Moraline : le nouvel opium du peuple !
Manifestement, en politique, il y a morale et morale. À l’instar du cholestérol, il y a donc la mauvaise morale, celle de l’ordre moral éponyme, qui nous ramène au maréchal Pétain et à Christine Boutin. Et la bonne morale, celle des autorités morales en lutte contre le même ordre moral, dont les prêtres les plus connus furent Michel Noir et François Léotard, avant de passer l’ostensoir à Bernard-Henri Lévy et Jean-Marc Morandini - liste non exhaustive.
Morale et politique ne participent pas forcément des mêmes sphères ; d’où, parfois, un étonnant mélange des genres. Jean-Luc Mélenchon, par exemple, qui nous explique que "c’est la rue qui a chassé les nazis de France". Andouillerie historique ? Pas du tout. Effet oratoire hasardeux ? Encore moins : il s’agit bel et bien là d’une "faute morale", nous assure une caution morale du calibre de Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, ce lundi matin sur RTL.
Ce ne serait, d’ailleurs, pas la première fois, sachant que Jean-Luc Mélenchon, à l’en croire, aurait déjà moralement fauté en n’appelant pas à voter Emmanuel Macron contre Marine Le Pen dans l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle. De son côté, Jean-Luc Mélenchon considère qu’Emmanuel Macron a, lui aussi, commis une autre « faute morale » en traitant les Français de « fainéants ». Vérole de moine et saperlipopette : on ne s’en sort pas !
Le bon sens le plus élémentaire consisterait pourtant à prétendre que la non-consigne de vote du patron de La France insoumise obéissait à de simples calculs électoraux, tandis que la faute du Président relève, elle, plus de l’insigne grossièreté que de considérations morales. Pas du tout : c’est la morale qu’on viole ; et les "barrières morales" qu’on culbute, affirme Yves Calvi (toujours sur RTL) lorsqu’il évoque la percée des populistes de l’AfD en Allemagne, lors des élections de dimanche dernier.
Bref, quant tout est moral, plus rien ne l’est, surtout quand les nouveaux clercs deviennent encore plus vétilleux que leurs prédécesseurs ; lesquels s’appuyaient au moins sur une somme théologique, au lieu d’un tract - la Déclaration des droits de l’homme - depuis décliné en gadgets les plus divers, du bâton de gendarme au moulin à prières.
L’injection quotidienne de moraline étant ce qu’elle est, le vocable de "morale" recouvre désormais plus des idées, réelles ou supposées, que des comportements avérés. Les premières peuvent être fausses ou justes, on ne leur demande pas d’être morales ou non, au contraire des seconds, censés être respectueux d’une certaine éthique et, par là même, d’une forme de morale. Certes, la rouerie et le mensonge ont toujours fait partie des mœurs de la cité, mais ceux qui pratiquaient cette amoralité nous épargnaient-ils au moins les leçons de morale.
Ce n’est pas tout à fait le cas d’un Laurent Wauquiez qui, promettant monts et merveilles à un électorat catholique en déshérence, assurant qu’il reviendrait sur le mariage homosexuel, fait ensuite machine arrière parce que cela cadre mieux avec son futur plan de carrière. Comme si sa seule morale était celle de l’efficacité. Bien la peine de la ramener, avec sa frime de sacristain qui se serait fait serrer en train de piller le tronc des églises…
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