[MEDIAS] Affaire Sansal : des relais d’Alger dans les médias français ?
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Dans ce qu’il est désormais permis d’appeler « l’affaire Boualem Sansal », deux camps médiatiques s’opposent. Il y a celui qui soutient l’auteur embastillé, avec dans ses rangs Le Figaro, BV, Charlie Hebdo, ou encore la Revue politique et parlementaire. Et il y a celui qui préfère ne pas prendre parti, voire qui incrimine le septuagénaire. France 5 figure dans cette seconde catégorie.
Faites entrer l’accusé
On ignore si l’écrivain a une télévision captant les chaînes françaises dans ses geôles, mais si oui, il a pu assister à son propre procès, qui s’est tenu dimanche 24 novembre, dans l'émission hebdomadaire C Politique. Entre autres témoins à charge appelés à la barre, il y avait le très virulent Nedjib Sidi Moussa. Ce docteur en science politique n’a pas hésité à charger le prisonnier Sansal et contester sa qualité d’homme des Lumières. « Il se trouve que Boualem Sansal, depuis quelques années, alimente un discours hostile à l’égard des immigrés, des musulmans et reprend tous les thèmes d’Éric Zemmour ». Et de s’adresser à l’animateur : « Vous auriez pu prendre l’extrait d’un entretien qu’il a donné à Frontières, média d’extrême droite, c’est tout de même choquant. »
Voilà comment on a parlé de Boualem Sansal à 20h10 sur le service public
Quelle honte de contribuer au financement de ça🤢 pic.twitter.com/Tgcu32kPWG— Destination Télé (@DestinationTele) November 24, 2024
Contacté par BV, Gilles-William Goldnadel a annoncé que l’association qu’il préside, Avocats Sans Frontières, avait lancé une saisine de l’Arcom contre cette « invraisemblable émission » de France 5. « On voit deux intervenants se déchainer contre Boualem Sansal, alors même qu’il est dans les geôles de la dictature algérienne, s’est-il indigné à notre micro. Le présentateur, monsieur Thomas Snégaroff, ne tente même pas de les modérer un peu. Au contraire, de temps en temps, il les relance en disant : "Il épouse le discours du colonisateur, M. Sansal ?". J’ai beau connaitre assez bien l’idéologie du service public, je ne pensais pas qu’un écrivain franco-algérien aussi respecté que M. Boualem Sansal puisse être ainsi mis en cause, taxé "d’extrême droite"… »
Mais au lieu de présenter ses excuses pour ses propos, le désormais fameux Nedjib Sidi Moussa est allé dans Mediapart, mercredi 27 novembre, afin de se présenter comme la victime d’une « virulente campagne de dénigrement raciste organisé par la fachosphère » et d’en remettre une couche sur la « dérive extrême-droitière » de Boualem Sansal. Il a même profité de cette interview fort complaisante - menée par un certain Yunnes Abzouz - pour aller encore plus loin dans ses accusations contre l’auteur à succès. « Son discours est tout sauf humaniste : il est raciste, colonialiste et réactionnaire », a avancé le politologue, avant d’évoquer, entre autres griefs, un « séjour controversé » de Boualem Sansal en Israël, en 2012, qui aurait suscité « l’hostilité d’une grande partie du lectorat algérien ». Ce serait donc cela, aussi, qui lui serait reproché, de l’autre côté de la Méditerranée ? De ne pas être antisémite ? Il fallait le dire tout de suite.
Nedjib Sidi Moussa politologue sans poste mais au service de son maître, crache son venin sur Boualem Sansal, Kamel Daoud et tous les arabes qui ne servent pas la cause « indigène ». Ce qu’il a dit en plateau est bien peu par rapport à ce qu’il confie ici à médiapart. https://t.co/tBulCnXV2N pic.twitter.com/RMez8BBZC6
— Florence Bergeaud-Blackler 🎓 (@FBBlackler) November 28, 2024
Jeudi 28 novembre, l’ancien eurodéputé Karim Zéribi a relayé sur Instagram la vidéo d’une de ses interventions sur la radio communautaire Beur FM où il reprend peu ou prou la même rhétorique que Nedjib Sidi Moussa. Lui aussi voit dans la défense de Boualem Sansal le faux nez d’une islamophobie latente. « C’est Marine Le Pen qui fait des tweets, c’est Bardella. Tout d’un coup, ils aiment les Franco-Algériens quand ils crachent sur l’Algérie, quand ils diffusent la haine de l’islam, du musulman », estime celui qui officie régulièrement sur CNEWS.
Radio Alger
Mais au-delà de ses soutiens, c’est l’auteur lui-même qui serait condamnable, selon Karim Zéribi. Boualem Sansal « alimente un fonds de commerce qui est celui de l’extrême droite et d’une partie des pseudos intellectuels réactionnaires », affirme l’ancien conseiller municipal EELV de Marseille. Il faudrait donc, selon lui, que « les gens de paix » s’unissent contre « ces Boualem Sansal, pseudo écrivains islamophobes qui propagent la haine ».
Si Karim Zeribi reste opposé à un emprisonnement à vie du malheureux septuagénaire, il recommande néanmoins à l’Algérie de lui « interdire de rentrer sur son sol », voire même de « le déchoir de sa nationalité ». Faut-il, de manière symétrique, déchoir de leur nationalité française tous les binationaux qui insultent notre pays ? Nul doute qu’une telle mesure - qui n’est proposée chez nous par personne, pas même Éric Zemmour ou Marine Le Pen - serait immédiatement qualifiée de raciste et xénophobe par ceux qui la préconisent de l’autre côté de la Méditerranée…
Karim Zeribi : « Les gens de paix doivent s'unir pour mettre à mal ces Boualem Sansal pseudo-écrivains islamophobes qui propagent la haine. »
pic.twitter.com/9Lfvar7QzF— La Lanterne (@lalanternemedia) November 28, 2024
Prenant manifestement cette affaire très à cœur, l’ancien eurodéputé et militant associatif a profité d’un passage sur CNEWS pour réitérer ses propos. « Je ne suis pas un défenseur de Boualem Sansal, a-t-il maintenu. Ses écrits sont islamophobes, ses sorties aussi, il ne combat pas l'islamisme. Il est également négationniste. » Entre la liberté d’expression d’un écrivain et la défense de l’État algérien, Karim Zéribi a manifestement choisi.
Mais pourquoi s’en étonner ? La fidélité - l'allégeance ? - du sieur envers l'Algérie n’est pas un scoop. Non content de prendre en permanence la défense des quartiers « populaires » lors de ses interventions télé, Karim Zéribi entretient des relations très étroites avec l'ancienne colonie française : début 2024, l’homme d’influence a cofondé le Conseil mondial de la diaspora algérienne, une structure commerciale présentée au Maghreb comme « le nouvel outil du soft power algérien à l’étranger »… Autant dire que ce n'est pas de lui que viendra la critique la plus sévère de la dictature algérienne.
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2 commentaires
Ce bon Zeribi invite l’Algérie à interdire de séjour un de ses propres ressortissants et traite de raciste et d’islamophobes les français qui veulent bannir les étrangers délinquants du sol de France ? Étonnant, non?
Karem Zeribi me déçoit au plus haut niveau.