Matteo Salvini à l’épreuve de Gênes
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Gouverner, c’est prévoir, dit-on. Mais la coalition populiste qui gouverne l’Italie depuis deux mois et demi à peine ne pouvait évidemment pas prévoir la tragédie du pont autoroutier de Gênes. Comme on ne peut lui mettre sur le dos cette catastrophe, il faut bien trouver autre chose. Et on a trouvé : Matteo Salvini n’aurait pas dû se réjouir que l’Aquarius n’accoste pas en Italie au moment même où l’on apprenait le drame.
Reconnaissons, en effet, que le tweet du ministre de l’Intérieur italien n’était pas très approprié : "En ce jour si triste, une note positive. Le bateau Aquarius et les migrants à bord seront répartis entre l’Espagne, la France, le Luxembourg et l’Allemagne. Comme promis, pas en Italie, nous en avons déjà fait assez. Passer des paroles aux actes." Un tweet qui passe mal, nous dit Le HuffPost, enfin, pour les twittos. Twitter est-il le reflet exact de l’opinion publique ? Vaste débat. Mais admettons, effectivement, que ce tweet est déplacé.
Il n’empêche que cette indignation, réelle ou « augmentée », est révélatrice de la « gouvernance » compassionnelle qu'est devenue celle de nos pays occidentaux et à laquelle nous sommes accoutumés. Gouverner, c’est prévoir, disions-nous, mais gouverner, c’est aussi s’associer à la douleur du peuple que l’on dirige. Et le gouvernement « populiste », semble-t-il, en ce domaine n’a rien à se reprocher. Salvini a tweeté régulièrement - puisque c’est la nouvelle façon de faire, aujourd’hui – au fur et à mesure que les informations remontaient à son administration.
Gouverner, c’est aussi agir dans l’urgence et, là aussi, le gouvernement Conte fait le job, est dans l’action. Comme l’aurait fait n’importe quel autre gouvernement qui peut s’appuyer sur son administration. Étonnant, non ? Action dans l’urgence : opérations de sauvetage mais aussi, parce que la vie continue et que l’intérêt général commande, recherche de solutions pour rétablir au plus vite le trafic routier dans cette région de fort passage, levée de fonds, etc.
Là où l’on sort de la gouvernance compassionnelle, c’est lorsque Salvini évoque la question délicate des responsabilités quand le président Matarella, lui, parfait représentant de la moribonde démocratie chrétienne, se contente d’évoquer "un drame effrayant et absurde". La faute à pas de chance, en d'autres termes. La gouvernance compassionnelle se caractérise, en effet, par sa haute compétence à commenter les drames. Ils auraient pu faire journalistes et, finalement, ils ont fait politiciens. En France, durant cinq ans, nous avons eu un orfèvre en la matière. "Absurde" ? Si le tweet de Salvini était indécent, que signifie alors ce qualificatif cache-sexe d’"absurde" ? "Contraire à la raison", nous dit le dictionnaire. Et Salvini, certes, sans attendre, sans respecter les convenables convenances du deuil, lui, aborde d'emblée le cœur du sujet : cet accident a des raisons. Et qui dit raisons dit responsabilités et donc responsables. Alors, démagogie lorsque Salvini promet que les responsables vont "payer, payer tout et payer cher" ?
Il est vrai que la gouvernance compassionnelle s’accompagne aussi de la dilution des responsabilités. Responsable pas coupable, disait-on naguère et, parfois, même pas de responsable et encore moins de coupable ! Un exemple, moins dramatique, en France, celui du traitement absurde de la solde des militaires. Jean-Yves Le Drian avait voulu des têtes en 2014 et, finalement, avait dû y renoncer. On ne peut pas poursuivre l’absurdité… Alors, Salvini pointe de son doigt mal élevé les possibles responsables : la société concessionnaire de l’autoroute et - transgression suprême – l’Union européenne et ses contraintes budgétaires qui empêchent "de dépenser de l’argent pour sécuriser les écoles où vont nos enfants ou les autoroutes sur lesquelles voyagent nos travailleurs…" Démagogique ? Peut-être. Absurde ? Pas plus que la catastrophe.
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