La mort d’Aurélie Châtelain aurait-elle pu être évitée ?
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Une dépêche de l'AFP du 31 mars nous apprend que l'enquête menée par les juges d'instruction sur l’assassinat d'Aurélie Châtelain et la tentative d'attentat contre l'église de Villejuif survenus le 19 avril 2015 fait apparaître que le principal auteur présumé, l'Algérien Sid Ahmed Ghlam, était visé par une enquête judiciaire terroriste et un mandat d'arrêt en Algérie depuis... décembre 2014, quatre mois plus tôt !
L'information est apparue dans les éléments transmis par la justice algérienne et force est de constater qu'en cette période de campagne électorale, cela n'émeut pas la classe politico-médiatique, comme si l'on mettait les choses qui fâchent de côté et que le risque terroriste passait au second plan. Pourtant, ces faits font rejaillir à nouveau les accusations justifiées de failles dans notre dispositif de renseignement et de lutte contre le terrorisme, qui ont perduré malgré l'attentat de Charlie Hebdo et perdurent peut-être encore, ce que Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, a toujours réfuté devant la commission d'enquête parlementaire ad hoc.
Les faits sont les suivants. Sid Ahmed Ghlam était étudiant à Paris depuis 2010, dans le cadre du regroupement familial. Il est signalé aux services de renseignement français en novembre 2014. Un juge d'instruction de Tiaret (Algérie), ville natale de Ghlam, émet un mandat d'arrêt contre lui le 25 décembre 2014 pour « appartenance à un groupe terroriste actif à l'étranger » (donc en France) en lien avec un de ses amis de Tiaret ayant rejoint l'État islamique. Sur le document apparaît son statut d'étudiant à la Sorbonne à Paris. Diantre. Compte tenu des rapports étroits entre les services français et algériens, on ne peut imaginer que les services français n'aient pas été prévenus de ce mandat à son encontre. Pourtant, aucune expulsion de l'intéressé ni extradition n'a lieu. Pourquoi ? Première faille dans ce dossier. Ensuite, il est contrôlé à l'aéroport de Roissy le 3 février 2015, au départ d'un vol pour Istanbul, d'où il revient dix jours plus tard. Il n'est pas arrêté car il ne fait alors l'objet d'aucune enquête judiciaire en France. Un peu fort de café, tout de même ! Si un délit de « départ pour le djihad » avait existé, comme l'a proposé le Sénat au mois de juin 2016, il aurait été interpellé dès son retour. Seconde faille dans le dispositif.
Que s'est il passé entre le 13 février et le 19 avril 2015, date de la tentative d'attentat contre l'église de Villejuif et de l’assassinat d'Aurélie Châtelain ? Des repérages des lieux par Ghlam, ça, on le sait, mais des repérages de Ghlam par les services de renseignement, ça, on en doute.
Alors, un mensonge par omission de plus de la part de Bernard Cazeneuve, mais aussi du chef de la DGSI qui, tous deux, se sont bien gardés d'évoquer cet épisode de la procédure judiciaire algérienne qu'ils ne pouvaient ignorer lors de leurs auditions devant la commission d'enquête parlementaire ? Celle-ci avait révélé d'autres failles, mais pas celle-là, qu'elle ne pouvait connaître. Suite à la publication du rapport de la commission d’enquête le 5 juillet 2016, dix-sept familles de victimes du Bataclan ont décidé de porter plainte contre l’État pour ne pas avoir empêché le passage à l'acte, certains terroristes se trouvant sous contrôle judiciaire. Si j'étais l'avocat de la famille Châtelain, je lui conseillerais aussi de déposer plainte contre l’État pour avoir manifestement manqué à sa charge.
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