Matzneff : des faits, pas des sarcasmes
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Sollicité par la rédaction de Boulevard Voltaire me demandant si je serais inspiré par les informations révélées par un article du Journal du dimanche, être tenté de répondre par la négative, et puis se raviser.
L’article indique que Gabriel Matzneff racontait ses amours pédophiles sur un site Web qui s’est mis hors ligne, le 30 décembre dernier. Figuraient sur ce site des photos de ses trop jeunes conquêtes. Vanessa Springora, la victime qui, des années après dans son livre Le Consentement, dénonce le prédateur, aurait dû renoncer à une action judiciaire vouée à l’échec : ce site était hébergé dans une zone de non-droit asiatique et officiellement détenu et administré par un prête-nom, ayant certes bénéficié de clichés qui auraient dû rester privés. L’article s’interroge sur la concomitance des ennuis judiciaires, du haro médiatique actuel et de cette dépublication. Bien sûr que cela ressemble furieusement à planquer la poussière sous le tapis.
La tentative de cacher ces turpitudes rendues publiques et longtemps assumées est trop tardive, il y a trop de traces pour espérer cacher quoi que ce soit de significatif. Au pire, le camp de ceux qui le soutiennent encore risque un effet Streisand : attirer par maladresse l’attention sur ce qu’ils souhaiteraient cacher.
Quelques interrogations.
La racine grecque du sarcasme est σαρκάζω, arracher la chair, montrer les dents à quelqu'un pour s'en moquer, selon le Wiktionnaire. Ce serait si simple de faire étalage de cette ironie mordante pour fustiger l’hypocrisie de ce monde qui éclate au grand jour, de rivaliser de flèches pour en stigmatiser la perversité (faire consciemment ce qui est mal) et la duplicité (silence absolu sur les turpitudes germanopratines mais, en même temps, cabale contre un cardinal). Mais en quoi cela servirait-il le bien commun ? Faut-il clouer à un virtuel pilori tous ceux qui auraient eu des complaisances envers Gabriel Matzneff ?
Les règles de la prescription en cas de pédophilie semblent désormais inaccessibles à la compréhension des simples mortels en France, comme en témoigne le procès Barbarin. L’action judiciaire ouverte aboutira-t-elle ? Vu l’âge du prévenu, aura-t-elle seulement le temps d’aboutir ? Cette incertitude justifie-t-elle d’intenter un procès médiatique ?
Alors, que souhaiter ? Que la vérité se fasse. Sans cette vérité, Vanessa Springora et les autres victimes continueront de souffrir dans le silence. Cette vérité peut les aider à soigner leurs blessures causées par cet adulte qui abusait de leur enfance et, non content de le faire, usait de leurs histoires pour en faire une matière dite littéraire, encensée par l’air du temps.
Mais que cette vérité soit révélée sans lyncheurs ni lynché au temps des réseaux sociaux est sans doute trop demander. Parce qu’il est si aisé de devenir ce lyncheur, relisons ce texte sublime de la Ballade des pendus de François Villon qui se termine ainsi.
« Hommes, ici n’a point de moquerie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! »
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