« Muslim d’apparence » : Pascal Boniface invente l’expression… puis la renie

On connaissait « le nègre de maison », expression inventée par l’activiste afro-américain Malcolm X, en 1963. Ou, sur le même modèle, « l’Arabe de service ». Voici le « muslim d’apparence », concept créé ce week-end par l'intellectuel de gauche Pascal Boniface à l’adresse de Karim Bouamrane, maire de Saint-Ouen.

« Des fins électoralistes »

Le maire de Saint-Ouen était invité de l’émission de France 2 Quelle époque !, le 19 octobre. Parlant d’Israël et de la Palestine, M. Bouamrane a regretté « une importation à des fins électoralistes d’un conflit qui est politique. Et cette volonté de vouloir [l'] exploiter à des fins vraiment antirépublicaines, et de fracturer le ciment républicain, ça me pose problème. » Léa Salamé met alors les pieds dans le plat : « Ce sont vos amis du NFP. » Et Bouamrane, qui revendique d’appartenir à ce mouvement, de regretter des « alliances tactiques » au détriment de « certaines valeurs ».

D’où la réaction de Pascal Boniface : « Sincèrement, je m’interroge sur cet homme que je ne connais pas perso[nellement]. Est il un exemple de la méritocratie ? Alors, bravo ! Ou instrumentalisé façon un muslim d’apparence qui ne critique pas Netanyahou et, donc, bénéficie d’une grosse promo médiatique. J’attends de voir. » Voilà le maire de Saint-Ouen réduit à son arabité et à sa religion musulmane, avec un sous-entendu sur ces médias soumis aux intérêts israéliens.

"Muslim d'apparence": le tweet de Pascal Boniface qu'il a finalement retiré.

Pour la députée Horizons Naïma Moutchou, l’expression « muslim d’apparence » est « l’exacte reprise du langage électoraliste de #LFI basé sur le supposé comportement ethnico-religieux de nos compatriotes ». Or, le clientélisme musulman a été, sinon théorisé, du moins pressenti en 2001 par Pascal Boniface, alors socialiste. Dans une note adressée à François Hollande - « Le Proche-Orient, les socialistes, l’équité internationale, l’efficacité électorale » -, il écrivait : « La communauté d'origine arabe et/ou musulmane est certainement moins organisée mais elle voudra faire contrepoids, et pèsera plus vite lourd, si ce n'est déjà le cas. […] Il vaut certes mieux perdre une élection que son âme. Mais en mettant sur le même plan le gouvernement d’Israël et les Palestiniens, on risque tout simplement de perdre les deux. »

Ses recommandations ayant déplu au PS, Pascal Boniface quitta le parti au sein duquel il avait prospéré et continua son petit bonhomme de chemin, qui passait par un dialogue avec le sulfureux rappeur Médine, Don’t Panik (DDB), dans lequel les deux compères s’interrogeaient sur la « stigmatisation des musulmans, islamophobie, antisémitisme ». Puis il publia Antisémite (Max Milo, 2018), dans lequel il se défendait de l’être. Le voilà maintenant à deux doigts de devoir expliquer qu’il n’est pas islamophobe.

« Youtubeur racialiste »

Car les réactions à son tweet ont été vives. Premier concerné, Karim Bouamrane estime que Boniface « se disqualifie définitivement ». Olivier Faure l’assure : « Nul ne devrait être assigné à une supposée identité religieuse ou culturelle. Nul ne devrait préjuger de ce que peut penser un musulman, un juif un chrétien ou un athée. » La LICRA traite Boniface de « youtubeur racialiste ». Présidente du Printemps républicain, Marika Le Bret parle de « racisme décomplexé ».

Ayant qualifié la syndicaliste policière Linda Kebbab d’« Arabe de service », Taha Bouhafs a été condamné définitivement pour injure raciste. Est-ce que Karim Bouamrane poursuivra en justice Pascal Boniface ? Interrogé, le maire de Saint-Ouen ne nous a pas répondu. Mais Pascal Boniface, devant le tollé, a retiré son tweet et reconnu que « muslim d’apparence » est une expression « maladroite » : elle a suscité « des interprétations qui sont contraires à [sa] pensée ». L’expression aurait donc eu un sens antiraciste ? Ni les mots ni leur contexte ne plaident en faveur de cette lecture forcée.