Mobilier liturgique de Notre-Dame de Paris : pauvres modernes !

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Dans le cadre de l’exposition « Grands décors de Notre-Dame » aux Gobelins (dont nous dirons beaucoup de bien, ce week-end) est présenté le nouveau mobilier liturgique de Notre-Dame de Paris. L’ancien mobilier ayant été détruit par l’effondrement de la croisée du transept lors de l’incendie, c’était l’occasion de revenir sur la lente dénaturation du chœur - nous nous plaçons sur le plan patrimonial - menée de Vatican II à Mgr Lustiger. Occasion manquée : l’orgueil moderne a encore son mot à dire.

Ionna Vautrin, Chaise. 2023. Chêne, laiton.

Les chaises des fidèles ont été créées par une « désigneuse », Ionna Vautrin. Il est dit qu’elles « dialogueront avec le mobilier liturgique tout en répondant à la musicalité du rythme créé par les colonnes et les arches de la nef ». Des chaises musicales, en somme. Elles sont décrites comme « confortables ». Peut-être. Je ne les ai pas essayées. Mais elles n’en ont pas l’air, confortables, avec leur dossier très bas. Qui ne s’est pas assoupi pendant un trop long sermon dans une de ces bonnes vieilles chaises ordinaires, en assise paillée, avec un dossier digne de ce nom ? Mon instinct me dit que ces chaises de chêne massif ne s’y prêteront pas.

Le mobilier liturgique est présenté par des maquettes réduites. Le baptistère a l’air d’un coquetier pour œuf d’autruche géante. On ne pourra pas le rater, car il sera placé dans l’axe de la nef. L’autel a l’air d’un pain de savon (parfum chocolat) ou d’une enclume. La chaise cathédrale a été comparée à un cercueil… Tout cela a été conçu par Guillaume Bardet. Encore un designer, comme Ionna Vautrin. On ne leur en veut pas : ils sont designers, ils ont livré un travail de designers, fonctionnel et décoratif - comme lorsque sont commandées à Ionna Vautrin des loupiottes pour le TGV ou quand Guillaume Bardet dessine un lampadaire tripode. Mais pour l’art chrétien, on repassera. Et là, on en veut à Mgr Ulrich, l’archevêque de Paris.

Présentant ses choix en juin dernier, Mgr Ulrich expliquait qu’il voulait un mobilier liturgique « durable dans le temps ». Souci patrimonial ? On aimerait qu’il en aille ainsi mais Mgr Ulrich, à la tête du diocèse lillois et chancelier de l'Université catholique de Lille, a laissé partir l’Évangéliaire de Saint-Mihiel (« l’un des manuscrits médiévaux les plus précieux au monde ») au musée Getty de Los Angeles pour 8,4 millions d’euros (2020). Il a autorisé la destruction de la chapelle Saint-Joseph à Lille (2021). Emmanuel Macron et lui ont décidé de virer des vitraux de Viollet-le-Duc pour les remplacer par des créations. On l’a compris : le durable dans le temps, c’est pour ce que lui, Mgr Ulrich, décide et fait faire. Son zèle pour la transmission est sélectif.

Guillaume Bardet. Maquette du siège cathédral. 2023. © Philippe Migeat

En ce XXIe siècle où nous n’avons plus de tradition d’art chrétien, plus d’artistes qui s’y consacrent (ce fut le cas de toute une génération entre les deux guerres), où nous n’avons plus de prélats qui maîtrisent ces questions (Mgr Aupetit était du même tonneau), la prudence aurait été de mise. Mais l’orgueilleux désir de laisser sa marque est le plus fort. Et nous n’en sommes pas au bout : le réaménagement de Notre-Dame va être total. Outre le chœur, on craint que les chapelles latérales ne soient dépecées de leurs candélabres et de leurs statues, en tout cas malmenées par un souci de « décoration d’intérieure ». Et l’art ? Et la piété filiale ?

Sur les réseaux sociaux, les réactions sont plutôt négatives. Si certains ont jugé « moderne » le nouveau mobilier, comme si de soi la modernité était une qualité, d’autres n’ont pas mâché leurs mots. Ainsi de Didier Rykner, le directeur de La Tribune de l’art, qui est à l’origine de la pétition pour le maintien des vitraux de Viollet-le-Duc : « C'est quand même d'une médiocrité... Indigne d'une cathédrale » (à propos des chaises). D’autres y voient un « affront », du mobilier « tout droit sorti d’un catalogue IKEA », « du mobilier funéraire ». Un prêtre suisse n’y voit qu’« épouvantables mochetés ». Aux lecteurs de BV de se faire un avis !

 

Grands décors de Notre-Dame. Jusqu’au 21 juillet 2024. Galerie des Gobelins, 42, avenue des Gobelins, 75013 Paris. Metro : Gobelins (ligne 7). Du mardi au dimanche de 11h à 18h.

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

49 commentaires

  1. Ce mobilier n’a pas été crée par des gens de foi mais par des marchands du temple . On n’y sent pas le souffle de l’Esprit

  2. Tous ces gens de gauche sont comme des voyageurs de commerce : Chassés par la porte, ils rentrent par la fenêtre. Si le Général Georgelin était toujours là, et même si le mobilier ne dépendait pas de sa compétence, il se serait battu pour qu’un mobilier « à l’identique », comme le reste de la cathédrale, soit remis en place. C’est à se demander si là aussi, il ne s’agit pas que de vulgaires questions d’argent, quémandée avec insistance par ceux qui n’existeraient pas si ce genre de commande d’état n’existait pas.

