Mokhtar C., héros du cinéma d’auteur, expulsé mais pas trop

La presse, en ces lendemains de Noël, s’est penchée avec compassion sur le sort de Mokhtar C., un migrant iranien arrivé clandestinement sur notre sol et devenu, depuis, héros de romance et de roman. Le tribunal vient d’ordonner son expulsion du territoire. Mais si Mokhtar C. a trente jours pour quitter la France, on ne lui interdit pas d’y revenir.

« La décision du tribunal administratif de Lille, tombée ce jeudi 26 décembre, en pleine période de fêtes, semble naviguer entre deux eaux… », écrit La Voix du Nord. En effet, l’OQTF prononcée en mars dernier est maintenue, contraignant Mokhtar C. a rejoindre l’Iran, son pays d’origine. Toutefois, la pensée macronienne du « en même temps » ayant infusé jusque dans les prétoires, le tribunal annule « la décision par laquelle le préfet du Pas-de-Calais lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée d’un an ».

Comprenne qui pourra…

Explications du tribunal administratif au quotidien : « Le tribunal a estimé que le préfet pouvait légalement éloigner Mokhtar du territoire mais ne pouvait pas lui interdire de revenir avant un an… Il peut donc rentrer légalement en France en demandant un visa qui vaut pour titre de séjour d’un an, et s’il le demande, il pourra ensuite enchaîner sur un titre de séjour. »

Il faut dire que Mokhtar C. est un héros de roman devenu héros du cinéma d’auteur. Son histoire est racontée par Béatrice Huret dans Calais mon amour, publié en 2017 chez Calmann-Lévy. Un roman autobiographique, histoire « d’une ancienne partisane du Front national qui, bouleversée dans son quotidien et ses convictions après sa rencontre avec un réfugié syrien, l’a aidé à traverser la Manche ».

Ce livre, « un hymne à la tolérance, un témoignage bouleversant, un livre universel », écrit l’éditeur, a inspiré le cinéaste Jérémie Elkaïm. Le film, dans lequel Marina Foïs tient le rôle de Béatrice Huret, est sorti en 2022 sous le titre Ils sont vivants. Resté neuf semaines à l’affiche, il n’a totalisé que 325.921 entrées… C’est peu.

Une procédure « au nom de l’amour »

Béatrice Huret a aidé Mokhtar C. à passer en Angleterre. « Elle a été condamnée pour ces faits mais a été dispensée de peine », rappelle La Voix du Nord. Mokhtar étant rentré en France et converti au catholicisme, le couple s’est marié en 2022. C’est donc « au nom de l’amour qui l’unit à sa femme » que Mokhtar C. (on ne connaît toujours pas son nom) demandait l’annulation de son OQTF.

Les voies de la Justice étant, comme celles de Dieu, souvent impénétrables, le tribunal a estimé que Mokhtar C. « ne s’est pas soustrait à une précédente mesure d’éloignement et ne constitue pas une menace à l’ordre public », « dispose de liens avec la famille de son épouse » et convient donc que « le préfet a fait une inexacte application des dispositions précitées du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en interdisant à M. C. de retourner sur ce territoire pour une durée d’un an ».

Comme disait un fin connaisseur de notre société, on pond ici des lois au nom des grands principes, qu’on refuse d’appliquer au nom des grands sentiments.

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