Me Thibault Mercier : « Burkini : Cette affaire est un nouvel exemple des dérives de cette nouvelle religion civile »
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Après la décision du conseil municipal de Grenoble d'autoriser le port du burkini à la piscine, le ministre de l'Intérieur, Gerald Darmanin, a annoncé avoir « donné instruction au préfet de déférer en “déféré laïcité” la délibération et, le cas échéant, d’en demander le retrait ». Le burkini est-il contraire au principe de laïcité ? Me Thibault Mercier, avocat et cofondateur du Cercle Droit & Liberté, répond à cette question.
Marc Eynaud : L'autorisation du burkini est-elle conforme à la loi ?
Thibault Mercier. Gérald Darmanin souhaite précisément faire suspendre la décision de la mairie de Grenoble sur le fondement de la laïcité. La question du burkini n’est pas nouvelle et le Conseil d’État, en 2016, refusant de voir dans le port de ce vêtement un acte de prosélytisme religieux, avait décidé que le seul motif qui permettait de l'interdire était de démontrer un risque avéré d’atteinte à l’ordre public ou de mettre en avant des raisons d’hygiène. D’ailleurs, un arrêté d'interdiction avait été suspendu à Villeneuve-Loubet, mais admis à Sisco (où des rixes avaient éclaté entre les autochtones et la communauté musulmane). Mais la loi contre le séparatisme de 2021 (ou, pour reprendre la novlangue gouvernementale, la loi « confortant le respect des principes de la République ») a introduit la possibilité d’un « déféré-laïcité » qui permet notamment au représentant de l’Etat (ici le préfet sur ordre de Gérald Darmanin) de porter devant le tribunal administratif un acte de nature « à porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics ».
Si le président du tribunal administratif décide que la modification du règlement intérieur de la piscine municipale par la mairie de Grenoble porte atteinte à la laïcité, il pourra prononcer sa suspension dans les quarante-huit heures. Bien conseillé sur ces questions, Éric Piolle a agi de manière habile en prenant une délibération qui ne mentionne aucunement le principe de laïcité ou la liberté religieuse. Le règlement intérieur reste ainsi purement factuel sur la tenue que les nageurs doivent porter à la piscine municipale. Son article 10 modifié interdit donc les shorts et les tee-shirts flottants et impose « des tissus spécifiques à la baignade, ajustés près du corps ». Les juristes tatillons nous dirons que le principe de laïcité ne s'impose pas aux usagers d'un service public mais l’on pourrait tout à fait considérer en l’espèce que cette décision de l’administration porte en elle-même atteinte au principe de laïcité en autorisant implicitement le burkini. La suspension de cette décision est donc très incertaine et c’est pour cela qu’Éric Ciotti ou encore Guillaume Peltier souhaitent déposer des propositions de loi pour faire interdire le port de ce vêtement et clore le débat juridique (et politico-religieux).
M. E. On a globalement l'impression qu'en statuant sur le port du voile dans l'espace public, le burkini ou autre, le pouvoir traite les conséquences avant les causes qui seraient davantage politiques que religieuses
T. M. Comme lors des discussions autour de la loi contre le séparatisme, le pouvoir politique se retrouve incapable de désigner l’ennemi. A l’époque, de quel séparatisme parlait-on ? Certainement pas de celui des catholiques traditionalistes ou des juifs orthodoxes… Ici encore, on se voile la face (c’est le cas de le dire) en refusant de voir que derrière le port du burkini se cache une question politique qui va bien au-delà de la simple liberté religieuse ou liberté de se vêtir. D’ailleurs, en mettant en avant une laïcité combattante de toutes les religions, nous restons ainsi dans un « en même temps » coupable bien illustré, par exemple, par le fait que le règlement intérieur permet aussi aux femmes de venir se baigner seins nus ou de porter un maillot intégral anti-UV. On peut également se demander à quoi joue le gouvernement sur ces questions alors que le Président Macron déclarait, récemment, à Strasbourg, qu’il était « beau » de rencontrer une femme voilée et « féministe » tout en combattant désormais le burkini par l’intermédiaire de son ministre de l’Intérieur…
M. E. Avons-nous les armes juridiques pour lutter contre cette islamisation ?
T. M. Tant que nous réduirons cette question à la simple liberté individuelle, nous serons incapables d’agir contre ce prosélytisme qui menace ce « vivre ensemble » si cher à la République. L’association militante Alliance citoyenne à l’origine de la délibération l’a d’ailleurs bien saisi en se plaçant du côté des droits de l’homme pour invoquer la liberté religieuse et celle de se vêtir (tout en criant au racisme systémique et à la discrimination). Nos droits de l’homme sont en effet devenus obsédés par le principe de non-discrimination et la défense des droits individuels. Cette vision nous place en position de faiblesse par rapport à d’autres civilisations ou communautés qui sont bien peu concernées par le projet d’une humanité unifiée. D’ailleurs, il semble bien qu’en pratique, ce sont ces associations revendicatrices qui se discriminent en affichant clairement leur volonté tant de se distinguer de tout ce qui se rapproche de la culture française que de vivre séparément de la seule communauté qui était auparavant reconnue en France : la communauté nationale. Cette affaire est un nouvel exemple des dérives de cette nouvelle religion civile qui aboutit, dans les faits, aux droits de tout un chacun d’imposer ses mœurs et coutumes aux citoyens autochtones et à la culture historique. Il est donc plus que jamais crucial de sortir de cette vision droit-de-l'hommiste de la liberté qui est devenue une arme politique et juridique interdisant de défendre une vision commune de la société.
