Naturalisation : pourquoi ces Belges francophones n’ont pas pu devenir français

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Il y a des fables qui n’en sont pas. Martine et Vincent Lenoir, eux, en savent quelque chose. Ce couple belge installé dans la Drôme depuis respectivement neuf et vingt-quatre ans a fait les frais de l’absurdité administrative de notre pays. D’origine wallonne (Belgique francophone) et de langue maternelle française, le couple a déposé, en mai 2022, une demande de naturalisation qu’on aurait pu imaginer comme étant une simple paperasserie comme la France sait si bien le faire. Mais non ! « Le français est notre langue maternelle, on a fait toutes nos études dans le système éducatif francophone de Belgique, et pourtant, on nous refuse la nationalité car on ne parvient pas à prouver qu’on parle français ! » s’agace le couple de Drômois auprès de nos confrères du Parisien.

C'est évidemment un peu plus compliqué, comme toujours en France. Le dossier d’apparence en béton armé n’est qu’un petit château de cartes pour la préfecture. Sont remis en cause les justificatifs de maîtrise du français transmis par le couple. Leurs diplômes et le test de langue effectué auprès de l’organisme de certification ETS ne suffisent pas à l’administration française, toujours plus friande de papiers ! Pourtant, les deux Belges ont bien tous deux poursuivi leurs études dans le système éducatif francophone, ont travaillé et occupé des postes à responsabilité dans des entreprises françaises. Comble de l’affaire, Martine Lenoir a même écrit un livre en français !

« On peut difficilement être plus intégrés »

Le couple ne comprend pas un tel rejet. « Nous sommes dans l’incompréhension », confient-ils au quotidien régional Le Dauphiné libéré, avant d’ajouter : « Ce n’est pas anodin de demander la nationalité d’un pays et on comprend que l’administration française doit être assez rigide dans l’application de la loi. Mais nous sommes 100 % intégrés, ou plutôt 98 % intégrés. Il nous manque ces 2 % que représentent la nationalité française et le droit de vote. » L’administration kafkaïenne ne semble pas avoir ébranlé la volonté de nos Belges à devenir Français : « On veut voter pour des gens qui font notre vie ici, alors qu’on est obligés de participer aux élections en Belgique [sous peine d’amende, NDLR] pour des gens qui ne s’occupent plus de notre quotidien ici en France. » Martine Lenoir, autrefois professeur d’EPS en Belgique et désormais salariée du groupe allemand Vorwerk, fait une remarque juste au Parisien : « On peut difficilement être plus intégrés. On paie nos impôts en France depuis des années, on a toujours travaillé, sans jamais être à la charge de la société française. »

Cependant, la préfecture se défend de toute volonté de nuire à ce couple. Dans un communiqué de presse « droit de réponse » daté du 4 janvier que Boulevard Voltaire a pu consulter, le préfet se justifie : « Il est totalement inexact de mentionner que la demande de naturalisation [...] a été rejetée pour "défaut de connaissance de la langue française", ce rejet est dû à la production de documents non conformes à la liste mentionnée par l’article 37 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 modifié. » Qu’il est terrible de constater que la France ressemble toujours à la huitième épreuve des Douze Travaux d’Astérix

Préfecture de la Drôme

Le couple belge est-il mal tombé ? La préfecture de la Drôme naturalise peu. En 2022, la préfecture a naturalisé quelque 296 personnes alors que la France a naturalisé 130.385 personnes en 2021 ! Si la naturalisation de ce couple semble difficile, elle l’est apparemment beaucoup moins pour nombre d’étrangers extra-européens, parfois même issus de pays non francophones (qui affichent en majorité des difficultés de compréhension, que ce soit à l’oral ou à l’écrit).

Ainsi, la France permet depuis 2016 à tout étranger désireux de « s’intégrer » de signer un contrat d’intégration républicaine (CIR). Ce programme, entièrement financé par les impôts des Français, permet à son signataire (ils étaient 108.909 en 2021) de suivre une formation linguistique permettant d’acquérir un niveau A1 en langue française (le niveau B1 étant requis pour accéder à la naturalisation). En 2021, les premiers bénéficiaires de ce dispositif sont les Afghans (11,2 %), les Marocains (9,7 %), les Algériens (7,5 %), les Tunisiens (6,7 %), les Ivoiriens (4,8 %), les Guinéens (3,8 %), les Turcs (3,1 %), les Bangladais (2,8 %), les Maliens (2,8 %) et les Sénégalais (2,7 %). En tout illogisme, ces nationalités arrivent en tête des acquisitions de la nationalité française. Pour notre couple belge, le plus simple eût donc été de ne pas parler français du tout. L’aventure aurait été bien moins contrariante.

