Napoléon de Ridley Scott : Hollywood travaille à la place du cinéma français

Capture d’écran (4136)

« Sauf pour la gloire, pour l’art, il eût probablement mieux valu que Napoléon n’eût jamais existé », écrivait Jacques Bainville, reprenant une formule de l’Empereur lui-même, en visite sur la tombe de Rousseau à Ermenonville : « L'avenir apprendra s'il n'eût pas mieux valu, pour le repos de la Terre, que ni Rousseau ni moi n'eussions jamais existé. » Tout droit sorti des légendes antiques avec ses impressionnantes victoires et son implacable domination du continent européen, l’illustre petit Caporal continue de faire rêver, et ce, 202 ans après sa mort.

Pour preuve, le nouveau blockbuster (en salles le 22 novembre) annoncé de Ridley Scott, dont l’avant-première mondiale, organisée en grande pompe à Paris, le 14 novembre dernier, a fait grand bruit. Après Rod Steiger, Pierre Mondy, Marlon Brando – et des centaines d’autres acteurs –, l’Empereur est, cette fois-ci, incarné par Joaquin Phoenix, comédien américain oscarisé. Ne promettant pas un film historiquement fiable, Ridley Scott a su mettre en œuvre ce que l’industrie cinématographique française rechigne à faire : s’intéresser aux grandes figures de notre Histoire.

« Ce n’est pas un biopic »

La bande-annonce lâchée sur les réseaux sociaux le 10 juillet dernier avait mis le monde en émoi. Promettant des scènes de batailles dantesques et un récit épique tourné autour de la passion amoureuse liant Joséphine au grand général, le film s’annonce comme une grande fresque de la vie du souverain.

Ayant participé à la grande avant-première, Pierre-Jean Chalençon, l’un des plus grands collectionneurs privés de l’Empire napoléonien et ancienne vedette de l’émission de ventes aux enchères Affaire conclue, sur France 2, nous délivre ses premières impressions tout en répondant aux critiques de certains : « Ce n’est pas un biopic, c’est la vision romancée de Ridley Scott de Napoléon. Évidemment, si l’on veut parler d’Histoire, on monte au créneau, mais ce n’est pas honnête car le film n’a pas la prétention d’être un documentaire historique. » Le passionné le sait, l’idée est parfois plus éloquente que la réalité. L’imaginaire l’emporte sur la véracité historique et « ce n’est pas un drame », nous dit Pierre-Jean Chalençon, avant de renchérir : « Ce qui est primordial c’est que la légende napoléonienne survive, peu importe si les faits historiques ne sont pas scrupuleusement respectés. »

L’industrie cinématographique française à la ramasse ?

Au fond, que le film plaise ou déplaise, cela importe peu. Cette incapacité à se saisir de notre Histoire pour en tirer de grands tableaux épiques illustre le désintérêt total de nos cinéastes pour celle-ci. Désormais, il est presque systématique de devoir attendre Hollywood et ses superproductions pour espérer un petit coup de projecteur (pas toujours juste) sur nos plus belles pages historiques. La France ne s’intéresse plus à ses héros, en tout cas pas suffisamment. Et lorsqu’une boîte de production tente de faire l’inverse, celle-ci est tout de suite associée à l’« extrême droite », à l’image du film Vaincre ou mourir (qui fut loin d’être un échec comme certains l’auraient voulu). « La France est incapable de se saisir de ses héros. Les seuls projets d’exposition que j’ai sont tous à l’étranger, nous sommes totalement à la ramasse. Quelle tristesse ! » déplore le grand collectionneur, dont nous ne pouvons que partager le constat, tant le fossé est grand entre les attentes du public et les films bien-pensants dont le nombre d’entrées est inversement proportionnel aux généreuses subventions du CNC.

Julien Tellier
Julien Tellier
Journaliste stagiaire à BV

Vos commentaires

30 commentaires

  1. Napoléon est une légende, et une légende peut ne pas être conforme à l’histoire ;c’est l’esprit qui compte.

  2. Napoléon est l’homme le plus admiré au monde et qui a fait l’objet de plus d’écrits.
    Il est responsable de centaines de milliers de morts ;et alors? Il n’a pas toujours déclaré les guerres dans lesquelles nous avons Été engagés.
    Il était un génie de la guerre…
    Mais n’oublions pas que nous vivons encore sous l’ere napoléonienne ;pratiquement tout notre environnement administratif, juridique, scolaire… vient de l’empire.