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22 commentaires
je pense qu’Eric Piolle a répondu par une très subtile contre-provocation.
Acceptons le burkini, mais en contrepartie autorisons les femmes à se baigner seins nus. Mais… et c’est toute l’astuce, en même temps ! Car l’élu refuse absolument les horaires différenciés. Des baigneuses engoncées dans des vêtements et une pudeur doctrinale devant cohabiter avec d’autres, carrément décomplexées : la nudité des poitrines armera la laïcité bien plus efficacement que le Conseil d’État..
Si le burkini est effectivement autorisé, je propose une manifestation d’opposition consistant à tous se baigner nus à côté des femmes bâchées…
J’exige que l’on m’autorise à nager avec ma passoire pastafarienne sur la tête…
Lorsque les paroles ne servent à rien, alors il faut passer à l’action. Dans un premier temps, étant adepte de la non violence, j’invite tous les citoyens à prendre rendez-vous individuellement avec leur député pour exprimer de leur mécontentement. Et tout d’abord à faire le bon choix les 12 et 19 juin prochain.
Le petit homme vert qui occupe l’Hôtel-de-Ville de Grenoble joue avec le feu.
En autorisant le burkini, ET aussi les seins nus, il va provoquer des situations dont seul il portera la responsabilité.
Le jour où une nana se fera agresser parce qu’elle est seins nus, tout un coup l’immense idiotie apparaîtra, et le maire devra bien revoir sa copie d’hurluberlu vert-de-gris, et porter sur les mains le sang des victimes !
Religion civile en effet. Aucune réelle spiritualité tout au moins dans le Coran. C’est un simple code civil assorti de reprises de l’Ancien et du nouveau testament. Du reste, les musulmans que je connais avouent ne pas l’avoir réellement lu.
Bonne intervention mais Me Mercier ne propose pas de solutions efficaces et incontournables car j’imagine que les fabricants et porteuses de burkini n’hésiteront pas à se tourner vers la Cour européenne de justice (ou prétendu telle).
Le problème est que cette religion est aussi une loi (la charia) et un mode d’organisation de l’Etat (la théocratie), et notre droit nous permet de voir que la religion qui bénéficie comme les autres religions de multiples protections et nous interdit de voir le parti politique totalitaire qui avance avec.
Entretien très clair …De plus en plus triste et inquiétant .
Il n’y a plus de pouvoir politique démocratique depuis longtemps c’est la ploutocratie qui à gagnée
Quand je pense au boxer short masculin interdit au nom de l’hygiène, je me dis que ce monde marche sur la tête
suite verset 33-33 (femmes) restez dans vos foyers ; et ne vous exhibez pas à la manière des femmes avant l’islam (Jahiliyah). Puisque c’est interdit par le Coran, au lieu de vous faire des noeuds au cerveau utilisez le coran , et ils vont le prendre comme un boomerang et plein visage! Vous perler des « autres », ils parlent de « Dieux »! faites leur expliquer pourquoi ce verset ou le verset 4-34 n’est pas valable (pour le moment) en France!
« Cachez ce corps que je ne saurais voir », c’est en quelques sortes le credo des intégristes musulmans, puritains au delà de la démesure.
Or le burkini étant, justement tout sauf un vêtement moulant (proscrit par l’islam), voilà le biais par lequel le vert pastèque, maire de Grenoble devrait être retoqué, c’est à dire l’hygiène d’un vêtement flottant.
Maitre Thibault Mercier a bien cerné le problême. Les droits individuels vs les droits collectifs qu’une société peut se donner. La réconciliation entre les deux est presque impossible et donc nos institutions décisionnelles sont toujours entre le marteau et l’enclume quand il s’agit de trancher. Résultat: les droits individuels l’emporte.
Ah ben oui , ils ont bon dos , la liberté et les « droits de l’homme » ( de la femme ???)
En 1989, c’était l’histoire du voile de Creil. Le gouvernement de l’époque n’a jamais pris de décision. Il a botté en touche en laissant les chefs d’établissement se dépatouiller en ajoutant ou non une règle dans le règlement intérieur des établissements. « Les signes ostentatoires sont interdits etc. etc. »
Depuis le grignotage se poursuit. Menus halal … En 1988 un élève de mon collège refusait de se dessiner car sa religion l’interdisait. On découvre aujourd’hui le burkini dans les piscines.