Michel Thooris : « On peut gonfler les effectifs de police sans limite, dès lors qu’il n’y a pas de réponse judiciaire, cela ne peut rien régler »
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Dans un long entretien au Figaro, Emmanuel Macron vient d'annoncer qu'il y aura « plus de bleu sur le terrain », en 2022. Réaction de Michel Thooris au micro de Boulevard Voltaire.
Emmanuel Macron confirme l’objectif de 10.000 policiers et gendarmes supplémentaires d’ici 2022. Cette initiative pourrait-elle répondre au problème de la délinquance ?
On est toujours dans les effets d’annonce. Aujourd’hui, nous avons bien compris que la problématique sécuritaire ne se jouait plus autour de la question des effectifs au sein de la police nationale et de la gendarmerie nationale. On peut gonfler des effectifs sans aucune limite, dès lors qu’il n’y a pas de réponses judiciaires adaptées au travail des forces de l’ordre, la question des effectifs ne peut rien régler. On le voit encore dans l’affaire Viry-Châtillon avec le verdict rendu en appel par la cour d’assises des mineurs avec une impunité totale donnée aux narcotrafiquants.
Les faits ne sont plus punis à la hauteur de ce qu’ils devraient être. La réponse uniquement par la question des effectifs ne peut pas solutionner le problème de l’insécurité dans notre pays.
C’es, finalement, faire de la présence supplémentaire pour rassurer les Français… Vous faites un peu de la figuration.
On est dans une doctrine bien connue, c’est-à-dire mettre du bleu sur la voie publique pour rassurer la population. C’est, encore une fois, de la communication politique. On pense que le fait de voir un maximum de policiers serait de nature à sécuriser le territoire, mais ce n’est pas le cas.
Je vous rappelle que nous sommes dans une forme de schizophrénie de la part du gouvernement. D’un côté, la Défenseur des droits demande la création de zones sans contrôle d’identité. Et de l’autre côté, le gouvernement dit qu’il va renforcer les effectifs de police. Soit la police pose problème dans les quartiers parce qu’elle provoque les jeunes et elle est raciste. Auquel cas, ce n’est pas utile de recruter de manière supplémentaire. Soit on recrute de manière supplémentaire en utilisant ses effectifs dans des missions de sécurisation. Cela passe par un partenariat avec une Justice qui applique les textes avec une extrême sévérité.
Tant que l’on ne reviendra pas sur le principe de confusion des peines pour un cumul de peines et qu’on ne remettra pas en cause le principe de l’individualisation des peines aujourd’hui utilisée pour assurer l’impunité des délinquants, on ne s’en sortira pas sur le volet judiciaire.
La réforme pénale que va proposer le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti pourrait-elle répondre à ce laxisme judiciaire ?
Il faut attendre de voir quelle sera la totalité du contenu et comment elle sera appliquée.
Cette réforme judiciaire doit passer par un élément incontournable. Il faut doubler nos capacités carcérales. Notre organisation syndicale France Police - Policiers en colère rappelle que la seule solution pour faire face à la montée du crime dans notre pays, c’est le tout carcéral. Il n’y a pas d’autre alternative que le tout carcéral. Si cette réforme prend en compte cet aspect du tout carcéral avec un plan ambitieux pour doubler les capacités carcérales, cela peut apporter quelque chose de positif. En revanche, si on est dans de la pure philosophie et si on fait croire aux Français qu’il va y avoir une réforme qui n’en sera pas, alors le gouvernement a raté son rendez-vous en matière de lutte contre la criminalité.
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