Molière mérite mieux que le Panthéon !

Fontaine_Molière_Paris_1er_005

Molière n'ira pas au Panthéon. Les hommages pour son 400e anniversaire ne manquent pas, avec la diffusion d’un nouveau « Secrets d’Histoire », mais aussi avec la réitération de la demande d’entrée du célèbre dramaturge au Panthéon. Molière paraît consensuel, mais voilà. L’Élysée a rejeté toutes les demandes en raison de l’essence du Panthéon, « temple laïque, enfant de la patrie républicaine, elle-même engendrée par les Lumières. C’est pour cette raison que toutes les figures qui y sont honorées sont postérieures aux Lumières et à la Révolution », détaille le porte-parole de l'Élysée Bruno Roger-Petit. On en est là ! L’œuvre littéraire d’un écrivain n’est pas en soi un critère pour valider une panthéonisation. Si Victor Hugo est au Panthéon, c’est en tant que poète de la République « mère au centre de l’Europe ». Émile Zola y sera transféré en raison de son combat pour Alfred Dreyfus et Alexandre Dumas pour son attachement aux « valeurs qui émancipent que porte la République ».

La démarche a été lancée en 2019 par Francis Huster : « faire entrer Molière au Panthéon, c'est faire entrer le peuple au Panthéon », disait-il. En février 2021, Brigitte Kuster, conseiller LR de Paris, estimait que cette demande était « celle d'une reconnaissance du caractère intemporel du théâtre de Molière et de la place centrale de son œuvre parmi celles des grands hommes des humanités françaises ». Cette semaine, Valérie Pécresse a saisi l’occasion de cet anniversaire pour étriller la politique culturelle d’Emmanuel Macron et exposer certains points de son programme.

Molière est l'otage d'une mauvaise pièce. Comment faire entrer dans ce temple de la République l’auteur préféré de Louis XIV ? En outre, la politique sanitaire est loin d’être en osmose avec celui qui raillait la crédulité des bourgeois français. Le public riait avec un charlatan qui déclarait « faire maintenant la médecine d’une méthode toute nouvelle » dans Le Médecin malgré lui. Molière évoquait « tous les hommes qui meurent de leurs remèdes et non pas de leur maladies » dans Le Malade imaginaire.

Et que dire du féminisme dans Les Précieuses ridicules et Les Femmes savantes ? Les titres sont éloquents. Notons, au passage, que Molière n’est absolument pas misogyne, comme le montre ce magnifique personnage d’Henriette dans Les Femmes savantes : une femme qui ne joue pas l'intellectuelle mais qui est intelligente, raisonnable et sait ce qu’elle veut. L’opposée des pédantes qui se font berner par le premier venu !

On peut cependant voir une cohérence dans la récupération par les bien-pensants. Les laïcards savourent la satire des hommes d’Église dans Le Tartuffe, mais savent-ils seulement que cette pièce était une commande du roi ? Et qu’on ne se trompe pas devant le portrait de la noblesse dans Dom Juan. La chute de cet aristocrate ne s’inscrit pas dans une vision révolutionnaire... mais royaliste ! Louis XIV, dont la défiance vis-à-vis des nobles est bien connue, en avait fait la commande à Molière.

Bref, la place de Molière n’est guère au Panthéon des grands hommes de la République. Sa place, déjà acquise, est au Panthéon de la culture française, non pas aux côtés des Carnot, Condorcet et autres Gambetta, mais aux côtés des Corneille, Musset et autres Rostand. Cette place est assurée depuis des années par les livres et les théâtres, et aujourd’hui par le cinéma et la télévision.

Que Francis Huster se console ! Le meilleur hommage qu’il puisse rendre à son auteur favori, c’est de continuer à perpétuer son souvenir sur les planches comme il l’a brillamment fait (remarquable interprétation de Cléante, dans L'Avare) et comme l’ont fait les noms les plus prestigieux de la scène française : Coquelin, Louis Jouvet, Jean-Louis Barrault et, bien sûr, Louis de Funès (« qui, j’en suis persuadé, a la façon de jouer du patron du théâtre français », dixit Jean Anouilh).

L’acteur préféré des Français faisant aimer Molière, n’est-ce pas un bien meilleur hommage que les discours creux tenus par des politiciens en besoin de récupération ?

Vos commentaires

27 commentaires

  1. Il faudrait imaginer un second panthéon pour nos illustres qui ont précédé la révolution. Molière y aurait toute sa place même si certaines comédies furent dit-on mises en forme par Corneille. Evidemment, Corneille et Racine y seraient aussi hébergés… et bien d’autres

  2. Évidemment que le petit n’aime pas Molière. Celui-ci a écrit « Les fourberies de Scapin ». Qui se sent visé ? mm…
    Molière est en train de choisir les rôles pour sa nouvelle pièce : « Tartuffe et Compagnie ».
    Le médecin malgré lui : Véra.
    Le bourgeois gentilhomme : Cast.
    Les femmes savantes : Marlène, Pompi. N’dy. Sandrine (y a foule)
    Les précieuses ridicules : Ata.
    Z dans le rôle du Cid, pour la reconquête (ça, c’est Corneille). Pièce à
    succès.

