Il est menacé de mort pour avoir révélé l’affaire des influenceurs algériens

© Capture écran TikTok
© Capture écran TikTok

« J’ai déjà déposé plainte contre une trentaine de personnes. » Depuis maintenant un mois, Chawki Benzehra vit dans la peur. « Je ne me déplace plus que lorsque j’ai un impératif. Je limite mes sorties. Ma vie a complètement changé, confie le lanceur d’alerte, contacté par BV. Il y a même eu des rondes de policiers dans mon quartier. » En cause, des dizaines de menaces de mort reçues sur les réseaux sociaux à la suite de son travail de signalement, qui a permis l’interpellation de plusieurs influenceurs algériens.

Menacé de mort

Tout commence fin décembre. Chawki Benzehra, alerté par plusieurs internautes, décide de traduire et de publier sur son compte X des extraits de vidéos d’influenceurs algériens qui tournent sur TikTok et cumulent déjà plusieurs dizaines de milliers de vues (voire centaines de milliers, pour certaines). Face caméra, ces hommes qui résident en France lancent des appels à la haine, à la violence, voire au meurtre. « Ce n’était pas un phénomène nouveau, pour moi, nous explique le trentenaire. Cela faisait deux ou trois ans que j’avais remarqué un mouvement sur les réseaux sociaux. Mais depuis la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, on a franchi un cap. Les vidéos sont devenues plus violentes. » « Étonné » que les services de renseignement ne se soient pas saisis du dossier et n’aient pas fait fermer ses comptes, l’activiste, fort de ses 377.000 abonnés sur TikTok et 54.000 abonnés sur X, tente de porter l’affaire publiquement. « Je l’ai fait parce qu’au vu du parcours et des déclarations de M. Retailleau, je savais qu’il y aurait une volonté d’action. Je ne l’aurais pas fait s’il y avait eu un ministre différent à l’Intérieur », nous raconte-t-il.

L’affaire prend rapidement de l’ampleur. Les influenceurs apparaissent en une de nombreux médias. Bruno Retailleau s’en saisit. Plusieurs d'entre eux sont interpellés ; certains sont placés en détention provisoire. C’est alors que les menaces contre Chawki Benzehra commencent. « J’en ai reçu dans mes messages privés sur les réseaux sociaux. Il y en a même qui me menacent à visage découvert », explique-t-il. La grande mosquée de Paris le pointe même du doigt nommément dans un communiqué. Les menaces prennent une autre tournure. Un individu se rend dans la région lyonnaise, où réside Chawki Benzehra, et, en face caméra, déclare : « Je suis venu spécialement pour toi. Je suis venu t’achever… » Entendu par les forces de l'ordre, Chawki Benzehra nous indique que l'affaire semblerait être centralisée à Paris.

« Biberonné » à la haine de la France

Rien ne prédestinait pourtant ce jeune Algérien, traducteur de formation, à devenir un lanceur d’alerte en France. Né en Algérie, Chawki Benzehra suit une licence de langues à Constantine. Dans les années 2010, il « rejoint un parti d’opposition dans la vague des printemps arabes ». En 2012, il débarque en France pour poursuivre sa formation et valider un master. Il commence alors à travailler et effectue des allers-retours avec l’Algérie. Sept ans plus tard, en 2019, il participe au Hirak, un mouvement pour les droits civils. Aujourd’hui, « après une grande remise en question », le jeune traducteur déclare prendre un peu de recul sur le mouvement et ses influences islamistes. Il continue malgré tout son activisme sur les réseaux sociaux. Ses prises de position lui valent d’ailleurs une condamnation par contumace en Algérie pour, notamment, attroupements non armés et atteinte à l’intégrité territoriale. Au printemps 2022, Chawki Benzehra dépose alors une demande d’asile en France. Celle-ci est acceptée en décembre 2023.

Venir étudier en France était un « rêve ». « C’est paradoxal, souligne-t-il. En Algérie, on nous rabâche que la France est le pays ennemi, mais tous les Algériens veulent obtenir un visa pour la France. C’est de la schizophrénie. » Ne plus retourner en Algérie, en revanche, n’était pas prévu. Mais, même s’il ne se sent plus actuellement en sécurité, Chawki Benzehra reste reconnaissant envers la France de l’avoir accueilli.

