#MeToo à Pompidou-Metz : malaise dans l’entre-soi de l’art contemporain

Deborah De Robertis taguant l'oeuvre de Courbet. Capture d'écran @ France3
Deborah De Robertis taguant l'oeuvre de Courbet. Capture d'écran @ France3

Des œuvres ont été taguées à la peinture au Centre Pompidou-Metz, le 6 mai. Ce ne sont pas les militants écolos qui ont sévi une nouvelle fois, mais Deborah De Robertis qui a réalisé une « performance ». Accompagnée de quelques complices, elle a inscrit « MeToo » à plusieurs endroits : sur L’Origine du monde (le tableau est vitré), sur une photo de l’actionniste viennoise Valie Export exhibant son sexe et sur des œuvres de Louise Bourgeois et de Rosemarie Trockel. Elle a également volé une œuvre d’Annette Messager...

Fait notable : De Robertis était l’un des artistes présentés dans le cadre de cette exposition qu’elle a mise à mal : « Lacan - Quand l’art rencontre la psychanalyse ». Lacan, explique le musée, n’avait pas eu « son » exposition, contrairement à Barthes, Foucault, Derrida et Deleuze. Or, sa pensée n’est-elle pas, comme celle des idoles susdites, « essentielle pour comprendre notre contemporanéité »? Une section de l’expo, donc, « repense la notion patriarcale ». Une autre « insiste sur le fait qu’il n’existe pas d’essence de la femme » : ce concept lacanien, qui fut à l’époque critiqué comme phallocentriste, est aujourd’hui loué - Transmania, quand tu nous tiens ! Une autre détaille « chute, phallus, sein, corps morcelé, merde, voix, rien, regard et enfin trou ». Fermons le ban.

Même Libé fait la fine bouche

Dans cette atmosphère, Deborah De Robertis était censée se fondre parfaitement. Ayant eu l’inspiration de montrer sa foufoune devant L’Origine du monde (2014) et ayant constaté que le monde de la culture avait trouvé cela créatif et audacieux, elle a réitéré devant l’Olympia (2016), devant La Joconde (2017), devant la grotte de Lourdes (2018), lors d’une manif gilets jaunes (2018). Tant qu’elle parasitait l’art du passé ou tournait en dérision un sanctuaire marial, ses pairs trouvaient cela très engagé et si artistique. Mais s’en prendre à une exposition qui fait la part belle à l’art contemporain et rend hommage à un « grand monsieur » de la psychiatrie déconstructiviste ? Ça coince.

Pour vous dire l’étendue du malaise, même Libé n’est pas enthousiaste. Le coup de Deborah De Robertis ne fait pas sens : « Que penser d’une artiste qui s’en prend aux œuvres d’autres artistes avec qui elle est exposée ? Qui plus est quand deux de ces œuvres sont signées précisément d’artistes femmes réputées pour leur positionnement féministe tout au long de leur carrière ? » Autrement dit, salissez autant que faire se peut les œuvres anciennes, représentatives du patriarcat, mais pas touche aux copines ! Le milieu a beau être transgressif en diable, il y a des choses qui ne se font pas…

Bientôt le grand déballage ?

L’affaire prend une autre tournure lorsqu'on apprend que Deborah De Robertis a publié, sur Mediapart (l’entre-soi, encore), un long texte où elle s’en prend à quelques hommes du monde de l’art qu’elle accuse nommément (du moins par leurs prénoms) d’avoir abusé d’elle. Elle commence par « Bernard », mécène et curateur. Une mise en cause claire, selon Libé, de l’un des deux commissaires de l’expo « Lacan », puisque De Robertis justifie le vol de la broderie d’Annette Messager par le fait qu’elle appartient audit « Bernard ». Une broderie à texte, voire à programme : « Je pense, donc je suce ». L'œuvre apparaît dans une vidéo que De Robertis a mise en ligne le 6 mai où l'on voit longuement « Bernard ».

Péroraison du texte de Deborah De Robertis : « J'appelle toutes les femmes, avec ou sans vulve, toutes les personnes intersexes, trans et non-binaires, et toutes les personnes sous-représentées - qu’elles soient artistes, assistant·es ou stagiaires du monde de l’art - à oser s’exprimer. » Ambiance. Du côté de la communication du Centre Pompidou-Metz, il est expliqué à BV qu’« on ne commente pas ». Après les accusations de pédophilie qui concernent le plasticien Claude Lévêque, mis en examen il y a un an (« Tout le monde savait »), comment vont réagir les hommes désignés par leur prénom - Bernard, mais aussi Juan, François… ? Vont-ils feindre de ne pas se reconnaître ou porter plainte contre Deborah De Robertis ? Le milieu de l’art contemporain aime malmener l’idée qu’il se fait de la morale bourgeoise, mais là, c’est lui qui se fait bousculer : qu'il ne vienne pas pleurer sur son sort.

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

28 commentaires

  1. Vous devriez écouter ce que disait le Président Georges Pompidou, en ce qui concerne l’Art Académique et l’Art Contemporain ! Il considérait que l’Art Contemporain était l’Art qui accepte et se soumet à un certain ordre établis ! Et il considérait que l’Art Académique, était l’Art qui s’opposait et qui contestait un certain ordre établis ! Manifestement il montrait sa préférence, pour l’Art Académique ! Hervé de Néoules !

  2. Mais qu’ils sont fatigants, tous ces bobos autocentrés qui n’ont que leur nombril pour horizon et veulent absolument faire parler d’eux.
    Faudra suggérer à Macron de les envoyer en premier au front, si guerre il y a.
    Ça les ramènera peut-être à la réalité.

  3. La décadence continue, mais, le pire, à mon sens, c’est cette forme de prise de pouvoir que ce genre de personne se permet ….osant taguer des oeuvres qui ne lui plaisant pas! où va-t-on? c’est la descente aux abîmes de la dégénérescence culturelle ambiante. et on laisse faire ça……………

  4. L’on « réécrit » aussi les œuvres « non conformes »…A quand Aristote, Hegel, Chateaubriand, Balzac, etc…J’en passe…? Que c’est beau, la « liberté d’expression » !

  5. Les extravagances n’ont décidément plus aucune limite dans notre occident devenu totalement décadent.

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