas en manquer, elle.
Les fonctionnaires de la justice et de la police ne cessent de réclamer plus de moyens. En quoi quelques millions de plus au budget de la justice auraient fait renoncer la cour de cassation à remettre en liberté ce criminel ? Ce n’est pas de plus d’argent qu’a besoin la justice, mais de plus de sens de l’intérêt du peuple.