  3. Cette histoire de République est complètement stupide.
    Moliere a sûrement plus sa place au Panthéon que Josephine Baker ou Jean Zay qui se torchait avec le drapeau tricolore.
    Ceci étant, pourquoi Moliere, et pas Racine et Corneille ;sans compter le plus connu sans doute, le grand LaFontaine.

    • Allons, allons, ne mettons pas nos gloires en compétition. Elles disent toutes quelque chose du « génie » de la France. Ce qui importe, aujourd’hui, est que cette dernière survive, ce qui n’est plus assuré, afin de continuer à parler de nos immortels génies.

    • Molière, Racine, Corneille, La Fontaine et d’autres n’ont que faire en compagnie de certaines personnes dont les cendres n’ont rien à faire Avec eux.

  4. Très bien dit. Molière (fût-il un peu cabot) repose aujourd’hui là où il aurait choisi d’être.

  5. devant tant de bêtise officielle, je lance l’idée de construire un Temple destiné aux grands hommes et grandes femmes qui ont construit et embelli la France ! les dépouilles entrantes seront assurées de ne pas rencontrer les minus actuels décidant du haut de leur (in) suffisance !

    • Parfaitement bien dit. On ne mélange pas les genres c’est une grave OFFENSE à tous ces grands personnages qui sont le PILIER de notre HISTOIRE CULTURELLE et de notre CIVILISATION.

  6. N’oublions pas que les déboulonnages ne sont pas d’aujourd’hui. La première chassée du Panthéon a été la patronne de Paris, sainte Geneviève, dont les reliques ont été mises à l’égout lors du dé-baptême de l’Eglise sainte Geneviève de Louis XVI, devenue le Panthéon actuel.

    • C’est une bien vilaine habitude de faire des bâtiments religieux ou prestigieux le repaire, des nouvelles célébrités.

  7. Le Grand Molière est bien trop « culture », pour trouver grâce aux yeux du Woke occupant de l’Élysée !
    Puisque d’après lui, le Manu théâtreux, « la France n’a pas de culture » !
    CQFD, circulez y’a rien à voir !

  8. Il est clair que les femmes savantes, Tartuffe et le médecin malgré lui sont tellement modernes que cela dérange la clique au pouvoir!

      • Il contemplent surtout, qu’ils n’ont rien inventé, rien écrit, et rien vécu. Molière et La fontaine ont mis leur talent au service de la moquerie, de l’humour, sans médiocrité ni compromis.

  9. Molière auPantheon mais ce n’est pas possible a dit le premier de la classe ! Que voulez vous il préfère les derrières avec bananes ..à chacun son idée de la culture .

    • Désolé, Joséphine Baker est au Panthéon non pour son œuvre artistique mais pour le don de sa personne physique et affective à une France que d’aucuns, aujourd’hui, vouent aux gémonies. Elle ne fait en rien obstacle aux honneurs dus à Molières et bien d’autres encore !!

  10. Le Panthéon appartient à la France et à ceux qui méritent d’y entrer non pas à ceux qui au nom d’une idéologie visant à faire dispararaître notre histoire et notre culture décident qui doit y rentrer.

    • Vous avez raison ce n’est pas à un président et son aéropage de juger cela mais à l’ensemble des Français de décider si le récipiendaire en est digne, Mais laissons le Panthéon aux grands d’aujourd’hui et ayons ce Panthéon éternel et impérissable qu’est notre mémoire pour nos Grands hommes et femmes.

  11. Ne touchez pas à Molière, il n’a rien à faire au temple des républicains . Le plus bel hommage et le seul qu’il aurait apprécié est celui d’être encore joué et présent dans nos mémoires . Apprécié du plus grand roi de l’époque il a su rester lui-même et vivre comme il entendait en nous laissant un théâtre qui est un fondement de notre Histoire.

  12. Monsieur de Bourleuf, vous avez bien tourné votre propos, et vous avez entièrement raisons, les acteurs/comédiens sont bien meilleurs ambassadeurs que tous ces politicards.

  13. Combien de temps les ignorants vont ils régner dans l’espoir de détruire la France en commençant par ses illustres personnages.
    Souvenons nous qu’un général allemand a en son temps refusé de faire sauter Paris, défiant un sombre dictateur…

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Un vert manteau de mosquées

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois