Michel Thooris : « Cette hécatombe chez les policiers n’est plus acceptable, on les envoie au carton et, derrière, la Justice ne fait rien ! »

Michel Thooris

Le 5 mai, un policier a été abattu par un dealer lors l'un d'un contrôle anti-stupéfiant à Avignon (Vaucluse).

Réaction de Michel Thooris, qui dénonce le laxisme judiciaire et politique qui fait des policiers luttant contre les trafics de stupéfiant de « la chair à canon ».

 

 

 

Un de vos collègues a été tué dans l’exercice de ses fonctions. Il intervenait sur un trafic de drogue. Le dealer l’a abattu de deux balles. On serait tenté de dire, un mort de plus dans la police…

Le pire, c’est que le collègue est mort pour rien. Même si cette opération de police avait été menée jusqu’à son terme avec l’interpellation de ces dealers, la Justice de Dupond-Moretti leur aurait accordé toute sa clémence. Malheureusement, le gouvernement fait croire aux Français qu’il lutte contre le trafic de stupéfiants. On se retrouve avec un collègue au tapis. Honnêtement, cela commence à faire beaucoup. Je vous rappelle qu’il y a douze jours, notre collègue s’est fait égorger par un islamiste à Rambouillet. En à peine deux semaines, nous avons deux collègues au tapis. Cette situation n’est évidemment plus acceptable.

On ne va pas revenir sur la nature du métier de policier qui est dangereux. Ils sont en première ligne face au banditisme et à la délinquance. Assistons-nous à un taux de mortalité extrêmement élevé dans la police en lien avec la criminalité ?

C’est une évidence. Jamais, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous n’avons subi autant de perte en si peu de temps. Soit de collègues tombés sous des actions terroristes ou sous des actions de criminalité de droit commun. Nous demandons des mesures fortes. Nous sommes dans une situation de crise. Il faut que le président de la République déclare l’état d’urgence et reprenne le contrôle de notre sécurité sur le territoire national. En revanche, si on renonce à faire de la sécurité, alors, dans ces cas-là, il ne faut plus exposer nos collègues, les laisser en attente dans les services et ne les laisser intervenir que sur les appels du 17.

Je vous rappelle que notre organisation syndicale France Police, policiers en colère demande, depuis des années, une réforme de la légitime défense. Les pouvoirs publics ne nous répondent pas sur ces questions-là. Aujourd’hui, nous n’avons absolument plus les moyens juridiques d’intervenir face à une criminalité et un risque terroriste qui a atteint un niveau inacceptable.

 

C’est de ces trafics de drogues que découlent la délinquance et l’insécurité. Gérald Darmanin en a fait son cheval de bataille sur le papier. Cette lutte se mène-t-elle avec la police ?

C’est du vent. Dans la mesure où, de toute façon, on peut faire toutes les interpellations que l’on veut et démanteler tous les trafics que l’on veut, la Justice ne fait rien. Les dealers nous rient à la figure. Nous sommes donc dans une situation de pure communication politique. On envoie les policiers au carton dans les quartiers en leur disant de déranger le trafic de stupéfiants. Bilan : soit nos collègues se font blesser ou tuer, soit ils doivent interpeller de manière musclée et, ensuite, ils se retrouvent mis en examen pour des violences illégitimes ou racistes. C’est donc le serpent qui se mord la queue. Si vous voulez vous attaquer correctement au trafic de stupéfiants, cela ne peut passer que par une réponse pénale et ce n’est pas un problème de police.

On s’attend à ce que l’on nous explique que si le collègue est décédé, c’est parce que la police fait son travail et dérange les trafiquants. Tout ceci est inacceptable. Nos collègues ne peuvent pas servir de chair à canon pour une communication politique. Si on veut s’attaquer au trafic de stupéfiants, il faut que Dupond-Moretti prenne la porte du ministère de la Justice et que l’on mette dans ce ministère un ministre qui a une véritable option sécuritaire. J’invite le gouvernement français à s’inspirer de ce que fait Jair Bolsonaro au Brésil et Rodrigo Duterte aux Philippines. Ces chefs d’État de grandes démocraties ont donné carte blanche à la police pour enrayer le trafic de stupéfiants. Les résultats policiers sont spectaculaires. Évidemment, c’est avec des dealers blessés, tués et incarcérés. Dans ces sociétés-là, cela ne pose aucun problème à la population qui se réjouit de voir les forces de police reprendre le contrôle de la sécurité. En France, lorsque vous avez un dealer blessé sur une interpellation, les médias nous tombent dessus en nous disant que nous sommes racistes.

Il y a évidemment un problème de société et de politique qui n’est pas en capacité d’assumer la politique qu'ils vendent aux Français. Lorsqu’on les écoute, ils sont en guerre contre le terrorisme, contre le trafic de stupéfiants et contre le virus. Si on fait le bilan, la guerre est menée avec des bougies et des larmes. Je suis désolé, mais cette politique-là n’est plus acceptable aujourd’hui. On ne va pas ramasser un collègue au tapis par semaine. On veut qu’il y ait un électrochoc au niveau politique.

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Michel Thooris
Secrétaire général du syndicat France Police

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