Mission McKinsey dans l’Éducation nationale : pour 500.000 balles, t’as plus rien !

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Mardi dernier avait lieu, au Sénat, l’audition du cabinet de conseil McKinsey France devant la commission d’enquête sénatoriale chargée d’évaluer « l’influence croissante des cabinets de conseils privés sur les politiques publiques ». L’enjeu ? Les centaines de millions d’euros d’argent public dépensés pour des « schémas logistiques », des « outils de pilotage », des « études de benchmarking »…

Des millions comme s’il en pleuvait ! On a ainsi vu des échanges surréalistes, rapportés par de nombreux médias et relayés, de façon virale, sur les réseaux sociaux entre la sénatrice communiste Éliane Assassi et Karim Tadjeddine, directeur associé de McKinsey, lorsque celle-ci lui demande à quoi ont abouti les 496.800 euros de la prestation visant à « évaluer les évolutions du métier d’enseignant ». Réponse bredouillante où il est question de mandat du ministère de l’Éducation nationale via un contrat-cadre de la DITP, la Direction interministérielle de la transformation publique, de comparer le système français avec les systèmes étrangers et de l’organisation d’un séminaire pour « réfléchir aux grandes tendances et aux évolutions attendues du marché de l’enseignement » (Marianne, 19/1/2022). Vu le coût de la prestation, on espère au moins que le séminaire a eu lieu à Ibiza !

C’est tout ? On aurait espéré que Karim Tadjeddine, brillant polytechnicien, ancien de la Direction du Trésor, professeur à l’École des affaires publiques de Sciences Po et rapporteur de la commission Attali, sache mieux résister aux assauts d’Éliane Assassi. Cette audition a aussi permis d’évoquer les quatre millions d’euros de contrat passés avec le ministère de la Santé entre mars 2020 et janvier 2021, les 605.000 euros d’argent public mis sur la table pour la mise en place d’une « tour de contrôle stratégique » à Santé publique France, les 170.000 euros dépensés pour l’institution, toujours à Santé publique France, d’un « agent de liaison ».

La défense de McKinsey sur les conseils donnés pour la mise en place de la campagne de vaccination se limite à dire que « nous n’avons pas eu de rôle dans la définition de la stratégie vaccinale en tant que telle » mais qu’« il faut avoir en tête que concevoir une telle infrastructure opérationnelle dans des délais aussi courts, c’est un enjeu auquel une administration n’est confrontée que de manière très épisodique ».

Un nuage de fumée qui n’abuse plus personne… La sénatrice pose enfin la question qui fâche, et que tout contribuable assistant à cet invraisemblable dévoilement de dépense d’argent public est en droit de se poser : « Ne pensez-vous pas qu’il y a au sein de notre administration des fonctionnaires qui pourraient assurer cette mission ? »

Rappelons à ce sujet que, par exemple, France Stratégie, « institution autonome placée auprès du Premier ministre, contribue à l’action publique par ses analyses et ses propositions. Elle anime le débat public et éclaire les choix collectifs sur les enjeux sociaux, économiques et environnementaux. Elle produit également des évaluations de politiques publiques à la demande du gouvernement. Les résultats de ses travaux s’adressent aux pouvoirs publics, à la société civile et aux citoyens. »

Ajoutons, par souci d’exhaustivité, que McKinsey a également facturé 920.000 euros à la CNAV, une mission pour accompagner la réforme des retraites… qui n’a pas eu lieu. Une mission qui « a permis de dégager un certain nombre d’aménagements dans l’organisation, au-delà de la préparation d’une réforme », dixit McKinsey.

Dès mercredi matin, sur Europe 1, Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publique, assurait que les dépenses des ministères auprès des cabinets de conseil allaient baisser de 15 % en 2022, affirmant que les dépenses annuelles de l’État en la matière s’élèvent à 140 millions d’euros. Interrogée, elle aussi, dans le cadre de cette commission sénatoriale, elle s’est vu opposer par Arnaud Bazin, sénateur LR, le chiffre de 458 millions d’euros dépensés en 2020 pour des conseils en informatique. Réponse, un brin spécieuse : « Le chiffre que vous avez cité est difficile à lire complètement, car il intègre parfois des prestations. »

Les cabinets de conseils, un bien essentiel pour le gouvernement ?

