Misère des petits patrons : chaque jour, 166 mettent la clé sous la porte

Il faut faire un tour dans la France des régions pour prendre la mesure de notre déconfiture économique. On ne parle pas, ici, des bourgs de la France rurale dont on connaît aujourd’hui la misère. Non, on parle des préfectures et des sous-préfectures, des villes de 10.000, 20.000, 30.000, 40.000 habitants, dont le cœur est un véritable mouroir. Des rues entièrement désertées où tous les commerces et agences ont apposé un écriteau « à louer » ou « à vendre » sur le rideau baissé. Villes d’Histoire ou places fortes du commerce d’hier, elles ont souvent vu leur centre rénové à grands frais mais rien n’y fait. La vie s’est retirée et l’on doute qu’elle y revienne jamais.
18 % de hausse par rapport à 2023
On l’oublie souvent, un commerce est une entreprise et l’on apprend aujourd’hui, sans surprise, que le chômage des chefs d’entreprise a explosé : ils sont plus de 60.852, cette année, à avoir mis la clé sous la porte, ce qui fait une moyenne de 166,7 par jour, dimanches compris, et une hausse de 18 % par rapport à l’an passé. Ces chiffres sont ceux de l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs, établis au terme d’une étude menée par l’assureur GSC et le cabinet Altares, en exclusivité pour RMC.
Dans le même temps, sur le site Vie publique, au logo de la République française, on s’enorgueillit du chiffre record des créations d’entreprises en 2024 : « plus de 1,1 million d’entreprises ont été créées, soit 59.700 de plus qu’en 2023. Jamais le nombre d'entreprises créées n'avait dépassé ce seuil. » Un miracle… sauf que l’enquête de l’INSEE révélait, le 4 février dernier, que « l'augmentation du nombre d'entreprises en France est portée par un fort accroissement des entreprises sous régime micro-entrepreneur ». Mais si l’on se lance dans le transport avec sa fourgonnette ou son taxi, si l’on enfourche son scooter ou sa trottinette pour livrer le shit et la pizza, « les activités spécialisées, scientifiques et techniques et les activités immobilières enregistrent la diminution la plus importante, respectivement de -6,3 % et de -4,9 % ».
Quant à savoir qui crée sa micro auto-entreprise, ce sont majoritairement des femmes : « dans les secteurs des "autres services aux ménages" (74 %), de "la santé humaine et l’action sociale" (72 %), de l’industrie manufacturière (64 %) ainsi que dans les secteurs de la fabrication d’articles de bijouterie fantaisie ou dans la pâtisserie », dit l’INSEE.
À ce sujet — François Asselin : « Il ne faut pas que le principe de précaution se transforme en principe d’inaction »
Enfin - précision d’importance -, le salaire moyen des auto-entrepreneurs était de 590 euros par mois en 2023. Et l’on rappellera que le nouveau gouvernement Bayrou rêvait d’appliquer à cette catégorie de travailleurs une sévère augmentation des charges…
Rien ne laisse prévoir une amélioration
Bref, loin des rodomontades et coups de menton du Président Macron, lequel persiste à dire que l’entrepreneuriat est florissant en France, la dégringolade est patente. C’est en Normandie, dans les Pays de la Loire et en Île-de-France que l’augmentation des faillites est la plus importante. En cause, dit le président de l’association GSC (Garantie sociale des chefs d’entreprise), « un contexte économique particulièrement tendu, avec une inflation certes contenue mais une faible croissance qui fragilise les entreprises ». À quoi il faut ajouter les dernières mesures fiscales prévues dans le cadre du budget et « l’instabilité politique et les tensions internationales » qui ne rassurent pas davantage les entrepreneurs que leurs clients, surtout dans le climat de peur savamment entretenu par le chef de l’État.
Il y a, bien sûr, des secteurs d’activité plus touchés que d’autres. En tête arrivent la construction et l’immobilier. Confirmant le dicton qui veut que « quand le bâtiment va, tout va », sa décrépitude est le signe de la morosité économique du pays. Ainsi, en 2024, « ce sont 14.928 femmes et hommes chefs d’entreprise dans la construction qui ont perdu leur emploi, soit une hausse de 23,7 % », dit un expert au Parisien. La hausse des taux d’intérêt et la raréfaction des biens sur le marché a aussi signé la perte des agents immobiliers (+34,7 %), le tout entraînant celle de la logistique et des transports (+29,3 %) car « les transporteurs n’ont rien à mettre dans leur camion ».
Et l’expert de renvoyer, là encore, la balle dans le camp du gouvernement : « Même si vous êtes un très bon professionnel, si vous n’avez pas de marchés, pas de clients, ça ne fonctionne pas. D’autant que l’instabilité politique n’a pas aidé. Elle a retardé les décisions de relance et, avec elle, la confiance des ménages. » Et rien, nous dit-on, ne laisse envisager une amélioration en 2025.
Le quoi qu’il en coûte leur a beaucoup coûté
Comme évoqué en tête de cet article, la plupart des patrons qui mettent la clé sous la porte sont des « petits » patrons : à 75 % des TPE de moins de trois salariés. Plus surprenant, dit encore l’expert Thierry Milton, ceux-ci étaient souvent à la tête d’une entreprise âgée de plus de dix ans. Or, « ces entreprises sont à bout de souffle, après des années de sacrifices, notamment à la suite du Covid, avec des dettes qu’elles ne parviennent pas à rembourser ». Le « quoi qu’il en coûte » leur a beaucoup coûté. Au mieux, pour eux, ces petits patrons iront grossir les rangs des chômeurs. Hélas, ils sont à peine plus de 1 % à avoir une assurance perte d’emploi...

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Un commentaire
Les conséquences du « quoi qu’il en coute » et ce n’est que le début ! Vous comprenez maintenant pourquoi il cherche la guerre, ça permettrait de ne plus parler de cette catastrophe économique. A quand une cour spéciale ?