Michel Onfray, chroniqueur du chaos sur Europe 1

michel onfray
Depuis plus de vingt ans, Michel Onfray se tient à une ligne singulière : la sienne. Entré dans le monde médiatique avec son Antimanuel de philosophie, il a poursuivi son œuvre, devenant de plus en plus prolixe, écrivant de plus en plus élégamment... et se radicalisant aussi ! Non pas qu'il ait changé, justement, mais il accorde de plus en plus de place au développement de ses idées ; après avoir privilégié, si on reprend le triptyque de Kierkegaard, une approche esthétique de la vie, il est entré dans l'ère de l'éthique. Attention, car le stade ultime est la mystique du « chevalier de la foi » - mais cela ne semble pas le guetter.
Malgré son look austère, décalqué de la caricature de l'« intellectuel de gauche triste » dans Les Mouvements de mode expliqués aux parents, Onfray a longtemps mis sur le devant de la scène son hédonisme presque païen et l'importance de jouir de la vie - en réaction, peut-être, à une éducation salésienne que, dans son dernier ouvrage sur de Gaulle et Mitterrand, il décrit comme particulièrement malsaine et rigoriste. Venu d'un milieu très modeste, penseur autodidacte, marqué par une famille aimante, fidèle à sa femme jusqu'à la mort de celle-ci, vendant beaucoup de livres, vivant en province et n'ayant jamais rien publié chez Vrin, il ne coche donc aucune des cases du portrait-robot du philosophe français. Pour comble d'infréquentabilité, il a créé une université populaire à Caen, dans laquelle il vulgarise avec truculence et sans démagogie l'histoire des idées. Enseigner des choses intelligentes, intelligibles, et au peuple de surcroît ! On rêve. Diffusés sur France Culture, ses cours ont, depuis (évidemment), disparu du paysage radiophonique.
C'est donc cet homme-là que recevait Sonia Mabrouk, sur Europe 1, dimanche 2 janvier. Il s'y est montré, comme à son habitude, d'une honnêteté, d'une cohérence, d'une congruence (pour le dire avec les mots d'aujourd'hui) totale et même admirable. Macron et Pécresse ? Rigoureusement « la même chose ». L'enjeu de la présidentielle ? Le temps long, que seul Zemmour semble, selon lui, avoir compris. Michel Onfray enchaîne les formules, toutes pleines de justesse, toutes destructrices de notre Caverne contemporaine, encore plus illusoire et encore plus asservissante que celle de Platon. Le « wokisme » ? Une « tyrannie des minorités » ; logique, pour un philosophe qui constate par ailleurs que « nous ne sommes plus en démocratie ». Les mots stupides de Pécresse sur le foie gras et le Tour de France, constitutifs de l'identité française ? « Les Français ne sont pas juste des gens qui bouffent du foie gras. » Pourquoi pas les gitanes et le diesel ? continue-t-il, avant de suggérer à la candidate LR de lorgner du côté des Mythologies de Roland Barthes, si elle veut vraiment faire appel à ce genre d'effets.
Une grande fraîcheur et une honnêteté intransigeante se dégagent de cet entretien. Évidemment, Sonia Mabrouk est impeccable et son comportement contribue à la qualité de l'émission : questions intelligentes, courtoisie mais pas complaisance, on avait presque oublié que c'était ça, le journalisme, le vrai - dans une démocratie, c'est-à-dire pas en France. Cette prise de parole courageuse, dans laquelle il n'épargne personne - pas même le camp national, preuve qu'il n'est pas aveugle -, mérite d'être écoutée en entier. Europe 1 nous retransmettra peut-être même un jour ses cours de philosophie de l'Université populaire, qui sait ?
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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

37 commentaires

  1. Ecouté de A à Z ! Remarquable !
    Que ne lance-t-il pas en politique ?
    Un nouveau Malraux… avec nuances..
    Indispensable pour penser l’Avenir… même s’il y croit peu…

  2. Un pur moment de bonheur tant par l’analyse de tous les sujets par Michel Onfray dont la lucidité et la justesse des propos devraient en faire réfléchir plus d’un, trop entendus et vus sur les plateaux de télévision, que par le comportement de Sonia Mabrouk dans sa façon de diriger le débat.

  3. Dieu sait si je lui dois énormément, il a mis en moi grâce entre autre à son université populaire les germes que l’éducation nationale avait perdus.C’est justement parce que je le porte haut dans mon cœur que je n’ai pas supporté qu’il soit au raz des pâquerettes sur la vaccination car pour beaucoup de gens il est un modèle. Ce numéro de vieux sage dénonciateur placè au dessus de la mêlée avec son aisance intellectuelle est trop facile :Zemmour a au moins le mérite de se battre !

  4. Onfray, largement surfait. Un beau diseur sans plus. Voir ses prises de positions sur l’obligation vaccinale par exemple. Quant à la Sonia, ses courtoisies sont à géométries variables.

  5. je garde un grand doute sur la « rationalité » de Michel Onfray : comment expliquer sa « posture » de rejet de l’historicité d’un certain Jésus de Nazareth, qu’aucun historien sérieux ne conteste ( voir aussi le livre récent d’Alain de Benoist à ce sujet)

  6. Un seul bémol à cet éloge… Michel Onfray a un peu trop rapidement épousé la cause du vaccin magique, faisant naïvement confiance à la science contemporaine sans le moindre doute, oubliant tout principe de précaution, et traitant rapidement les complotistes de « fascistes » et d’ « irrationnels ». Ces derniers temps, notamment face à la volonté gouvernementale de vacciner la jeunesse, Michel Onfray semble commencer à douter de la doxa des vaccinolâtres…

  7. Avec des gens de gauche comme il se qualifie lui-même, on n’aurait bientôt plus besoin de droite. C’est un homme de grande qualité. Il y en a de moins en moins.

  8. Michel Onfray, me parait être un homme intellectuellement honnête, se disant de « gauche », c’est assez rare pour que je le souligne, je suis loin d’être un perdreau de l’année et je pense qu’avoir dit cela de quelqu’un de gauche, doit pouvoir se compter chez moi sur les doigts d’une main.

  9. À méditer ce qu’écrit Onfray dans « Décadence » :
    « Ce qui vainc n’est jamais le plus juste ou le plus vrai, mais le plus fort, le moins faible… La force ignore le bien ou le mal. Quand la force vainc, on nomme bien ce qui a vaincu, parce qu’il a vaincu, et non parce qu’il s’agit du Bien ».
    Trois idées de la civilisation risquent de s’affronter : les restes du judéo-christianisme, l’islam, le projet transhumaniste cher à Macron et aux
    mondialistes. Qui va l’emporter ?

  10. Etonnant toutefois chez cet esprit brillant épris de libertés qu’il rejoigne Macron et Véran dans leur diktat de vaccination obligatoire…

    • Il ne suffit pas d’être honnête et épris de liberté. Encore faut-il s’informer correctement et juger les évolutions à l’aune des grands principes.

  11. Michel Onfray était clair et en accord avec lui même comme d’habitude .
    Très bon interview .

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