Mazarin ou la raison d’État

MAZARIN

L’Histoire est une leçon permanente, on ne cesse de le dire et de le répéter. La France et nos dirigeants actuels peuvent tirer de nombreux enseignements de la vie des personnages qui ont marqué notre Histoire. Le font-ils ? Ça, c'est une autre histoire... Parmi ces personnages, il y a le grand cardinal Mazarin dont le service auprès de la France, il y a plus de trois siècles, marqua un tournant historique pour notre pays. Il mourut à Vincennes le 9 mars 1661 dans sa 59e année.

C’est un homme d’État malade qui se trouve, en ce début de la dix-huitième année de règne de Louis XIV, alité au château de Vincennes. Triste vision qu’est celle de ce corps affaibli par les années ainsi que par la goutte et les ulcères, mais néanmoins toujours habité par un esprit formidable qui a façonné le destin de la France.

Successeur du cardinal de Richelieu en 1643, Jules Mazarin réussit à maintenir la raison d’État au-dessus même des propres volontés du roi. En effet, jeune souverain sensible aux élans de l’amour, Louis XIV tombe amoureux d’une certaine Marie Mancini, qui se trouve être la nièce de Mazarin. Ce dernier aurait pu aisément accepter l’union des deux amants qui lui aurait permis ainsi de rentrer dans le cercle familial et très privée du roi de France. Cependant, le cardinal sait que le mariage d’un monarque ne peut être aussi légèrement réglé car il est, en réalité, une affaire d’État. Il convainc ainsi le souverain de la fille aînée de l’Église de renoncer à ses inclinations personnelles au nom du bien de la France et d’accepter un mariage de raison avec l’infante d’Espagne, Marie-Thérèse d’Autriche. Cruel sacrifice pour un jeune Louis XIV qui, jusqu’au dernier instant, souhaite s’unir à son premier amour. Mazarin, résolu à ce qu’une paix définitive soit scellée par ce mariage entre l’Espagne et la France, exhorte une dernière fois son juvénile souverain : « [Votre mère] m’a écrit l’état dans lequel elle vous a trouvé, et j'en suis au désespoir, car il faut absolument que vous y apportiez du remède si vous ne voulez être malheureux et faire mourir tous vos bons serviteurs… Et si vous ne vous résolvez tout de bon à changer de conduite, votre mal empirera de plus en plus. Je vous en conjure, pour votre gloire, pour votre honneur, pour le service de Dieu, pour le bien de votre royaume. » Louis XIV finit par renoncer et accepte de se marier à Saint-Jean-de-Luz, le 9 juin 1660. Il comprend ainsi, grâce au cardinal Mazarin, qu’un roi, au nom du bien commun, ne peut faire passer ses passions avant le destin de la France s’il veut continuer à régner.

En effet, le pouvoir est chose fragile si on ne sait pas le manier correctement et le tenir d’une main ferme. Une leçon que put retenir Louis XIV lors de son enfance grâce à son parrain, Jules Mazarin. Ce dernier, malmené par la première Fronde, est chassé de Paris par le Parlement en 1649 puis par la noblesse qui voit d’un mauvais œil « le gredin de Sicile » qu’ils accusent de s’approprier le pouvoir d’un monarque trop puissant. Cependant, le roi, grâce à son principal conseiller, réussit à mater la révolte et retient une nouvelle leçon qui préfigure son règne absolu : le pouvoir d’un roi ne peut être partagé.

Au terme de sa vie, avant de se retirer pour la dernière fois devant son souverain pour aller vers son divin créateur, Mazarin offre une dernière leçon à son roi. Ces conseils, que nous rapporte François Bluche dans son œuvre Louis XIV, étaient valables autrefois pour les rois et le sont tout autant pour les Présidents d'aujourd'hui ! « Louis s’était vu recommander de "maintenir l'Église dans ses droits", de ne nommer personne aux bénéfices "sinon des hommes capables, pieux et bien intentionnés", […] de contenir la magistrature dans le cadre de ses vraies fonctions, de "soulager le peuple […] sur toutes les impositions" ; enfin d'employer "les ministres selon leurs talents". » Ainsi après avoir offert cet ultime enseignement à son royal élève, Jules Mazarin s’éteint à Vincennes dans la nuit du 8 au 9 mars 1661. Mais son œuvre ne finit pas avec lui et fut perpétrée par ses disciples qu’il légua à la France. Ces grands serviteurs de l’État, comme Nicolas Fouquet ou Jean-Baptiste Colbert, marqueront ainsi le Grand Siècle par leur travail et aideront le Roi-Soleil à faire de son règne l’un des plus majestueux de l’histoire de notre grand pays.

