« Mettre l’Assemblée sous surveillance » : la CGT de retour dans la vie politique

Le Quotidien, 6 août 1935.
Le Quotidien, 6 août 1935.

Adrien Quattenens, ancien député mélenchoniste, vient à peine d’en appeler à l’insurrection, avec sa « marche populaire vers Matignon », que la CGT Cheminots lui emboîte le pas en convoquant, le 18 juillet prochain, « des rassemblements devant les préfectures et à Paris, à proximité de l’Assemblée nationale pour exiger la mise en place d’un gouvernement issu du Nouveau Gront populaire ».

Plus haut, encore, dans la hiérarchie cégétiste, Sophie Binet, sa secrétaire générale, en remet illico une couche sur LCI ce jeudi, affirmant, à propos d’Emmanuel Macron : « On a l’impression de voir Louis XVI qui s’enferme à Versailles. » Rien de moins. En attendant que Brigitte, son épouse, lance des brioches aux potentiels insurgés, histoire de calmer la vindicte populaire ? Non, car l’heure n’est manifestement plus aux viennoiseries, assure Sophie Binet : « Il faut, toutes et tous, rejoindre ces rassemblements pour mettre l’Assemblée nationale sous surveillance et appeler au respect du vote populaire. »

Un « vote populaire » à géométrie variable

Le problème est que ce même « vote populaire » ne nous dit finalement pas grand-chose quant à la volonté du peuple français ; ces dernières élections législatives ayant abouti à une répartition tripartite entre blocs d’égale importance, mais finalement plus d’origine « sociologiques » que « politiques », pour reprendre l’analyse de Jérôme Fourquet, de l’IFOP, publiée dans Le Figaro Magazine de ce vendredi. Quels sont-ils ? Le RN incarne « le bloc populaire », tandis que la Macronie et ses alliés font de même du « bloc élitaire ». Et le NFP ? Il est un peu entre les deux, son électorat étant majoritairement celui des gagnants de la mondialisation, même si dans sa version low cost : travailleurs intellectuels précaires, auxquels se mêlent intermittents du spectacle, minorités sexuelles, gosses de riches façon Black Blocs, enfants perdus de l’immigration et militants associatifs vivant des subsides publics.

La CGT, idiote utile du macronisme ?

En appelant une énième fois à descendre dans la rue, la CGT ne fait finalement qu’officialiser son alliance avec le bloc NFP, tel qu’en témoigne sa participation à un « front républicain » qu’on estimait, à tort, moribond depuis longtemps. Mais les LFI se sont désistés au profit des LR, ces derniers à celui du NFP, alors que le microcosme politico-médiatique ne connaissait plus que ce seul mot d’ordre : faire barrage au RN.

Le tract de la CGT annonçant les manifestations du 18 juillet prochain consacre un paragraphe entier à ce même barrage : « L’extrême droite est toujours l’ennemie des travailleurs et travailleuses. Fidèle à son histoire, en toute indépendance des partis et des gouvernements, mais pas dans une neutralité aveugle [vraiment ? NDLR], la CGT a continué de rappeler que le RN n’est pas un parti comme les autres : il reste un parti raciste, antisémite, homophobe, sexiste et violent. » Le portrait craché de LFI ? Voilà qui démontre au moins que cette centrale syndicale ne connaît désormais plus sa propre histoire. On se souvient de sa défense de la priorité nationale à l’embauche dans les années 30 du siècle dernier. On se rappelle les diatribes de Georges Marchais contre l’immigration, légale comme clandestine. Comme de l'entrain modéré du parti pour les luttes sociétales comme l’homosexualité militante, ce qu'avait exprimé un ancien patron du PC, Jacques Duclos.

Est-ce le grand retour de la CGT dans la vie politique, d'où elle avait disparu ? C'est, en tout cas, une tentative de retour, en cette période où tout ce qui est de gauche et qu'on croyait fossilisé est subitement réapparu. Mais ce qui demeure de classe ouvrière persiste à voter pour le mouvement lepéniste, au grand dam de ceux qui font mine de la défendre.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 15/07/2024 à 19:40.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

29 commentaires

  1. Comment s’étonner de cette phrase très « commissaire du peuple » ou encore « salut public », quand l’on ne peut ignorer le « compagnonnage » (pour employer un euphémisme et ne pas dire plus) historique de la CGT avec le PCF. Il faudrait même faire un peu plus d’histoire encore et se pencher sur l’histoire des origines de « Force ouvrière » face à la CGTU…

  2. Jusqu’à quand les Français vont ils financer avec leurs impots des syndicats qui ont pour objectifs un peu la défense des salariés et beaucoup la victoire des gauches à toutes les élections .

  3. Ce n’est pas le retour de la CGT dans la vie politique, elle n’a jamais cessé de l’être. Rappelez-vous il n’y a pas si longtemps Bernard Thibault appelait à faire barrage à Nicolas Sarkozy. La nouveauté c’est que la CGT est devenu un syndicat factieux.

