La mort du Parti socialiste

Parmi les cadavres qui jonchent la longue route tracée par une élection présidentielle décidément sans précédent sous la Ve République, il en est un qui vient de recevoir le coup de grâce. Il s'agit de celui de feu le Parti socialiste. Comme il fallait s'y attendre, l'exécuteur des hautes œuvres s'est incarné en la personne de Manuel Valls. Et c'est l'intéressé lui-même qui, ce matin sur RTL, est venu déposer le faire-part de décès en déclarant : "Ce Parti socialiste est mort, il est derrière nous."

Puisant son courant de pensée dans la continuité de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) fondée en 1905 à l'initiative de Jean Jaurès, et rebaptisé Nouveau Parti socialiste, puis Parti socialiste en 1969, c'est en 1971, au congrès d’Épinay, que, grâce à l'Union de la gauche mise en place par François Mitterrand, le PS et ses alliés communistes parviennent au pouvoir en France le 10 mai 1981. Depuis cette date, le Parti socialiste aura gouverné notre pays pendant 24 ans. Des deux septennats de Mitterrand au quinquennat de Hollande, en passant par la période Jospin, les héritiers de Jaurès auront pu mettre à l'épreuve du pouvoir et des responsabilités une doctrine qui, au départ, voulait em>"socialiser les moyens de production et d'échange", "transformer la société capitaliste en une société collectiviste ou communiste", "réaliser les réformes revendiquées par la classe ouvrière", tout en déclarant "ne pas être un parti de réforme, mais un parti de lutte des classes et de révolution"[ref]Article premier de la "déclaration de principe" adoptée en 1905 par la SFIO.[/ref]. Si la révolution espérée par les socialistes et ses alliés communistes n'est fort heureusement pas advenue, elle a cependant touché de plein fouet un parti dans l'incapacité, au fil du temps, d'assumer ses contradictions idéologiques et la réalité d'un pouvoir exercé au sein d'un monde capitaliste contre lequel il lui a été impossible de lutter. C'est donc contrainte et forcée que la vieille maison de la rue de Solférino a dû se défaire de ses oripeaux, pour se vêtir du costume social-libéral si bien incarné aujourd'hui par le nouveau président de la République. Et c'est justement ce virage, mal assumé chez les socialistes, qui provoque maintenant l'effondrement d'une famille politique que Benoît Hamon, candidat du PS lors de la présidentielle, s'est évertué, sans y parvenir, à défendre dans ses fondamentaux.

Le Parti socialiste historique est donc bien mort. Sa recomposition sur des bases idéologiques qui restent à redéfinir, tant l'espace qui s'offre aux survivants est limité, demandera beaucoup de temps et d'efforts à celles et ceux qui, tel Matthias Fekl ou Najat Vallaud-Belkacem, paraissent vouloir relever le défi.

Ainsi, en attendant l'émergence, ou non, de nouvelles synergies, il faudra donc compter avec le large recentrage qui se dessine, porté par une classe politique qui, soit par opportuniste, soit par pragmatisme, et parfois les deux, a choisi l'impérialisme bruxellois et le mondialisme des grands groupes financiers.

Fossoyeurs d'un héritage dont il ne cessent pourtant de se réclamer, Hollande, Valls, Cambadélis et bien d'autres ces jours-ci tentent désormais, par de savantes déclarations, de se donner le beau rôle pour justifier leurs renoncements et leurs trahisons. Mais, ainsi que le disait George Orwell, "le discours politique est destiné à donner aux mensonges l'accent de la vérité, à rendre le meurtre respectable et à donner l'apparence de la solidarité à un simple courant d'air".

Olivier Damien
Olivier Damien
Conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, Commissaire divisionnaire honoraire

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