Motion de censure : pas Waterloo, mais pas Arcole non plus. Quoique…

Capture d'écran LCP
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On connaissait d’avance le dénouement de cette pièce de théâtre qu’on a l’impression d’avoir vu mille fois (65 fois en 64 ans !), lorsqu’on s’intéresse un tant soit peu à la politique française. Cette pièce de théâtre, qui relève autant de la comédie que de la tragédie, c’est évidemment la motion de censure déposée par les députés du Nouveau Front populaire. On connaissait d’avance le verdict, puisque le Rassemblement national et les députés UDR d’Éric Ciotti avaient annoncé par avance qu’ils ne voteraient pas cette censure, la septième, tout de même, depuis la réélection d’Emmanuel Macron en 2022. Signe, tout de même, que ça ne va pas très fort. On connaissait d’avance la fin, mais, à la différence de ces films historiques bien montés où, jusqu’au bout, on espère que Marie-Antoinette réussira à échapper à l’échafaud ou que Grouchy arrivera à temps pour sauver Napoléon à Waterloo, là, vraiment, il n'y avait aucun suspense. À aucun moment on n'a cru, un seul instant, que le gouvernement pourrait tomber. Si on est restés jusqu’au bout du spectacle, c’est surtout pour voir comment les acteurs allaient interpréter leur rôle dans un scénario écrit d’avance.

Olivier Faure se fracasse sur le mur du temps !

Acte 1, Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste, nous a joué la grande scène du 2, puisqu’il lui revenait l’honneur – ou la corvée – de défendre cette motion de censure. Objectivement, un Boris Vallaud eût été bien meilleur dans ce rôle de pourfendeur de la Macronie et de ses accointances supposées avec le Rassemblement national. Ou Mathilde Panot, histoire de guérir notre urticaire par le mal… Important, le casting. Certes, Faure a sorti tout l’attirail pour instruire le procès en illégitimité de Michel Barnier : « violence du détournement démocratique », passant par pertes et profits les onze millions d’électeurs qui ont voté pour le RN et les candidats d’Éric Ciotti, « Je n’aurais jamais dû être là » pour déposer cette censure et « vous n’auriez jamais dû être là », dans la série bien connue Si ma tante…, « budget Potemkine », « attelage baroque » (parle pour toi et tes petits camarades de LFI !), « musée des horreurs » des LR, en référence aux propos de Bruno Retailleau, « affront républicain » après le « front républicain ». La charge était belle mais s’est malheureusement fracassée sur tir inexorable et impitoyable du temps de parole : dix minutes pour convaincre que le député de Seine-et-Marne n’a même pas été fichu de respecter, dépassant allègrement son temps de parole, au point que la présidente Braun-Pivet a dû lui couper la chique : « Vous avez débordé de plus de deux minutes, ça va », lui dit-elle, hors micro. Ça la fiche mal.

Barnier tient la ligne

Acte II, le Premier ministre entre en scène. Comme chantait Jacques Brel dans Au suivant, « Ce n’fut pas Waterloo, non, non, mais ce n’fut pas Arcole ». Mais c’était en tout cas très malin. Très malin de déclarer que cette motion de censure n’était pas une surprise : « Avant même que j’ouvre la bouche, vous m’aviez annoncé que vous me censuriez… », déclare Michel Barnier. Une censure « a priori ». Le procès en illégitimité ? « Je le sais, ce gouvernement est minoritaire. Il n’y a de majorité absolue pour personne… Mais la majorité relative qui m’accompagne est aujourd’hui la moins relative » (nous citons de mémoire). Et d’ajouter : « Vous pourrez raconter ce que vous voulez, c’est la réalité. » Et de poursuivre sur la réalité. « La réalité, nous dépensons trop, nous dépensons l’argent que nous n’avons pas. Ça ne peut pas continuer… » La réalité, c’est aussi la sécurité et l’immigration qui « méritent mieux que des caricatures ».

« Nous ne laisserons pas votre gouvernement se payer de mots »

Vient ensuite l’acte III en plusieurs scènes dont nous vous épargnerons le menu : les réponses des orateurs représentant les groupes politiques. Là aussi, pas de surprises. Nous ne résistons cependant pas au plaisir d’évoquer le discours de la présidente du groupe écolo, Cyrielle Chatelain, qui repart sur le fantasme Castets, toujours dans la série Si ma tante... Que de belles choses n’aurions-nous pas faites si Lucie avait été nommée à Matignon, oubliant de dire qu’elle aurait été à coup sûr censurée subito. Laurent Wauquiez, à ce sujet, aura la cruauté de rappeler ce qu’aurait été la réalité d’une Castets à Matignon : 200 milliards de dépenses en plus, 150 milliards d’impôts supplémentaires. Ne souhaitant pas nous faire couper, non pas le micro mais la plume, nous abrégeons cette revue d’effectifs pour signaler la prestation d’un jeune député UDR de l’Hérault, Charles Alloncle : « Ce gouvernement ne vous plaît pas, nous non plus, lance-t-il, en se tournant vers sa gauche, mais, ajoute-t-il, la différence, c’est que nous ne nous sommes pas désistés pour les candidats de la Macronie. » Se tournant alors vers Michel Barnier, le jeune député, non sans panache, avoue à plusieurs reprises « J’aimerais croire en vous », mais pour ajouter à la fin : « Nous ne laisserons pas votre gouvernement se payer de mots », soulignant les premières contradictions qui font jour au sein du gouvernement, ne serait-ce qu'entre les déclarations de Bruno Retailleau et celles du nouveau ministre de la Santé sur l’AME.

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La charge de Guillaume Bigot

Comment, enfin, ne pas saluer la prestation de Guillaume Bigot, orateur pour le groupe Rassemblement national ? Un discours, tant sur le fond que sur la forme, qui est venu casser le ronronnement qui commençait à s’installer à la longue dans l’Hémicycle. Ce gouvernement ? « C’est un peu le vôtre, lance-t-il, cruel, vers sa gauche. Ajoutant : Hier, on nous méprisait, et aujourd’hui, on nous courtise pour faire tomber le gouvernement ! » Ironique : « Vous vous êtes élus les uns les autres, et aujourd’hui, vous voulez vous censurer les uns les autres. » Impitoyable : « Pas de majorité, la faute à quoi ? À vous et à votre barrage », rappelant, selon lui, les pires pratiques de la IVe République. Réaliste : « Vous voulez faire tomber ce gouvernement mais vous n’avez pas de majorité de remplacement. » La gauche, la Macronie mais aussi les LR en prennent pour leur grade dans cette charge à la hussarde. On connaissait Guillaume Bigot chroniqueur, on le sait maintenant orateur.

Acte IV, la motion de censure est rejetée. La suite au prochain épisode.

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