  4. Dans le passé, la vocation première de la CGT était de défendre les intérêts des salariés. A un tel degré de nuisance industrielle que les entrepreneurs en sont venus à délocaliser. Une raison majeure qui s’ajoutait à la pression fiscale rendant les produits français de moins en moins compétitifs malgré une productivité poussée au maximum de l’acceptable par l’être humain. L’industrie échappant à sa nuisance la CGT s’est retrouvée gros jean comme devant. Le vide face à elle. Se tourner vers son nouveau électorat, le monde musulman ? Trop parcellisé,, fragmenté, émietté. La CGT recherche donc une nouvelle tête de Turc. Son choix ? Les parlementaires. Des êtres atteignables. La CGT restera toujours une nuisance, un vecteur « du coup de poing », des bastonnades, de la menace agressive.

  5. Faut-il être idiot pour croire que la CGT n’était plus la courroie de transmission du PCF tout comme la CFDT est celle du parti socialiste et les autres syndicats des suppos du patronat.

  6. Comme je l’ai déjà dit, Buffet avait laminé le PC il y a 20ans. Binet va laminer la CGT dans moins de 3ans. N’est pas Bernard Thibaut qui veut !

  7. Par contre, iL y a longtemps que la CGT aurait dû être sous surveillance. Mais, au fait, pourquoi la CGT existe? S’il y avait moins de pauvres types qui cotisent pour enrichir les cadres de la CGT en pensant qu’ils vont être défendus alors que c’est le contraire, peut-être qu’on en serait pas là! On a ce qu’on mérite.

  8. Dans ma grande entreprise ou j’ai passé la majeur parti professionnel Ce syndicat était le meilleur pour défendre la classe ouvrière quoi que bien trop politisé sauf qu’a force de prendre des positions ambiguës beaucoup s’en sont détournés entre autre le slogan éloigné à présent tel de dire que nous sommes tous des Renault, nous les anciens pour certains s’en rappellent encore.

  9. La cgt ce syndicat d’une autre époque toujours à la botte du parti communiste et aujourd’hui à celle du nfp

  10. Manquait plus qu’eux . Pour les vacances je conseilles vivement aux français de prévoir tout autre moyens de déplacements que le train , pour les cheminots tous les prétextes sont bons pour lancer un mouvement de grève .

    • Et si on commençait par essayer la démocratie, la vraie, pas le paravent derrière lequel le pouvoir ne fait que ce qu’il veut et, en premier lieu, tout ce que le peuple ne veut pas.

  11. Je ne comprends pas cette volonté farouche de LFI de vouloir gouverner. Son programme, barrer la route au RN, est déjà accompli. Que ses élus se retirent dans leurs thebaide avec la satisfaction du devoir accompli. 75% des électeurs leur en sauront gré.

    • Les carrières, l’ego, le pouvoir et l’argent qui va avec. Tout le reste n’est que comédie. L’intérêt général, tout le monde s’en fout. Chez LFI, comme chez les autres.

  12. NFP c’est essentiellement la France du statut et de la préférence nationale : fonctionnaires, médias, artistes et subventionnés de tout poil (l’exception culturelle) c’est à dire ceux qui ne produisent pas de richesses.

  13. J’ai été il y a peu adhérent à la CGT. J’étais toujours en désaccord avec le reste des adhérents qui suivaient comme des moutons le leader. J’ai vu qu’ils étaient favorables au crédit social (récompense financière si on obéit bien à la doxa du réchauffement climatique…) et qu’ils n’étaient pas émus par l’injustice sociale qui en découlait. Ils se laissent acheter par le moindre petit avantage offert par le patron tout en disant que c’est si peu que c’en est une provocation. Ce n’est pas la peine d’essayer d’engager une confrontation d’idée avec eux ; on sera totalement incompris. L’idéologie emporte tout, et ceci, concerne toute la gauche.

    • Pas mal gonflée, la Sophie Binet. Si le vote populaire aux législatives avait été respecté, c’est le RN qui serait à Matignon. Je croyais naïvement qu’un syndicat est fait pour prendre la défense des travailleuses-travailleurs, surtout la CGT dont le « T » signifie « travailleurs ». Sous Macron 1er, on aura vraiment tout vu, tout entendu, tout subi, tout de chez tout. Jusqu’où s’arrêteront-ils ? comme disait Coluche.

    • j’ai eu parfois, lors de ma carrière professionnelle, des échanges d’idées avec des militants de ma CGT. Chaque fois j’en suis ressorti la tête vide ( merci Desproge)

    • C’est le principe de base de la CGT. Ne jamais être d’accord avec ce que l’on vous propose, mais toujours le prendre en y ajoutant l’air dégouté qui permet de justifier la perpétuation de la « lutte ».

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