Mort de Linda Ventura, fille de Lino : inspiration de la fondation Perce-Neige
Linda Ventura avait 66 ans et vient de quitter cette terre. Personne ne connaissait son prénom, mais tout le monde se souvient du prénom de son père, Angiolino, passé à la postérité sous le diminutif de Lino, et qui fut l’un des plus grands acteurs des Trente Glorieuses. Lino Ventura avait déjà encaissé pas mal d’épreuves avant la naissance de sa fille Linda : arrivé en France à sept ans avec sa mère, il découvre au pied de l’immeuble que son père les a abandonnés. Pas d’études, enchaînement de petits boulots pour aider sa mère qui fait des ménages, puis la lutte (qui forge son mental) et le catch, qu’il devra arrêter après un grave accident lors d’un combat contre Henri Cogan (second rôle de « Monsieur Henri » dans Les Tontons Flingueurs, pour l’anecdote). Le cinéma le rattrapera providentiellement et, comme disent les Américains, the rest is history…
Linda, elle est née en 1958, avant-dernière de quatre enfants. Victime d’une erreur de transfusion sanguine à la naissance, ce qui lui provoque un accident vasculaire, elle en reste lourdement handicapée mentalement. Son père, constatant qu’aucune structure d’accueil digne de ce nom n’était en place à l’époque, prend le taureau par les cornes et, après avoir lancé un appel télévisé en faveur de l’accueil des enfants « inadaptés » (c’est ainsi qu’on les appelait, à l’époque), met sur pied, en 1966, ce qui deviendra l’association Perce-Neige. Un premier pas en faveur de l’enfance handicapée sera franchi par l’adoption d’une loi en 1975. La fondation Perce-Neige, elle, sera reconnue d’utilité publique l’année suivante. En 1982, la première maison Perce-Neige ouvre ses portes à Sèvres, dans les Hauts-de-Seine. En 2016, elle devient une fondation, et gère aujourd’hui près de cinquante établissements, qui accueillent des handicapés de tous les âges, atteints par des maladies congénitales ou victimes d’accidents.
Linda Ventura incarne tout cela : le combat d’un père qui, lui-même, n’avait pas été protégé ni aimé par le sien ; l’attention portée, avec une infinie délicatesse, par un homme apparemment si bourru, à la fragilité d’une petite demoiselle qui était différente des autres ; le rôle que peuvent jouer l’argent et la célébrité au bénéfice d’une cause plus grande que soi. Linda était à Lino ce qu’Anne de Gaulle fut au Général. On se souvient des mots bouleversants de celui-ci, rapportés par son aide de camp, devant la tombe de sa fille récemment décédée : « Vous voyez, maintenant, elle est comme tout le monde ». Grâce à Lino Ventura, cette dame pas comme tout le monde, et tant d’autres après elle, avait trouvé un toit à la mesure de son handicap.
Ce décès nous renvoie également à ce qu’est la véritable générosité, loin des tapages sur les réseaux sociaux, loin de l’humanitarisme, parfois criminel, des « assoces ». On regardera, pour s’en convaincre, les archives de l’INA dans lesquelles l’acteur parle des enfants handicapés, de la cruauté des « enfants normaux » envers eux, de la nécessité de les aider. On reverra l’appel poignant qu’il lança en 1965 pour ces enfants « pas comme les autres » et pour leurs parents, qui ne veulent « pas de la pitié, mais de la justice, de la chaleur humaine ». « Il faut que je réussisse », concluait-il alors. Eh bien, il a réussi - grâce à une petite fille qui a vieilli et qui est morte, après avoir vécu entourée de soins et d’amour, qui s’appelait Linda Ventura et qui était à l’origine du seul combat public que son père ait jamais mené…
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6 commentaires
Un bel hommage a sa fille Linda et a son père aussi. Entre 1981 et 1990 j’était chauffeur de car et je conduisais E.T.H et Perce-Neige, Les deux premiers voyages étaient un peu froid (l’ancien chauffeur était partis a la retraite) mais au deuxième j’ai discuté avec eux et le froid c’est transformé en attachement. Il faut tout simplement leur parler comme a n’importe qui et ne pas les voir comme différent, ils sont pareil que nous et je dirais parfois même plus intelligents et je vous assurent très attachant a leurs manières bien sur.
J’avais pleuré pour le décès de Lino Ventura. « Pas lui ! » m’étais-je dit.
Je me souviendrai toujours des mots de Pierre Tchernia: » Lui, c’était un homme, un vrai ».
Rien à ajouter hormis qu’il est en compagnie de sa fille chérie.
Merci Mr Florac pour ce très bel hommage à Linda et à son père… Oui, maintenant elle est comme tout le monde… Qu’ elle repose en paix et que la terre lui soit légère…
Merci Mr Florac pour ce très bel hommage à cette petite fille et à son papa. Tout paraît si futile devant une telle situation…
Un Français de cœur. Les hommes comme lui sont si rares et tellement plus rares encore de nos jours. Le cinéma français peut faire son examen de conscience ….. et la France entière avec lui sans doute.
Histoire émouvante tant il est vrai qu’à la fin, qui que nous soyons, nous devenons tous égaux à jamais. Lino Ventura, monstre sacré, était, avant tout, un homme d’honneur.