Moralisation de la vie publique : le délit d’opinion conduira à l’inéligibilité
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Emblématique du début du quinquennat Macron, la loi de moralisation de la vie publique n’en finit plus de susciter des débats, souvent démagogiques. Premier motif de réjouissance, il y en a bien de temps en temps, l’obligation d'avoir un casier judiciaire vierge pour se présenter à une élection a été rejetée, selon le souhait express du ministère de la Justice. En démocratie, les électeurs sont supposés suffisamment intelligents pour décider d’élire, ou non, un candidat présentant un parcours délinquant.
Rappelons que l’inéligibilité est déjà une peine en droit français. Il aurait été inconstitutionnel d’ôter ses droits de citoyen à une personne ayant payé sa dette à la société. À partir du moment où vous pouvez voter, vous pouvez vous présenter. D’ailleurs, le droit français, héritier du droit romain, prévoit que nul ne peut-être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits, ce que l’on désigne sous le nom de la règle « non bis in idem ».
La loi comprendra néanmoins une mesure qui interdira aux candidats ayant été condamnés pour des peines incompatibles avec leur mandat de se présenter. Parmi ces faits prétendument « incompatibles » avec un mandat, les députés ont intégré une peine d’inéligibilité pour « personnes déclarées coupables de faits liés au racisme, à l’antisémitisme, au négationnisme, à l’homophobie et à toute forme de discrimination ».
Président de la Licra, Alain Jakubowicz s’en est publiquement réjoui, se prétendant à l’origine de cet ajout. Dans une tribune, ce dernier a cité les personnalités politiques qui l’ont aidé dans sa démarche : Jean-Michel Mis, député de la Loire, Olivier Dussopt, député de l’Ardèche, Pierre-Yves Bournazel, député de Paris, Thierry Solère, député des Hauts-de-Seine et Naïma Moutchou, députée du Val d’Oise.
Eric Zemmour, condamné pour provocation à la haine en décembre 2015, serait aujourd’hui frappé d’inéligibilité pour dix ans. Un exemple parmi d’autres démontrant le caractère inique d’une loi qui doublera la nature répressive du délit d’opinion - qui ne devrait pas exister dans une démocratie mature -, d’une incapacité civique. Comme l’indique monsieur Jakubowicz, fier que la Licra soit « à l’origine d’une loi dont la portée est historique, comme cela avait été le cas en 1972 lors de l’adoption de la loi Pleven », la France est « sans doute le premier pays au monde » à mettre en place une législation aussi liberticide et faisant peu de cas de l’esprit de notre droit et de nos institutions.
Connaissant le zèle que mettent certains juges à condamner pour des opinions présentées comme étant des « appels à la haine », le cas Zemmour l’illustrant à merveille, je m’inquiète qu’une telle mesure passe dans la législation française. Sera-ce le moyen idoine d’éliminer de potentiels opposants politiques, au nom d’une tyrannie de la correction politique que le réel dément chaque jour un peu plus ? Emmanuel Macron, s’il est sincèrement attaché aux valeurs de la démocratie libérale qu’il prétend défendre, devrait se pencher sur le premier amendement de la constitution américaine.
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