Misère des petits patrons : chaque jour, 166 mettent la clé sous la porte

Plus de 60.852, cette année, ont mis la clé sous la porte, selon l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs.
@Jakub Żerdzicki-Unsplash
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Il faut faire un tour dans la France des régions pour prendre la mesure de notre déconfiture économique. On ne parle pas, ici, des bourgs de la France rurale dont on connaît aujourd’hui la misère. Non, on parle des préfectures et des sous-préfectures, des villes de 10.000, 20.000, 30.000, 40.000 habitants, dont le cœur est un véritable mouroir. Des rues entièrement désertées où tous les commerces et agences ont apposé un écriteau « à louer » ou « à vendre » sur le rideau baissé. Villes d’Histoire ou places fortes du commerce d’hier, elles ont souvent vu leur centre rénové à grands frais mais rien n’y fait. La vie s’est retirée et l’on doute qu’elle y revienne jamais.

18 % de hausse par rapport à 2023

On l’oublie souvent, un commerce est une entreprise et l’on apprend aujourd’hui, sans surprise, que le chômage des chefs d’entreprise a explosé : ils sont plus de 60.852, cette année, à avoir mis la clé sous la porte, ce qui fait une moyenne de 166,7 par jour, dimanches compris, et une hausse de 18 % par rapport à l’an passé. Ces chiffres sont ceux de l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs, établis au terme d’une étude menée par l’assureur GSC et le cabinet Altares, en exclusivité pour RMC.

Dans le même temps, sur le site Vie publique, au logo de la République française, on s’enorgueillit du chiffre record des créations d’entreprises en 2024 : « plus de 1,1 million d’entreprises ont été créées, soit 59.700 de plus qu’en 2023. Jamais le nombre d'entreprises créées n'avait dépassé ce seuil. » Un miracle… sauf que l’enquête de l’INSEE révélait, le 4 février dernier, que « l'augmentation du nombre d'entreprises en France est portée par un fort accroissement des entreprises sous régime micro-entrepreneur ». Mais si l’on se lance dans le transport avec sa fourgonnette ou son taxi, si l’on enfourche son scooter ou sa trottinette pour livrer le shit et la pizza, « les activités spécialisées, scientifiques et techniques et les activités immobilières enregistrent la diminution la plus importante, respectivement de -6,3 % et de -4,9 % ».

Quant à savoir qui crée sa micro auto-entreprise, ce sont majoritairement des femmes : « dans les secteurs des "autres services aux ménages" (74 %), de "la santé humaine et l’action sociale" (72 %), de l’industrie manufacturière (64 %) ainsi que dans les secteurs de la fabrication d’articles de bijouterie fantaisie ou dans la pâtisserie », dit l’INSEE.

Enfin - précision d’importance -, le salaire moyen des auto-entrepreneurs était de 590 euros par mois en 2023. Et l’on rappellera que le nouveau gouvernement Bayrou rêvait d’appliquer à cette catégorie de travailleurs une sévère augmentation des charges…

Rien ne laisse prévoir une amélioration

Bref, loin des rodomontades et coups de menton du Président Macron, lequel persiste à dire que l’entrepreneuriat est florissant en France, la dégringolade est patente. C’est en Normandie, dans les Pays de la Loire et en Île-de-France que l’augmentation des faillites est la plus importante. En cause, dit le président de l’association GSC (Garantie sociale des chefs d’entreprise), « un contexte économique particulièrement tendu, avec une inflation certes contenue mais une faible croissance qui fragilise les entreprises ». À quoi il faut ajouter les dernières mesures fiscales prévues dans le cadre du budget et « l’instabilité politique et les tensions internationales » qui ne rassurent pas davantage les entrepreneurs que leurs clients, surtout dans le climat de peur savamment entretenu par le chef de l’État.

Il y a, bien sûr, des secteurs d’activité plus touchés que d’autres. En tête arrivent la construction et l’immobilier. Confirmant le dicton qui veut que « quand le bâtiment va, tout va », sa décrépitude est le signe de la morosité économique du pays. Ainsi, en 2024, « ce sont 14.928 femmes et hommes chefs d’entreprise dans la construction qui ont perdu leur emploi, soit une hausse de 23,7 % », dit un expert au Parisien. La hausse des taux d’intérêt et la raréfaction des biens sur le marché a aussi signé la perte des agents immobiliers (+34,7 %), le tout entraînant celle de la logistique et des transports (+29,3 %) car « les transporteurs n’ont rien à mettre dans leur camion ».

Et l’expert de renvoyer, là encore, la balle dans le camp du gouvernement : « Même si vous êtes un très bon professionnel, si vous n’avez pas de marchés, pas de clients, ça ne fonctionne pas. D’autant que l’instabilité politique n’a pas aidé. Elle a retardé les décisions de relance et, avec elle, la confiance des ménages. » Et rien, nous dit-on, ne laisse envisager une amélioration en 2025.

