Me Frédéric Pichon : « Une dérive inquiétante de restriction des libertés publiques visant à ficher ceux qui constituent pour ce gouvernement une “menace” : c’est grave ! »

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Me Frédéric Pichon, qui défendait devant le Conseil d'État le recours de Jean-Frédéric Poisson, président du parti politique VIA, la voie du peuple et de l'association Liberté politique, explique les tenants et les aboutissants des trois décrets du gouvernement autorisant policiers et gendarmes à faire mention des « opinions politiques », des « convictions philosophiques et religieuses » et de « l’appartenance syndicale » de leurs cibles, alors que les précédents textes se limitaient à recenser des « activités ». Il s'inquiète de cette dérive, mais aussi du peu de réactions de la société civile.

Jean-Frédéric Poisson, le président du parti VIA, la voie du peuple contre-attaque devant le Conseil d’État suite aux dispositions prises par le gouvernement autorisant le fichage des Français sur leur opinion. D’où vient cette décision ?

Cela s’inscrit dans une politique et une dérive inquiétante et globale de restriction des libertés publiques qui visent à restreindre les libertés des citoyens et à afficher tous ceux qui sont susceptibles pour le gouvernement en place de constituer une « menace ».
On assiste à une accélération de l’histoire.

Dans une interview au média Brut, Emmanuel Macron avait dit qu’il ne pourrait peut-être pas se représenter en 2022 ,compte tenu de certaines décisions désagréables qu’il serait contraint de prendre dans les mois à venir. On touche aux libertés publiques de manière tout à fait inédite dans l’histoire de la V° République.

On élargit encore plus le champ de contrôle de la population. Je ne parle même pas des autres mesures qui sont prises à côté sur les obligations de vaccin. Cela s’inscrit dans la même logique. Jusque là, l’État disposait déjà de moyens énormes pour pouvoir ficher les opposants politiques. Mais sur un plan sémantique, on fiche les gens d’après des activités politiques. Le glissement passe de l’activité politique à une opinion qui peut faire l’objet d’un fichage. Jusque là, on visait les gens qui pouvaient avoir une activité terroriste, mais en plus on va changer le concept d’activité terroriste par celui d’atteinte à la sûreté ou à la sécurité publique. C’est un concept éminemment subjectif. N’importe quel opposant politique qui, sur Facebook ou Twitter, va relayer une information qui est contraire au gouvernement et va par exemple partager une image d’un policier tapant sur un manifestant peut être classé comme un opposant politique violent, parce qu’il dénonce des agissements de l’État. Un militant de Marine Le Pen va être fiché extrême droite. Un militant de Jean-Luc Mélenchon va être fiché extrême gauche. Une personne opposante aux éoliennes va être fichée comme un activiste écologiste. En réalité, on fournit aux forces de l’ordre des instruments supplémentaires non pas pour protéger l’État, mais pour ficher et interpeller en amont tous manifestants.

Le contrôle des forces de l’ordre des réseaux sociaux n’a rien de très neuf. Si on fait l’avocat du diable, un individu est dangereux s’il présente des velléités de commettre un acte illégal, cela ne va pas changer grand-chose de savoir qu’il milite au parti communiste.

On dispose déjà de ces instruments, alors pour quoi en rajouter ? Le problème c’est que l’on va créer des fiches. Si vous êtes poursuivi pour une histoire d’alcoolisme au volant ou d’excès de vitesse, pourra figurer dans votre dossier judiciaire une mention fichée. Sur la base de quel critère, va-t-on mettre une étiquette sur une personne ? On va mettre cela dans un fichier qui pourrait être partagé et utilisé sans que l’on puisse apporter le principe du contradictoire. On a déjà ce que l’on appelle en matière policière, les fiches Stic. Même si une personne n’a pas été condamnée, qu’ elle a déjà été entendue par la police, elle a une fiche Stic. Vous pouvez encore la contester, mais vous n’y aurez même pas accès puisque c’est confidentiel. Cela touche également les personnes de votre entourage qui pourront elles-mêmes être recensées dans ce fichier. Toute la population française est susceptible de faire l’objet d’un fichage généralisé.

Via, le parti de Jean-Frédéric Poisson avait initié ce mouvement. La société civile peut-elle se retrouver derrière ce consensus ?

Le recours a été fait au nom de l’association le parti politique VIA. Il est d’ailleurs le seul à ma connaissance, mais aussi l’association liberté politique que je représente dans le Conseil d’État. Ce n’est que dans un second temps que la CGT, le syndicat de la magistrature, le syndicat des avocats de France dans le cadre d’un collectif avons fait ce recours. Je m’étonne et je m’inquiète qu’il n’y ait pas eu davantage d’associations politiques qui aient pris l’initiative d’engager cette procédure.

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