Mohammed ben Salmane à l’Élysée : Emmanuel Macron plus que jamais dépendant de la politique américaine

mbs macron

Ce jeudi 28 juillet 2022, le prince Mohammed ben Salmane, dirigeant de fait de l’Arabie saoudite, est en visite officielle à Paris où il sera reçu à l’Élysée pour un « dîner de travail » par Emmanuel Macron. Il s’agit de sa première visite en Europe depuis la mort du journaliste Jamal Khashoggi, au consulat saoudien d’Istanbul, le 2 octobre 2018. Et dans laquelle il était manifestement plus qu’impliqué.

À l’époque, l’affaire avait fait grand bruit. En effet, le mode opératoire de l’assassinat de cette personnalité plus que critique vis-à-vis du pouvoir de Riyad fut si baroque que les services secrets du monde entier en rient encore sous cape. Ils auraient commis ce véritable crime d’État en pleine rue, précédés de voitures avec sirènes et gyrophares, avant de convoquer une conférence de presse que cela aurait été à peine moins discret.

D’où la quarantaine diplomatique qui s’en est suivie. Même Washington, son plus fidèle allié depuis le pacte du Quincy, signé le 14 février 1945 entre le président Roosevelt et son homologue, le roi ibn Saoud, assurant approvisionnement énergétique à l’un et sécurité à l’autre, a dû prendre ses distances. Mais ça, c’était avant la guerre russo-ukrainienne. D’où la visite de Joe Biden en Arabie saoudite durant laquelle il a récemment tenté, en vain, de convaincre « MBS » de produire plus de pétrole afin de faire baisser les cours mondiaux.

Plus facile à dire qu’à faire, surtout que Mohammed ben Salmane entend faire à sa façon, quand évoquant les engagements pris avec Moscou en la matière et l’OPEP+ (Organisation des pays exportateurs de pétrole) qu’il codirige avec le Kremlin. Emmanuel Macron parviendra-t-il à lui faire entendre raison sur cette question cruciale ? Rien n’est moins sûr.

En effet, l’Arabie saoudite, au même titre que les Émirats, voir même l’État hébreu, ont pris acte du désengagement américain en cette région du monde. D’où la neutralité de Riyad avec la Russie, la coopération renforcée avec la Turquie, l’Égypte et même la très docile Jordanie. Pour tout arranger, « MBS », à défaut de cordiale entente, a commencé à renouer des liens diplomatiques avec l’Iran, à la grande colère de la Maison-Blanche.

Bref, une page géopolitique est en train de se tourner. Ce qui serait, pour la France, une occasion historique de renouer avec sa tradition d’indépendance d’autrefois, d’équidistance entre les blocs, américain et russe, entre Arabie saoudite sunnite et Iran chiite. Nous n’en prenons malheureusement pas le chemin, Emmanuel Macron se contentant manifestement d’essayer de réussir là où Joe Biden a échoué.

Pour tout arranger, les organisations de défense des droits de l’homme s’engouffrent dans la brèche, plainte ayant même été aujourd’hui déposée contre « MBS », pour la mort de Jamal Khashoggi, par deux ONG, l’Américaine Democracy for the Arab World Now, la Suisse Trial International, la fondation Open Society de George Soros n’ayant pas tardé à s’associer à cette initiative. Inutile de préciser que cette rencontre franco-saoudienne ne s’annonce pas sous les meilleurs augures. Surtout quand certains paraissent oublier que la politique des droits de l’homme n’a jamais été une politique. Ainsi, interrogé par franceinfo, Georges Malbrunot, journaliste au Figaro et spécialiste de l’Orient, résume la situation : « L’Arabie saoudite est incontournable et l’est encore plus avec la crise ukrainienne. On a besoin du pétrole saoudien. »


Pas faux. Mais qui a encore besoin de la France en ces contrées ayant naguère appartenu à notre sphère d’influence ?

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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