Mélenchon, pape François : même combat !

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Miracle ! Jean-Luc Mélenchon, le patron de La France insoumise, cet ancien trotskiste, cet admirateur de Karl Marx pour qui la religion est « l'opium du peuple », vient de retrouver la foi de son enfance. Dans une tribune publiée sur le site du magazine La Vie, il déclare avoir beaucoup apprécié la dernière encyclique du pape François, Fratelli tutti. Il boit les paroles du souverain pontife, qui s'attaque au néolibéralisme et au repli sur soi, appelant les Français à entendre cette « condamnation morale » et à devenir un « peuple ouvert ». Que penser de cette convergence ?

Cette encyclique a une visée très politique : son titre, Fratelli tutti, reprend le mot de saint François d'Assise, s’adressant à tous ses frères et sœurs, pour leur proposer un mode de vie conforme à l’Évangile ; son sous-titre, « Sur la fraternité et l'amitié sociale », en définit l'objectif. Si on la lit intégralement, on constate qu'elle évoque des sujets susceptibles de plaire à Jean-Luc Mélenchon. Le pape attire, en effet, l'attention « sur certaines tendances du monde actuel qui entravent la promotion de la fraternité universelle ». Avec Ahmad el-Tayeb, grand imam de la mosquée Al-Azhar, qu'il a rencontré à plusieurs reprises, il a signé, en 2019, un Document sur la fraternité humaine pour la paix dans le monde et la coexistence commune, dont s'inspire l'encyclique.

« J’ai essayé de le faire de telle sorte que la réflexion s’ouvre au dialogue avec toutes les personnes de bonne volonté », écrit le pape, considérant apparemment cet imam, réputé modéré, comme une personne de bonne volonté. Une gauche imprégnée de marxisme peut être séduite par sa critique de la « spéculation financière » et de « l'exploitation » et se délecter de réflexions sur la richesse des cultures différentes et sur la nécessité de bien accueillir les migrants.

Le pape François regrette que « de nos jours, [les migrations] doivent compter avec la perte du “sens de la responsabilité fraternelle”, sur lequel est basée toute société civile ». Jean-Luc Mélenchon bée d'admiration ! Il déguste les dénonciations papales du « populisme » et d'une « mentalité xénophobe de fermeture et de repli sur soi ». L'opinion selon laquelle « un chemin de fraternité, local et universel, ne peut être parcouru que par des esprits libres et prêts pour de vraies rencontres » n'est pas dénuée d'utopisme ou de candeur. Ce chemin, le pape veut l'emprunter avec les représentants des religions et cultures différentes, dont l'imam Ahmad el-Tayeb : Mélenchon serait bien du voyage !

Il n'est pas sûr que ses accointances avec le pape François soient dénuées d'arrière-pensées. Quelles que soient les convictions profondes de son leader, son parti comprend des personnes qui ne sont pas des modèles de tolérance. Son indulgence pour l'islamisme serait-elle motivée par des considérations électorales ? Son éloge de l'encyclique aurait-il pour intention secrète de rallier une partie des catholiques en vue de l'élection présidentielle ? Quant au pape, il confirme que, quand il se mêle de politique, il n'est pas à l'abri des préjugés qui prospèrent dans les milieux de gauche et risque de se faire accuser d'être un partisan de la théologie de la révolution.

Ceux qui ne partagent pas leur point de vue pourront toujours se dire que Jean-Luc Mélenchon n'est ni un apôtre ni un évangéliste, mais un tribun habile, et que François, comme il aime à se faire appeler, peut se tromper en politique et n'est infaillible, selon l'Église, que lorsqu'il s'exprime ex cathedra en matière de foi ou de morale. Mélenchon l'approuverait-il quand il condamne l'avortement et déclare que l'objection de conscience est un droit ?

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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