Depuis son arrivée en France, le traducteur a d'ailleurs pu prendre du recul sur certaines de ses prises de position passées, notamment à propos de Boualem Sansal, l’écrivain aujourd’hui retenu en détention en Algérie dont il affiche le visage sur ses réseaux sociaux. « Au début, j’étais heurté par ce qu’il disait, raconte Chawki Benzehra. Mais, petit à petit, je me suis rendu compte qu’il lançait l’alerte, qu’il tentait de déconstruire certains discours en Algérie. Aujourd’hui, même si je garde des différends avec lui, je comprend cette approche. » Chawki Benzehra nous explique ainsi qu’à « l’école, on était biberonné par une haine de la France. Le couplet de l’hymne anti-France, on l’apprenait par cœur, par exemple.v» Une propagande qui l'empêchait, selon lui, de comprendre le discours de Boualem Sansal. Des Algériens « biberonnés » comme lui à ces discours, il en existe donc beaucoup en France, avertit-il. « Les problèmes de l’Algérie sont les vôtres : ils sont maintenant sur le sol français. Nos destins sont liés », conclut-il.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 03/02/2025 à 9:44.
Picture of Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

53 commentaires

  1. La France pays d’asile !!! Quelle protection puisque l’on n’est même pas capable de renvoyer ces influenceurs ni de dénoncer le traité nous liant à l’Algérie ni d’y renvoyer ses indésirables. Chawki Benzehra connaîtra t’il la même fin que Salwan Momika ?

  2. Bonjour, j’ai entendu, voici quelques mois , l’été dernier , un gouvernant de la France, prétendre que si le rassemblement National avait la majorité , ce serait la guerre civil . Je vois que cette personne est aveugle, car nous voyons dans cette histoire, que ceux qui veulent créer la guerre civil en France, sont bien loin du R N , et pas très loin de chez nous, même qu’ils ont pu installer dans notre écurie, un monstrueux cheval de Troie, et cela en toute quiétude, avec l’aval de nos gouvernements précédents . Et nous , on regarde ! ! ! on regarde ! ! ! ! Même qu’en Juillet on a dit oui ! ! ! Debout la France Réveille toi ! ! ! s’il est encore temps . . . .

  3. Dites un mot de travers sur un étranger et vous aurez sur le dos un tas d’associations haineuse des Français qui vous tombera dessus, le MRAP faisant partie des pires… par contre l’inverse peut se produire dans le silence médiatique le plus total !
    Courage à ce monsieur, il a toute ma sympathie pour son action !
    Quant allons-nous réaliser que l’Algérie est un pays hostile pour la France et qu’il faudrait limiter par tous les moyens la prolifération des nuisibles sur notre territoire ?
    Nuisible désigne chez moi les personnes hostiles, pas la totalité…

    • Ce n’est pas l’Algérie qui est hostile, mais le gouvernement algérien qui cultive la haine anti-Français dans un but purement intérieur : éviter à tous prix que le peuple algérien ne mette son nez dans leurs affaires gouvernementales, quintessence de la corruption par détournement historique la manne pétro-gazière au profit exclusif de la caste Armée-FLN.

  4. Bien naïf ce jeune influenceur algérien… Il était évident et inéluctable qu’il allait être menacé et vivre un enfer… Courageux et audacieux à la base de dénoncer ce que nos services de sécurité n’étaient pas fichu de suivre eux même, mais j’ai été stupéfaite quant j’ai vu son témoignage à visage découvert, avec son nom sur CNEWS… suicidaire ! c’était évident qu’il allait au devant des pires ennuis… je ne comprends pas…il connait bien la mentalité des gens qu’il dénonce, il devait donc bien s’attendre à des suites… et ceux qui ont relayé ces informations aussi (médias, ministère)? ca aura du rester secret défense…

  5. Ce jeune algérien est très courageux qu’il soit menacé ne m’étonne pas il faut qu’il soit très prudent et surtout qu’il ne compte pas sur une aide quelconque de macron il a choisi son camp il est pro musulman et pro immigration lors qu’il a refusé de participer à la marche antisémite

  6. Compte tenu du pouvoir laissé aux forces intérieures ennemies de la France, par l’Etat français complice – et sur son propre territoire ! – il ne reste plus qu’à entrer en résistance, comme les FFL pendant l’occupation, lors de la dernière guerre mondiale, c’est-à-dire en prenant le maquis médiatique.

  7. Je ne comprends pas bien. Comment se fait’il qu’il n’y a aucun contrôle sur les réseaux sociaux de la part de l’état et que ce soit un particulier qui soit obligé de dénoncer ce genre de faits. Il y a sérieusement un problème. Un gros problème même. Alors, on peut vendre des armes ou de la drogue sur les réseaux en toute impunité. Surprenant, non!

  8. Et maintenant les responsables de ce désastre vont-ils fuir le pays où se soumettre ? L’Algérie actionne ses agents en France, n’avons-nous pas de peuples à soutenir dans ce pays ? Dans tous les cas, ce n’est pas notre Président d’opérette qui va nous sortir d’affaire.

  9. Au delà du problème algérien on a un vrai problème de la justice. On sait parfaitement identifier les prêcheurs de haine sur Internet, mais les sanctions sont absentes, dans ce domaine, comme dans tous les autres d’ailleurs. Merci Macron.

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