[MEDIAS] Manif anti-Israël devant TF1 : l’incroyable connivence médiatique

©Edison McCullen/Wikimédia
©Edison McCullen/Wikimédia

Dans le milieu de la presse, c’est ce qu’on appelle un « gros coup ». Jeudi dernier, dans la journée, la direction de LCI a annoncé que le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou serait l’invité du journaliste Darius Rochebin le soir même, à 20h30. Une exclusivité qui assoit la stature de cette chaîne déjà très orientée vers l’actualité internationale.

Tollé du côté de la NUPES

À l’extrême gauche, en revanche, cette annonce n’a guère suscité l’admiration. Bien au contraire. Plusieurs figures de La France insoumise se sont indignées, qualifiant l’interview d'« apologie du génocide »« En France, on reçoit à la télé le criminel de guerre Netanyahou », a ainsi fustigé le fondateur de LFI Jean-Luc Mélenchon, en ajoutant : « La honte habite en France. » Les inénarrables Louis Boyard et Thomas Portes se sont montrés tout aussi mesurés, appelant d’une même voix au boycott du groupe TF1. « Comme pour l’Afrique du Sud, le boycott est l’arme des peuples pour mettre au ban des nations un pays qui commet un génocide, pratique la colonisation et l’apartheid », a tweeté Thomas Portes. Chef de fil des Verts, Marine Tondelier s’est positionnée sur la même ligne et a déclaré qu’une telle interview était proprement « inadmissible ».

Mais c’est encore Rima Hassan qui s’est montrée la plus enragée. Sur X, la candidate LFI aux élections européennes a appelé à un rassemblement devant le siège de TF1, où se situent également les locaux de la chaîne d'info du groupe. « On doit impérativement se mobiliser ce soir devant les deux locaux en même temps à 19h ! », tweeta-t-elle. Celle que certains surnomment avec ironie « Lady Gaza » a également mis en cause Gilles Pélisson, « président de TF1 », alors que le malheureux n’est plus en poste depuis... février 2023 !

Un appel au sabotage

La pasionaria pro-palestinienne ne s’est pas arrêtée là. Elle a exhorté les salariés du groupe TF1 à « sauver » leur honneur et à se mettre en grève, voire à empêcher la diffusion de l’interview. « Salariés et stagiaires du groupe TF1, prenez vos responsabilités ! Sabotez cette émission. »

Quelque 2.500 personnes se sont ainsi rassemblées, multipliant les cris hostiles à Israël, au groupe Bouygues Telecom et à la diffusion de l’interview de Benyamin Netanyahou. Cette manifestation non autorisée a exigé l’intervention rapide des forces de l’ordre afin de contenir certains militants particulièrement énervés qui avaient entrepris d’investir le périphérique…

La complicité médiatique

Mais le plus scandaleux, dans cette affaire, reste son traitement médiatique. Aucun journal n’a jugé bon de dénoncer les appels à l’insurrection des Insoumis. Pas un pour s’émouvoir d’une telle remise en cause de la liberté de la presse. Libération n’a, ainsi, rien trouvé à objecter à cette manifestation haineuse et a assuré, contre toute évidence, qu’elle s’était déroulée « sans incident ». À tout prendre, ce serait plutôt le dispositif policier qui, selon le quotidien, aurait des choses à se reprocher. « Il n’est pas encore 19 heures, mais les forces de l’ordre exfiltrent déjà le moindre passant pour tuer dans l’œuf le rassemblement », s’est-il ému. Même complaisance du côté de France Info et TV5 Monde, qui ont préféré passer sous silence l’illégalité du rassemblement ainsi que les appels au sabotage qui, comme le rappelle l’avocat Gilles-William Goldnadel, relèvent pourtant du délit pénal. Une dépêche de l’AFP parlait d’une « ambiance bon enfant, aux cris de "Israël assassin" »

Imaginerait-on une telle passivité, une telle complaisance journalistique, à l’égard d’une autre manifestation illégale ? Que ce serait-il produit si quelque 2.500 militants, non pas d’extrême gauche mais simplement patriotes, avaient tenté de faire le coup de poing au pied du siège d’un journal ? Chacun le devine : l’événement aurait fait la une des médias, à grand renfort de bandeaux sur le retour de la bête immonde et des « heures les plus sombres », les syndicats de journalistes se seraient levés comme un seul homme pour apporter leur soutien à la rédaction mise sous pression et Reporters sans frontières aurait publié un communiqué appelant à la défense des « valeurs de la république ».

Cousu de fil rouge et vert, ce deux poids deux mesures est instructif. Il prouve que, pour la plupart des journalistes, la cause palestinienne passe avant la liberté de la presse. Chacun ses priorités.

Jean Kast
Jean Kast
Journaliste indépendant, culture et société

Vos commentaires

17 commentaires

  1. Quoique cette manifestation n’emporte nullement mon adhésion au regard de ces fauteurs de trouble permanents je modère cette appellation) , mais au delà je suis tenté de sourire en sourdine pour ce groupe Tf1 qui ne fait pas vraiment preuve d’une grande impartialité quand il s’agit de recevoir leurs invités (encore tout récemment dame présentatrice du journal Tf1 du week-end recevant Jordan Bardella , une attaque bien dirigée ), alors on appelle cela un « retour de bâton, peut-être cela leur ouvrira t-il les yeux ? En marge de cet épisode la réaction extravagante de l’interview du directeur de l’information de Tf1 sur un média du service public (France inter me semble t-il ?) , où cette journaliste demandait à son invité s’il pensait (pour rééquilibrer à ses yeux la balance ) inviter un des responsables du Hamas), mais quelle infamie !!!

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