Entendons-nous bien : ce n’est pas le principe d’appels à des cabinets de conseils pour des missions ponctuelles qui est ici en jeu, mais le montant des dépenses et surtout la nature des prestations dont on a du mal à distinguer l’aspect essentiel, indispensable.

Le gouvernement, dans l’unique but de masquer la gestion calamiteuse des ressources hospitalières et la médiocrité de la gestion de la santé publique de France, impose depuis deux ans à nos concitoyens des restrictions en tout genre. Accompagnées d’un quoi qu’il en coûte vertigineux, d’une aggravation de la dette publique que nos enfants devront assumer. École, hôpitaux, armée, police : partout, on pointe le manque de ressources. Aujourd’hui, en cette fin de quinquennat qui ressemble à une fin de règne, la révélation de ces gabegies, de ces contrats mirifiques et fumeux auprès d’un cabinet de conseil - dont certains consultants ont été actifs lors de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron de 2017 – a un effet désastreux sur un pays aux mille fractures et à la veille d’une échéance cruciale.

Et on ne parle pas du consentement à l’impôt, dans un pays qui subit l’un des plus forts taux de cotisations sociales au monde…

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Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

Vos commentaires

29 commentaires

  1. Cet ancien haut fonctionnaire aurait pu rester, dans son administration d’origine, pour faire le travail qu’il facture un pognon de dingue à l’Etat, il est vrai que lui même a multiplié sa rémunération par combien ?
    Et il n’est pas le seul dans ce cas, et l’exemple vient d’en haut , voir le parcours de notre actuel président de la République, il ne faut donc pas compter sur lui pour mettre fin à ce scandale.

  2. Depuis que le gouvernement Chirac-Jospin a fait école pour « externalisée » à marche forcée ce qui auparavant relevait de la compétence administrative, on voit les résultats ! Les Gnafrons, ces cabinets conseils, s’engraissent sur le dos du contribuable avec la complicité politicienne. Ex : McKinsey-Fabius.

  3. Excellent article ! Ce pays est vraiment pourri, corrompu , tombé dans les mains de bandits ! Faisons une grand grand grand ménage aux prochaines élections , sinon nous mourrons !

  4. C’est moins un problème de gabegie que de perte de souveraineté. Laquelle est favorisée par la nullité abyssale des décisionnaires

  5. Les Socialistes utilisaient aussi des sociétés de conseils, des sociétés de BTP pour financer le parti, les campagnes électorales et, accessoirement, enrichir certains élus…

  6. « Les cons, ça ose tout » disait Audiard.
    Ici, ce ne sont pas ceux qui osent qui sont les « cons » mais bien ceux qui, par leur vote, permettront aux mêmes de poursuivre tranquillement cette scandaleuse prédation du bien commun.
    Pécresse, en digne héritière des pratiques de Sarkozy, est l’assurance offerte aux cabinets conseil que les commandes de l’état ne manqueraient pas de continuer à les enrichir si elle arrivait au pouvoir.

  7. Toutes ces missions, enquête, tour de contrôle !(le pompon) sondage et cetera sont bien pratique pour récompenser tous les amis, des cadeaux tout à fait légaux et cela bat son plein car les élections approchant beaucoup de demandes à satisfaire

  8. Nos ministres se préparent pour après la fin de leur carrière politique, ils posent des jalons en arrosant des boites dont l’état peut très bien se passer.

  9. Alors, si Karim Tadjeddine, brillant polytechnicien, est rapporteur de « la commission Attali » ! Le pays est sauvé. Il ne reste plus qu’Alain Minc à approuver et McKinsey va toucher le gros lot ….
    L’avenir nous dira, peut-être, si par un heureux hasard il n’y a pas eu « conflits d’intérêts » et de l’argent public largement détourné à des fins plus qu’inutiles.

  10. Madame d’Armagnac,
    Bon article. Mais pourquoi donc cette concession, je vous cite : « ce n’est pas le principe d’appels à des cabinets de conseils pour des missions ponctuelles qui est ici en jeu, » Et bien si, Madame d’Armagnac : c’est bien le principe qui est en jeu. Face à un adversaire, il ne doit pas être question de faire des concessions.

  11. Et il y en a qui vont au tribunal pour des histoires de sondages… en toute logique les tribunaux devraient être saturés pour tous ce système de « cabinets conseils » (amis) aux tarifs et prestations déraisonnables, peut-être aussi pour des abus de sondages et d’études fantoches comme ces 6 milliards économisés grâce au pass sanitaire…

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