Eric de Mascureau
Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

19 commentaires

  1. Merci de cette chronique historique passionnante, mais son œuvre s’est perpétuée et non perpétrée !

  2. Permettez moi d’ajouter, pour ma satisfaction personnelle, que le successeur de Colbert fut Claude Le Peletier….

  3. Quelle différence, tragique en un sens, entre ces grands serviteurs de l’Etat, et les minables qui n’ont en vue que des intérêts personnels electoralistes que sont actuellement nos dirigeants. Pas étonnant dans ces conditions que notre pays ne compte plus que pour quantité négligeable aux yeux du reste du monde.

  4. Un conseiller honnête, c’est pour servir son maître et l’avertir des risques de sa conduite. Ce n’est pas un courtisan. Car en fin diplomate, il doit obtenir ce qui sera le plus bénéfique à son protégé.

  5. Conclusion de ce brillant article , résumé d’histoire ce qu’il manque à la France aujourd’hui et plus encore à Macron c’est un Jules Mazarin .
    Mais il faut admettre qu’il est trop tard , Macron est trop haut dans son esprit et l’estime qu’il a de lui lui évite de s’apercevoir de l’opposition qu’il alimente de ses stupidités ( pour rester correct).

  6.  » Il comprend ainsi, grâce au cardinal Mazarin, qu’un roi, au nom du bien commun, ne peut faire passer ses passions avant le destin de la France s’il veut continuer à régner. » Heureuse époque, remplacée de nos jours par l’inversion des valeurs.

  7. Richelieu, Mazarin, Colbert avaient beaucoup de défauts ;mais ils avaient une qualité essentielle : Ils étaient des hommes d’Etat. Au 20 siècle, la France en a eu trois :
    Clemenceau, De Gaulle et Pompidou. Après c’est la catastrophe, et de pire en pire. ..

  8. La raison d’Etat et la vertu qui, seules, permettent de bien gouverner, manquent cruellement au Pouvoir actuel. Aujourd’hui, nous voyons triompher l’égoïsme, l’incompétence capricieuse, les détournements de fonds confisqués aux français par l’impôt aux bénéfices des mondialistes exploiteurs des peuples, grâce à leur machine infernale qu’est l’Union Européenne élitiste (et par là même, d’extrême droite). – – – – – – L’inconscience des peuples et des politiques, qu’ils soient acteurs ou complices par leur silence, m’effraie.

  9. A mon humble avis Nicolas Fouquet n’est peut être pas le bon exemple de ceux qui ont servi la France a voir la construction du Vaux-le-Vicomte ou le Roi n’a pas appréciè le faste. qui pour le moins faisait de l’ombre à Louis XIV par sa richesse, il en a mal fini.

  10. Quand on pense à tout ces illustres personages qui ont façonné la France durant la monarchie, pour tomber dans l’indigence républicaine, ça fait pitié. Vive le Roi.

  11. Oui, bien sûr, mais là on parle de grands hommes d’état, de vrais serviteurs de la France. Aujourd’hui nous avons des playmobils en costume-cravate qui font de la com, de l’idéologie et soignent leur carrière.

  12. Ou sont ils ces grands serviteurs de l’état , il y a bien longtemps que nous n’en avons pas eu .

  13. « Ces grands serviteurs de l’État, comme Nicolas Fouquet »….??? Ou je confonds ?

    Louis XIV le fait arrêter et emprisonner . Détournements de fonds, voilà la raison officielle . Une autre raison implicite celle-là, Fouquet était visiblement un personnage hors du commun, ouvert à son temps, au fait des dernières découvertes et possibilités coloniales, par exemple . Il était donc devenu inquiétant. Il surclassait le jeune roi,par l’étendue de son pouvoir, par sa richesse, son élégance . Et ne sut pas suffisamment les lui dissimuler . Il nous reste Vaux-le-Vicomte .

    • Mazarin, lui aussi, ne s’est pas gêné pour détourner l’argent de la France à son profit, et il n’est pas le seul. J’aurais aimé qu’on cite le Cardinal de Richelieu, un autre grand serviteur de la France …

      • Hormis quelques « hochets » Mazarin a légué sa fortune à Louis XIV . Il n’a fait qu’en jouir durant sa vie , en particulier ses collections d’art , sa bibliothèque …

    • Quant on est placé a un poste de responsabilité voir pire comme un élu à qui on fait confiance alors pas de pardon possible, chose oublié en grande partie en France.

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