Le quoi qu’il en coûte leur a beaucoup coûté

Comme évoqué en tête de cet article, la plupart des patrons qui mettent la clé sous la porte sont des « petits » patrons : à 75 % des TPE de moins de trois salariés. Plus surprenant, dit encore l’expert Thierry Milton, ceux-ci étaient souvent à la tête d’une entreprise âgée de plus de dix ans. Or, « ces entreprises sont à bout de souffle, après des années de sacrifices, notamment à la suite du Covid, avec des dettes qu’elles ne parviennent pas à rembourser ». Le « quoi qu’il en coûte » leur a beaucoup coûté. Au mieux, pour eux, ces petits patrons iront grossir les rangs des chômeurs. Hélas, ils sont à peine plus de 1 % à avoir une assurance perte d’emploi...

Picture of Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

29 commentaires

  1. Oui, j’admire ces gens qui s’attèlent encore à créer ou à pérenniser de petites entreprises. Et curieusement, je constate tous les jours que ce sont des assistés, des syndicalistes privilégiés de grandes entreprises, qui critiquent ces petits patrons courageux, petits patrons qui ne savent absolument pas ce que cela signifie que de travailler 35 h par semaine. Sans parler des risques financiers qu’ils prennent sur leurs biens personnels.

  2. La France est un pays communiste (près de 50% de prélèvement obligatoire). Les petits patrons n’ont rien à y faire. Seul le KomitSuprem a droit au chapitre.

  3. Plusieurs près de chez moi ont déposé le bilan, l’un d’entre eux est prêt de le faire, obligé de licencier sa propre épouse pour survivre ! Le plan du WEF, avec l’aide du harcèlement fiscal, marche du tonnerre !

  4. Arrêtez donc les fakes news !! Voyons, le pays va très bien, le chômage est en hausse, l’inflation galopante, le déficit abyssal, la faillite est déjà là, Macron nous réclame encore un pognon de dingue pour préparer sa p’tite guéguerre à lui et vous osez le critiquer ? c’est vraiment pas gentil ça Madame Delarue !!

  5. Il y a les commerces installés depuis longtemps en centre ville, mais on ne veut plus de voitures en centre ville alors évidemment la chalandise va dans les centre commerciaux où le stationnement est facile et les magasins souvent plus modernes, après il ne faut s’étonner que ces magasins ferment. Puis il y a les créateurs d’entreprise, les micro-entrepreneurs, c’est autre chose, souvent on s’installe pour éviter le chômage, mais sans faire une étude sérieuse sur la faisabilité, le marché, ses propres compétences, ses réseaux, et sa trésorerie ainsi on peut dire que plus de la moitié arrête au bout de 2 ou 3 ans, voilà pour les petites entreprises, alors il ne faut pas être étonné. Je n’aborde pas les cas où les recettes comptables sont inférieures aux frais généraux. Créer son entreprise n’est pas aussi simple qu’on veut bien le dire et même si tous les critères requis pour que ça marche, il y a ensuite la qualité du chef d’entreprise qui entre en ligne de comptes.

  6. La TVA n’est pas une charge, le commerçant la perçoit et la reverse, c’est donc une opération neutre. La désertification des centres-villes est due à de multiples facteurs comme le coût des loyers, les restrictions de circulation ou le montant du stationnement, l’implantation pléthorique de zones commerciales en périphérie des villes et la multiplication de l’offre, les nouvelles habitudes de consommation : en 2024, le chiffre d’affaires du e-commerce a atteint 175,3 milliards d’euros, enregistrant une hausse de 9,6 % par rapport à 2023. Le marché a vu l’émergence de 13 000 nouveaux sites e-commerce actifs en un an. Enfin, l’insécurité croissante reste une des causes importantes de la désaffection des rues piétonnes. Il y a de nombreuses causes à cette hécatombe commerciale et je ne pense pas que cela va s’arrêter.

    • C’est une charge pour le client, Le client c’est celui qui paie l’entreprise. Si c’est trop cher le client se renferme sur lui-même et n’entreprend plus rien c’est ce qui se passe aujourd’hui. Les centres-villes et les grandes surfaces aussi sont vides et les maires continuent à détruire les centres villes avec des travaux pendant 2 ans qui ruinent tous les commerces et ces magnifiques maires, avec les CCI sont responsables à 100% de la création des centres commerciaux autour des villes petites et grandes.

      • Bien sur pour le client est celui qui paye mais le sujet était les commerçants les artisans et les causes de leur désarroi

  7. Une personne proche, ayant ouvert un commerce, a fini par le mettre en liquidation judiciaire au bout de 10 années de procédure judiciaire avec le propriétaire du local. 10 ans de procédure pour un simple problème de renouvellement de bail ! Honte à la justice française !