  3. Ullrich, alors archevêque en Savoie en avril 2001 avait fait ouvertement campagne politique contre qui vous savez.
    Il a participé à tous les combats qui contribuent à la destruction de la France.
    Rien d’étonnant donc.

    Je ne savais pas qu’il avait laissé partir l’Évangéliaire de Saint-Mihiel (« l’un des manuscrits médiévaux les plus précieux au monde ») dans ce musée de Los Angeles pour 8,4 millions d’euros en 2020, c’est un pur scandale. La braderie des biens d’Eglise, biens payés par les générations de chrétiens antérieurs. Et il ose parler de son souci de bien durable! Combien les associations de migrants ont-elles reçus ?…

  4. Ce n’est certainement pas au séminaire que l’on apprend l’histoire de l’art, même de l’art sacré .Les exemples abondent de curés dédaignant leur patrimoine .Mais si un évêque donne l’exemple …

  5. Assis sur une planche nous ne devrions pas nous endormir pendant le sermon
    Mais pressés de partir avant la fin.
    Une honte ce mobilier. ….

  6. On est en effet très éloigné du style classique. Ce mobilier conviendrait mieux aux églises modernes qui ont fleuries ces dernières décennies.

  7. Allez donc faire un tour à la « cathédrale-tour de guet »ratiboisée, et vous aurez un apercu du « beau » de nos curés!

  8. Dans quelles conditions s’est effectué ce choix ? Il aurait été de bon ton de présenter à la population différentes maquettes à apprécier et à noter. Mais il ne faut pas négliger l’air du temps, satisfaire les égos, dont ceux des prétentieux, sans entraves . Le sommes-nous en nous situant « imposteurs » de la pensée dominante ? Quel besoin de remplacer ces vitraux historiques ? Histoire d’inscrire Macron dans l’histoire de la cathédrale, ce personnage du 21 ième siècle, le décideur de ces « choses modernes ». Heureux. Il s’aligne auprès de Viollet-le-Duc. Mais reste un minus auprès d’un géant.

  9. « ils sont designers, ils ont livré un travail de designers, fonctionnel et décoratif » = je ne trouve pas cela décoratif, moi élevée dans un milieu de décorateurs d’un autre temps, temps où on restaurait avec talent nos châteaux…
    « Mais pour l’art chrétien, on repassera. Et là, on en veut à Mgr Ulrich, l’archevêque de Paris. » = je suis entièrement en accord avec cette conclusion.

  10. Pas du tout d’accord !
    – Ce mobilier me plaît. Globalement, je le trouve très bien (même si, moi non plus je ne l’ai pas essayé).
    – Si, la modernité est une qualité ! Même si elle heurte des vieilles habitudes. Méfions-nous des réflexes irraisonnés nous faisant rejeter a priori tout changement dans notre décor habituel : cela tue l’innovation, donc cela tue l’art et l’architecture. Tout pastiche est ridicule et négatif, par définition ; ce n’est JAMAIS de l’art.
    – Justement, pour un bâtiment aussi symbolique de l’ultra-modernité qu’est N-D de Paris, il fallait respecter la « tradition de sa modernité ». Vous le savez, cette cathédrale gothique est l’une des toutes premières du genre. A l’époque, seul le style « roman » était pratiqué. L’architecture gothique, ultra moderne, avec son absence de murs (remplacés par des vitraux), son élancement nécessitant des contreforts extérieurs, bien apparents, avaient suscité l’indignation et la colère des « bien pensants » de l’époque. Pour eux, il fallait démolir cette horreur moderne, gâchant le paysage traditionnel (heureusement, l’évêque Maurice de Sully avait compris tout le progrès permis par la modernité technique, l’introduction du fer et la généralisation de la croisée d’ogive, permettant cette prouesse technique).
    Ne soyez pas de ceux qui auraient exigé la destruction de N-D de Paris, qui auraient signé les pétitions pour la démolir, comme pour la Tour Eiffel ou le Centre Georges Pompidou de Beaubourg (autre cathédrale gothique de notre époque).

  11. Si la cathédrale est devenue depuis bien longtemps un musée plus qu’un lieu de prières, à n’en pas douter, sa restauration si exceptionnelle soit-elle ne pourra qu’aggraver les choses, mais ELLE a survécu à tant de sacrilèges, de transformations par le passé, et les générations futures ne feront plus attention à cet horrible mobilier, espérons qu’ils ne retiendront combien la foi à pu amener à construire un pareil chef-d’œuvre !

  12. Des créateurs, des créateurs et encore des créateurs comme il y a des adorateurs de tous poils et pour toutes choses. Non je ne connais qu’un Créateur et il n’y a que Dieu à Adorer ! Quand cesserais vous de détourner le langage d’Eglise, et particulièrement les Chrétiens, pour un langage de mécréants?
    Ils ne sont en effet que décorateurs (Wasp), inventeurs, fabriquants, … mais certainement pas créateurs, pour qui se prennent ils et pour qui les prenez vous: Dieu le Père?
    Lors de la reconstruction de l’église de mon village , c’est vrai au XIX ° siècle, nous avons le témoignage de l’enquête qu’a fait à l’époque le curé pour la reconstruction de l’autel; il avait fait, pour une petite église de campagne , une enquête jusqu’à Rome pour connaitre toute les normes à appliquer, qu’en est-il ici? Par exemple ou seront placés les fonds baptismaux (le baptistère c’est les bâtiment qui reçois les fonds baptismaux): dans le chœur ou au fond de l’église comme le veux la norme car le futur baptisé, symboliquement, ne peut s’approcher de l’autel qu’après son baptême.

  13. Des meubles Ikea auraient été aussi bien que ces mochetés dites modernes qui ne s’accordent pas avec ce lieu mythique. A l’image du macronisme.

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