  3. Voyant les critiques négatives de la presse systémique en France, a l’inverse des louanges britanniques, Monsieur Scott a dit :  » Les Francais ne s’aiment pas  »
    Il a sans doute voulu signifier :  » Les journalistes systémiques opérant en France n’aiment pas la France  »
    Le public français, lui, est conquis.
    Mais on est habitué à observer que, sur les sites de cinéma, on a d’un côté l’avis de la presse (dite spécialisée, qui sait) et de l’autre, l’avis du public, lequel ne comprend rien. On ne mélange pas les torchons et les serviettes. Et, bien entendu, les commentaires sont diamétralement opposés. Comme disait le chanteur Robert Charlebois : » Les critiques, ces ratés sympathiques »

  4. Nous avons « les réalisateurs » que nous méritons. Ils ont été biberonnés, depuis leur tendre enfance, à la destruction pure et simple de tout ce qui a fait la France depuis 2000 ans. Seule compte la révolution et cette république bananière dans laquelle ils se vautrent en proposant des navets sociétaux et/ou « les racialisés » son t forcément victimes de cette race blanche colonialiste. Le tout, bien entendu, subventionné par le contribuable. Ainsi va la France : au naufrage.

  5. D’après ce que la bande montre et ce qu’on en dit, beaucoup de choses. 1/ Ce n’est pas factuellement exact, volontairement. OK, mais sera-ce comparable à Amadeus versus Mozart ? Après tout Abel Gance non plus, n’était pas exact. 2/ C’est américain, aïe ! L’ensemble tourne autour de Joséphine. Il fallait s’y attendre, en ces temps. Mais c’est une histoire d’amour réussie, en dépit du divorce ; les féministes vont-elles aimer ? 3/ La Joséphine du film a quand même l’air un peu « gourdasse » ; un peu trop de « sauce Eveillée » ? 4/ C’est américain, chouette ! Seul Hollywood peut faire des scènes aussi grandioses, notre petit cinéma sponsorisé étant trop occupé à nous mouliner la moraline. 5/Joaquin Phoenix va bien, rien à dire. 6/Napoléon est probablement le personnage le plus difficile à résumer en deux heures de cinéma. Tâche virtuellement impossible. Le tenter est indéniablement courageux. 7/L’Empereur est Français ; il est des nôtres, nous connaissons son histoire bien mieux que les poncifs de l’inculture anglo-saxonne (tyran assoiffé de sang) qui fera son succès commercial. Aussi, il faut accepter, Mr Scott, que la critique française soit plus dure que toute autre.

  6. Pourriez-vous parler français et ne pas faire comme le président ? Que signifie « blockbuster » dans la langue de Molière, merci pour la traduction.

  7. J’aime trop Napoleon pour aller voir ce film,produit par des américains et en plus l’acteur qui tient le rôle de notre Empereur a une tête qui ne me revient pas …donc c’est décidé ..et puis tant de publicité autour d’un film est mauvais signe ..vive l’Empereur ..

    • En effet , ce n’est pas du tout la tête de Napoléon . Celui-ci ressemble à un diable ! manque de charisme..

  8. Malheureusement Napoléon après Austerlitz n’écoutait plus personne, casait ses frères, et il a (certes magnifiquement) échoué.

  9. Prenant pour base les romans de CS Foester, les Anglais en ont fait un feuileton qui a connu un grand succ« e. Pourquoi ne pas faire lamême chose en France, avec le héros français George René Le Peley de Pléville ?

  10. Si j’en juge par la bande annonce, ce que Ridley Scott a recherché, ce n’est pas tant de faire un énième cours d’Histoire, version lycée et dégageant un ennui mortel comme seule l’Education Nationale sait le faire. Non ! Il s’agit ici d’un film d’aventures à grand spectacle ! Car, à force de repentance, de culpabilisation wokiste et intersectionnelle on a oublié que l’Histoire est, d’abord et avant tout, une aventure !

  11. Le cinéma français est wokisé à l’extrême ; à part un Napoléon transgenre, que peut-il produire ?

  12. Un spectacle à couper le souffle. Des effets spéciaux d’un niveau inégalé. Ce n’est pas un livre d’Histoire, rien à voir avec l’Histoire du Consulat et de l’Empire de Thiers, c’est une oeuvre cinématographique. Du cinéma hollywoodien. Mais du grand cinéma quand même.

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