Mort de Sue Lyon, la Lolita de Nabokov et Kubrick, en pleine affaire Matzneff : fin d’une époque ?

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L'actualité offre parfois des télescopages signifiants. Alors que les réseaux sociaux et les milieux de l'édition et des people bruissent de tous les échos de l'affaire Matzneff, on apprend le décès, à 73 ans, de l'actrice Sue Lyon qui incarna à l'écran, à 14 ans, la Lolita de Nabokov dans le film de Kubrick, sorti en 1962.

Personnellement, je n'ai pas lu ce roman, culte pour beaucoup, et je n'ai pas vu le film. Je n'ai pas, non plus, lu les livres de M. Matzneff. Je n'en tire aucune gloire car j'ai beaucoup de défauts, et certainement des vices, comme tout le monde, mais les jeunes filles pas plus que les jeunes garçons ne m'attirent, et encore moins la littérature et les auteurs qui mettent en scène et glorifient ces attirances.

Mais alors, pourquoi parler ? Pour faire, simplement, de l'histoire culturelle, constater.

Dans les années 50 et 60, Lolita fit scandale et le livre fut censuré en France et ailleurs. Il connut un succès planétaire. L'heure était à la préhistoire de la libération sexuelle. Puis arrivèrent les années 70-80, apogée de cette libération : l'émission littéraire culte était l'« Apostrophes » de Pivot. Depuis trois jours circulent inlassablement sur les réseaux sociaux celle de 1990 où Pivot flatte Matzneff, mais où une certaine Denise Bombardier, écrivain canadien, ose mettre les pieds dans le plat de la réalité.

Le même Pivot est souvent vivement pris à partie par les nouveaux puritains de l'heure qui veulent la tête de Matzneff. On peut, au moins, reconnaître à Pivot le talent d'avoir permis un son de cloche contradictoire.

Circule aussi un autre « Apostrophes », de 1982, où Daniel Cohn-Bendit fait l'éloge ravi de ses caresses avec des enfants de 4, 5, 6 ans qui le déshabillent. Notre Dany national ne subit, pour le moment, aucun lynchage sur Twitter...

Bernard Pivot a lui-même répondu par un tweet : « Dans les années 70 et 80, la littérature passait avant la morale ; aujourd’hui, la morale passe avant la littérature. Moralement, c’est un progrès. Nous sommes plus ou moins les produits intellectuels et moraux d’un pays et, surtout, d’une époque. »

Changement d'époque, oui. Mais retour de la morale, non. Plutôt substitution d'une « morale » à une autre, car tout de même, faire de Matzneff et Cohn-Bendit des figures littéraires...

Si ce changement d'époque voulait vraiment signifier un respect accru des enfants, une réflexion sur la liberté sexuelle et ses limites, sur les statufications médiatiques et les lynchages effrénés, toujours disproportionnés, parfois injustes, souvent sélectifs, on pourrait parler de progrès.

Mais, comment dire : j'ai comme un doute...

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