[MEDIAS] Matthieu Pigasse, un patron de presse dont l’ingérence passe crème

@Philippe Moreau Chevrolet/Wikimedia commons
@Philippe Moreau Chevrolet/Wikimedia commons

C’est une voix qui compte. Banquier d’affaires mais aussi patron de presse, Matthieu Pigasse n’hésite plus à prendre la parole et à s’engager dans le débat public. Il vient de le faire sur le sujet de l’identité nationale, relancé ces derniers jours par François Bayrou. « Être Français, c’est partager des valeurs, pas une origine. Notre identité nationale, c’est l’ouverture et pas le repli, c’est la justice sociale et pas l’exclusion, c’est l’égalité et pas l’assignation, a ainsi fait valoir le copropriétaire du Monde. Ne laissons pas la droite radicale la dévoyer. L’urgence reste sociale ! »

Le tweet du millionnaire n’a pas fait l’unanimité. Fondateur du site de référence Fdesouche, Pierre Sautarel a moqué un message aux allures de « slogan publicitaire d'une complémentaire santé ». L’ancien député européen Jean-Yves Le Gallou a, de son côté, dénoncé le bla-bla habituel du banquier hors-sol », rappelant que l’identité nationale relevait d’un héritage triple, « celui d'une lignée, celui d’une Histoire, celui d’une culture ». À l’inverse, l’extrême gauche mélenchoniste a salué la vision de Matthieu Pigasse, à l’image de Sophia Chikirou : « Et finalement, être Français c'est juste avoir une carte d'identité française », a commenté la députée LFI, sans se rendre compte qu’elle venait de donner une assez bonne définition de ceux qu’on nomme « Français de papiers ».

Une ingérence tous azimuts

L’implication politique du riche businessman est parfaitement assumée. Sur son profil X, un mot apparaît en grand : « Combat », le nom de son groupe de médias et d'activités culturelles, inspiré du célèbre journal. C’est ce même « combat » qu’il revendiquait, en janvier 2025, dans les colonnes de Libération. « Je veux mettre les médias que je contrôle dans le combat contre la droite radicale », affirmait-il alors. Depuis cette déclaration, celui qui a appelé à voter Nouveau Front populaire aux élections législatives de 2024 a multiplié les prises de position très partisanes, alertant sur le « vent mauvais » du conservatisme ou la tentation du vote RN, qualifié de « retour de la bête immonde ».

Tout récemment, le banquier est également intervenu dans l’affaire du désormais fameux Merwane Belazar, ce chroniqueur remercié de France TV après la découverte de tweets pour le moins problématiques. Matthieu Pigasse a apporté son soutien au jeune barbu, dénonçant une intolérable « censure » orchestrée par « la droite radicale ».

Le militantisme impuni

Il se trouve que M. Pigasse est actionnaire de la société Mediawan, productrice de l’émission qui employait Merwane Belazar, mais aussi d’autres programmes diffusés sur l’audiovisuel public. S’agit-il là des médias que le patron de presse disait « contrôler » et mettre au service de son « combat » idéologique ? Peut-être.

Mais, étrangement, ni l’Arcom ni les sociétés de journalistes n’ont semblé s’émouvoir de cette volonté déclarée par Matthieu Pigasse de peser sur la ligne éditoriale de ses médias. L’ingérence d’un patron de presse ne pose manifestement pas de problème lorsqu’il s’agit de promouvoir des idées de gauche… En face, c’est une tout autre histoire. Accusé d’ingérence via sa plate-forme X, Elon Musk est conspué par toute la gauche. La Commission européenne a même lancé une enquête contre lui. On ne compte plus, également, les articles à charge contre Vincent Bolloré, accusé d’avoir « son propre agenda politique » et de « mobiliser son empire médiatique pour peser » sur la vie politique du pays. Pourquoi ce procès n’est-il jamais fait à Matthieu Pigasse ?

Dernière illustration de ce deux poids deux mesures scandaleux : la mésaventure vécue, il y a moins de quinze jours, par Philippe Carli. Le dirigeant d’EBRA, plus gros groupe de presse régionale de France (L'Est républicain, Le Progrès, Le Dauphiné...), a été contraint de démissionner après avoir « liké », sur le réseau social LinkedIn, des posts de Sarah Knafo et Marion Maréchal… L’homme n’avait nullement tenté d’influencer ses équipes, aucune « ingérence » ne lui était reprochée, mais le seul fait d’être potentiellement de droite a suffi à lui faire perdre son emploi. Maccarthysme, quand tu nous tiens...

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Jean Kast
Journaliste indépendant, culture et société

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