Municipales : avec Yannick Jadot, l’écologie passe par toutes les couleurs

pastèque

Il fut un temps où l'on comparait le parti écologiste à une pastèque : vert à l'extérieur, rouge à l'intérieur. Aujourd'hui, il semble recouvrir tout le spectre des couleurs. Il faut dire qu'après son score aux européennes, Yannick Jadot se sent pousser des ailes et ne s'accommode pas de rester enfermé dans une cage. Pour les municipales, l'écologie sera le premier critère dans le choix des listes qu'il soutiendra, à gauche, à droite, ou avec des élus sans étiquette. C'est ce qu'il appelle le « pragmatisme ».

Pragmatisme, ce grand mot qui valorise les politiciens quand ils s'apprêtent à des compromissions. « Il est temps que les écologistes dirigent ce pays », avait-il estimé sur Public Sénat. Pour y arriver, il faut des alliances. En annonçant qu'il est prêt à des alliances tous azimuts, pourvu qu'un projet écologique soit défendu, il va dans ce sens. « Entre un divers droite qui met en place des jardins partagés, des cantines bio et un socialiste qui soutient les autoroutes et les cantines Sodexo, j'appellerai à voter pour le divers droite », a-t-il déclaré dans Libération.

Il sait parfaitement quelles sont les alliances traditionnelles des écologistes, c'est-à-dire à gauche et au centre, mais que ne fait-on pas pour obtenir le plus d'élus possibles ! Voilà qui risque de ne pas plaire à son parti, dont le conseil fédéral affirme que « les partis soutenant le gouvernement actuel, dont la politique environnementale, économique et sociale est incompatible avec l'écologie, n'auront pas leur place sur ces listes ». Quant à David Cormand, secrétaire national d'EELV, il exclut toute alliance avec la droite, qu’elle soit « d’extrême droite, conservatrice ou libérale ».

Il n'est pas certain que les sympathisants des Verts s'y retrouvent. Ils étaient habitués au vert et au rouge : on les invite, maintenant, à accepter toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Ils ont déjà eu du mal à digérer le ralliement à la liste Renaissance de Pascal Canfin, ancien élu et ministre EELV, et de Pascal Durand, ancien secrétaire national. Une trahison, ont estimé certains ; le choix de l'efficacité, selon les intéressés. Yannick Jadot risque bien d'accentuer les inquiétudes et les divisions.

Une exception, cependant : tout rapprochement avec les listes conduites par le Rassemblement national est exclu. Ce parti défend pourtant un projet écologique qui vaut bien celui des autres. « Face au globalisme, on défend le localisme : c’est-à-dire produire ici tout ce qu’on peut raisonnablement produire », avait déclaré Jordan Bardella. Il est peu probable que les Verts s'y associent au Parlement européen. A fortiori, l'on imagine mal un soutien à des listes RN à Hénin-Beaumont, Fréjus ou Perpignan.

L'écologie pastèque est loin d'être morte et renaîtra, si la conjoncture est favorable. Si la gauche n'était pas aussi divisée, les Verts se rapprocheraient des socialistes, des communistes ou des Insoumis. Mais Yannick Jadot se veut résolument moderne. « Ça, c'est la vieille politique », expliquait-il à Ouest-France pendant sa campagne. Il faut « construire une alternative crédible pour conquérir le pouvoir et l’exercer ». Il rêve d'un grand mouvement de l’écologie politique.

On peut penser que le costume est trop grand pour lui, mais qu'importe ! C'est l'occasion rêvée de concilier ses ambitions personnelles avec les intérêts des Verts, dût-il renier quelques symboles de sa foi. Ce n'est que du « pragmatisme » ! Verra-t-on, bientôt, les Verts se marier à gauche, à droite, au centre, avec LREM ? On sait que les Verts sont très tolérants sur le mariage. Ils soutinrent bec et ongles le mariage pour tous, sont impatients de voir l'extension de la PMA et ne refuseraient pas, pour la plupart, la GPA.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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