  8. Que l’on arrête d’accuser macron , il ne fait que son travail. Tuer la petite entreprise est son plat préféré au profit des grands groupes , comme tuer la famille, tuer la morale, nomadiser la jeunesse. Macron est excellent dans son œuvre de destruction.

    • C’est vrai qu’avec Hollande et même avant, c’était mieux. Pour l’instant, ce que j’entends ici ou là ne me semble pas à la hauteur. Le RN va devoir sortir de ces postures démagogiques, voire simplistes, et surtout bosser la politique étrangère et la géopolitique internationale avec une vision stratégique de long terme s’il ne veut pas trébucher en 2027. Petite précision, je suis un patriote et je n’ai jamais voté à gauche et encore moins Macron.

  9. La productivité à la française grâce à Macron. Il a dû être fossoyeur dans une vie antérieure…

  10. La micro-entreprise avait deux objectifs :
    – Permettre de se lancer dans l’entreprenariat et donc de passer à un statut d’entreprise au réel très vite (c’est exactement mon cas);
    – Permettre d’avoir un revenu complémentaire pour des personnes employées par ailleurs.
    Sauf que le système a très vite été dévoyé : le statut permet beaucoup de « black ».
    Il ne faut surtout pas croire que le revenu moyen de 590 € est la réalité. Surtout dans les « services à la personne » ou « la création de bijoux fantaisie ».
    Le gouvernement a voulu mettre un frein à cette économie souterraine et à juste titre !!!
    En effet, prendre un micro-entrepreneur pour faire des travaux, le payer en partie au black, et n’avoir personne contre qui se retourner en cas de malfaçon (sans parler de l’absence de garantie décennale) est un vrai problème. Et une concurrence déloyale pour les vrais artisans.
    En outre, le plafond de TVA était de 85 000 € pour les activités de commerces et de 37 500 € pour les activités de services et libérales.
    Ce qui laisse, avec des cherches de 22,2% et un abattement fiscal de 34%, de très confortables revenus pour une personnes qui déclare réellement ses revenus.
    Le statut et les plafonds de la micro-entreprises sont parmi les raisons de la faillites des TPE/TPI : trop concurrence illégale !

    • Oui la micro-entreprise est une machine à frauder le fisc, ce fut une erreur de créer cette entité, mais cela partait d’un bon sentiment c’était pour éviter le travail au noir, seulement ceux qui ont décidé ça n’ont jamais vu une entreprise encore moins une entreprise artisanale et au lieu de demander leur avis à des personnes compétentes habituées à ce genre d’activité, comme par exemple les experts comptables, ils l’ont fait seuls, ce sont des in compétents.

      • « La micro-entreprise est une machine à frauder le fisc » et c’était fait pour ça, comme le chèque emploi-service pour frauder l’URSSAF ! C’est simple à comprendre, quand l’état a créé une calamité (impôts et charges démentiels), il en crée une deuxième censée corriger la première…

    • Vous avez raison sur le premier point mais si le deuxième point est exact il était idiot car un entrepreneur, un vrai, est une personne qui veut créer ou rendre un service, et ça ne se fait pas à mi-temps.
      Quant à la résolution du problème du black, c’était aussi un objectif de la création de ces micro-entreprises. Cet objectif n’a sans doute pas été atteint totalement, mais partiellement.
      De plus facturer 37500 € en activité de service ne veut pas dire qu’on gagne 3000€ brut. Peut être pour certains qui n’ont pas de charges (encore faut il qu’ils payent leur téléphone, leurs bureaux s’ils en ont, leurs frais de déplacements pour aller démarcher et voir leurs clients, etc…), d’autres comme les paysagistes, qui sont souvent auto-entrepreneurs ont des frais importants qui font que leurs salaires sont souvent en dessous du SMIC, ce que montre le salaire moyen donné dans l’article.
      Pour ce qui est de la garantie décennale, le choix revient au client de privilégier le prix à une garantie, ce qui ne pose pas de problème.
      Par contre, que ce statut soit une concurrence féroce pour les TPE (je ne connais pas beaucoup d’auto-entrepreneurs dans l’industrie car cette activité exige des investissements) est une réalité. Mais nombre de TPE font aussi du black….

  11. Heureusement que Wolfgang Amadeus Mozart était un vrai génie de la musique avec un vrai talent contrairement à Emmanuel Macron Mozart de la finance qui au final nous montre qu’il n’a aucun talent mais un ego surdimensionné boosté d’autosatisfaction et de suffisance.

  12. Les bénéficiaires de pge dans le cadre du quoi qu’il en coûte ont souvent benefcie d’un sursis supplémentaire et déposent le bilan maintenant..pour ne pas rembourser..

  13. Les conséquences du « quoi qu’il en coute » et ce n’est que le début ! Vous comprenez maintenant pourquoi il cherche la guerre, ça permettrait de ne plus parler de cette catastrophe économique. A quand une cour spéciale ?

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