Mickaëlle Paty demande à l’État de reconnaître sa responsabilité dans la mort de Samuel Paty

Mickaelle Paty

« J’ai saisi, au nom de Mickaëlle Paty, l’État d’une action en responsabilité contre ce dernier. Cette tragédie est arrivée en raison de la conjonction mortelle entre la volonté criminelle du terroriste et les défaillances de l’État. » Sur X, maître Carine Chaix révèle, confirmant ainsi une information partagée par Le Figaro, la volonté de sa cliente, sœur de Samuel Paty assassiné le 16 octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), de poursuivre l’État pour qu’il reconnaisse sa responsabilité dans ce terrible attentat. Par cette « démarche symbolique », Mickaëlle Paty espère, d’une part, « rendre justice » à son frère et, d’autre part, « éviter que de nouveaux drames similaires se produisent ».

Mise en cause de l'État

Son avocate a d’ores et déjà adressé un courrier au ministère de l’Intérieur et à celui de l’Éducation nationale afin qu’ils reconnaissant leur part de responsabilité dans la mort de Samuel Paty. Sans réponse de leur part d’ici deux mois, elle se réserve le droit de porter l’affaire en justice devant un tribunal administratif. « Nous attendons que l’État reconnaisse sa responsabilité dans cet engrenage fatal qui aurait pu être maîtrisé, mais qui ne l’a pas été en raison d’une série de négligences et, il faut le dire, d’un certain manque de courage », explique Mickaëlle Paty auprès de nos confrères de Marianne. « Chacun doit assumer sa propre responsabilité et celle de l'un n’amoindrit pas ou n’exclut pas celle de l'autre. [...] L’État ne peut manquer à son devoir de reconnaître sa responsabilité lorsqu'il a manqué à la charge qui était la sienne : garantir la protection et la sécurité des enseignants qui, eux, prennent chaque jour ce qu'il convient de nommer un risque de transmettre aux enfants de la République », poursuit-elle.

Cette démarche, engagée par Mickaëlle Paty quelque temps après l’assassinat de Dominique Bernard, s’inscrit dans le long parcours judiciaire et administratif entamé par la famille Paty. Une plainte visant la place Beauvau et la rue de Grenelle pour « non-assistance à personne en péril et non-empêchement de crime » a ainsi été déposée, en avril 2022, par la famille de Samuel Paty. Les proches de l’enseignant assassiné dénoncent des manquements dans les procédures de surveillance et une lourdeur administrative ayant empêché de protéger le professeur d’histoire-géographie. Un juge d’instruction a été désigné en juillet et l’enquête se poursuit pour établir les potentielles failles qui auraient mené à ce drame. Interrogé au sujet de cette première procédure, Gérald Darmanin assurait alors que « l’État était au rendez-vous. Il a protégé [Samuel Paty]. Celui qui a tué, c’est l’islam radical. »

Peu satisfaite par cette réponse, Mickaëlle Paty a décidé d’ouvrir un autre volet. Un an après cette plainte, en mai 2023, elle a ainsi adressé une longue lettre, empreinte d’émotion, à Gérard Larcher, président du Sénat, lui demandant l’ouverture d’une enquête parlementaire pour à nouveau déterminer la part de responsabilité des services de l’État dans la mort de son frère. En substance, la sœur du professeur pointait alors du doigt l’attentisme de l’État, responsable selon elle de l’attentat terroriste. « Le partage de responsabilité invoqué judiciairement m’empêcherait-il de souligner que l’inaction des hommes dits de bien pourrait être mise en cause ? […] La descente aux enfers de Samuel aura duré 11 jours et nul ne pouvait l’ignorer. Bien qu’avertis, ils se sont pourtant abstenus d’agir ou ont agi d’une manière totalement inefficace. […] L’État ne peut s’affranchir du principe de responsabilité », écrivait-elle. Six mois plus tard, Mickaëlle Paty était auditionnée par la commission d’enquête parlementaire sur les menaces et agressions dont les enseignants sont victimes. Une nouvelle fois, elle expliquait attendre que l’administration reconnaisse sa part de responsabilité dans l’assassinat de Samuel Paty. Isolement du professeur, diffamation, attentisme (et le fameux « pas de vagues »), absence de protection… tous ces éléments auraient mené, selon elle, à l’assassinat de son frère par un terroriste islamiste.

Les failles de l’affaire

Si l’instruction se poursuit, certaines failles ont déjà été mises en avant et dénoncées dans le récit des jours qui ont précédé l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine. L’une des questions centrales de ce dossier est : pourquoi Samuel Paty n’a-t-il pas bénéficié d’une protection à laquelle il avait pourtant le droit en tant que fonctionnaire diffamé et menacé ? L’article L134-1 et suivants du Code général de la fonction publique prévoit, en effet, bel et bien une « protection » pour l’agent public visé par « des faits et causes imputés de façon diffamatoire », sauf en cas de faute personnelle. « La collectivité publique est tenue de protéger l'agent public contre les atteintes volontaires à l'intégrité de sa personne, [...] les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée », précise, en outre, le Code. Mais Samuel Paty, ayant d’abord été reconnu « coupable » d’avoir montré des caricatures en cours et ayant été contraint de présenter ses excuses, n’a pu bénéficier d’une telle protection fonctionnelle.

Avec cette nouvelle action en responsabilité, Mickaëlle Paty attend des réponses sur les circonstances qui ont mené à l’assassinat de son frère. Elle demande en dédommagement une « somme symbolique » qu’elle reversera à des associations qui œuvrent pour la laïcité. À la suite des attentats de Toulouse perpétrés par Mohammed Merah en 2012, une action similaire avait été intentée en vain contre l’État.

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

24 commentaires

  1. La pauvre, les élus de tout bord, ne sont bons qu’à emmerder les Français, à leur imposer des normes, des obligations, sans jamais se considérer comme coupables de quoi que ce soit. S’en est fini de l’honneur qui faisait que certains se suicidaient. Non seulement ils se montrent arrogants, mais c’est tout juste s’ils ne vont pas chercher des noises à ceux qui timidement demandent des explications.

  2. C’est malheureux mais je pense que Samuel Paty de ne devait pas être un anti immigration forcené. Probablement de gauche, il me rappel ces missionnaires courageux qui allaient porter la bonne parole aux aux « sauvages » sous toutes les latitudes et qui ont fini massacrés par ceux qu’ils voulait « civiliser ».

  3. Ces gens qui attribuent toujours la responsabilité de leurs actes aux autres sont détestables!
    On n’ attaque pas la religion d’ autrui surtout avec des caricatures obscènes;celui qui le fait peut s’ attendre à des représailles insensées issues d’ un cerveau dérangé ,c’ est ainsi que cela se passe!

  4. Elle a tellement raison ! J’espère que l’état sera lourdement condamné car c’est à cause de tous les « pas de vague » , « pas d’amalgame » si nous en sommes là aujourd’hui ! honte à ceux qui gouvernent et à ceux qui les ont élus !

  5. En tous cas si Darmanin prétend ne pas avoir failli, il faudra penser, en cas de menace à se faire protéger par un autre Samuel.

  6. Victime de non assistance à personne en danger de mort. Espérons que cette action aboutira à « responsable et coupable sanctionné »

  7. elle a raison, je pense que les personnes victimes de viols doivent aussi porter plainte contre l’état, certains me diront l’état c’est nous, certes, mais utilisons les aides pour les accorder aux victimes, pas aux profiteurs, cela ne compensera pas évidemment le traumatisme.

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