Julien Tellier
Julien Tellier
Journaliste stagiaire à BV

Vos commentaires

59 commentaires

  1. Simplement hilarant, les Belges ont bien raison de considérer qu’en France le comble du pléonasme est « un français moyen ». Il y en as en pagaille dans la moindre administration de ces petites personnes dont le seul pouvoir est de vous envoyer paître parce que vous n’avez pas fourni ou bien rempli le formulaire machin complété par une attestation truc vieille de moins de 15 jours prouvant que vous êtes toujours vivant…

  2. C’est tout de meme un peu louche de vouloir demander la nationalité française par les temps qui courent, c’est ce qu’a du se dire le préfet …Je plaisante , ils sont les bienvenus et je leur souhaite de réussir dans leur projet qui n’a pas l’air facile

  3. En fait, dès qu’un fonctionnaire quelconque a une toute petite parcelle de pouvoir (comme celle par exemple de refuser un dossier) il tente d’exister en exerçant ce pouvoir de manière disproportionnée et vu la quantité de fonctionnaires en France, on imagine tous les problèmes que cela pose, surtout quand on les ajoute les uns aux autres. Et comme chacun fait sa tambouille dans son coin, on arrive à des aberrations comme les OQTF dont plus personne n’est responsable !

  4. Ah , bon sang mais c’est bien sur ! Ce fameux article 37 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 modifié

  5. Je comprends le fonctionnaire qui ne se pose pas de questions et qui d’ailleurs ne doit pas s’en poser puisque son grade ne l’y oblige pas. Ce n’est pas dans la liste des diplômes, il refuse. j’ai vu bien pire avec des fonctionnaires qui connaissaient mal leur travail puisque j’ai défendu des contribuables. En France on ne reconnait d’ailleurs pas le savoir mais les diplômes et on en demande toujours davantage pour tout règlementer. De la même manière on ne vérifie pas si ceux qui disent parler français en dépit du bout de papier qu’ils ont remis parlent bien notre langue, là aussi on aurait des surprises. Un exemple frappant concernant les diplômes il y a eu une règlementation pour devenir éleveur canin, des gens qui élevaient depuis des années, qui avaient sans doute fait plus de 50 ou100 portées ont été obligés de passer l’examen certes pas très compliqué, mais quand même, alors qu’ une simple attestation de la centrale canine aurait été suffisante pour prouver qu’ils élevaient depuis des années, et je ne parle pas des 3ème cycles de formation professionnelle organisés dans des facultés par des ordres ou des organisations professionnelles qui ne sont pas reconnus par l’éducation nationale. on ne peut pas demander à une administration d’avoir du bon sens ou alors il faudrait encore payer un cabinet de conseils américain pour nous donner des leçons.

  6. Je comprends leur désir mais je me demande bien ce qu’il peut y avoir de glorieux et honorifique pour des belges à vouloir devenir français, la france étant un pays qui sera bientôt comparable à un pays du tiers-monde

    • Visitez Bruxelles et vous verrez l’avenir de la France 3/4 de la population est d’origine immigrée récente …

    • En effet, Belge j’ai milité pour une Wallonie française mais j’ai changé d’avis, vraiment. Je ne supporte plus la France et les Français avec l’accent parisien je n’en dirai rien. Cette semaine j’ai regardé une nouvelle fois le film « La Grande Illusion » et j’ai fermé quand l’acteur Carette se met à parler….C’est tout dire. Heureusement l’accent du Midi à Agen, Albi etc, j’aime bien.

  7. Ça vous étonne ? Moi pas en France on a le plus de fonctionnaires par milliers d habitants et ces fonctionnaires sont incapables de faire le job correctement pour lequel ils sont payés Ces genres de cas ubuesque sont légions

  8. Non, justement, je crois qu’ils parlent, et usent trop bien de la langue française, et non seulement francophone, et cet usage devient suspect en France métropolitaine, tant aux yeux des média que des services administratifs. Ce couple n’aurait sans doute aucun problème au Québec, où la langue française littéraire est âprement défendue!

  9. Une solution peut être : se faire naturaliser Malien puis retenter sa chance. Demander l’aide d’une Association serait un plus.

    • C’est effectivement une solution à envisager mais alors ils devront faire semblant de ne pas bien maitriser le français sinon, ils seront découverts

  10. Avec un pedigree pareil ça ne pouvait que rater. Ils n’ont pas pris en compte non plus qu’ils s’adressaient à la France de 2023. Et pas le moindre passé délinquant ou criminel qui aurait pu les aider à trouver leur sésame !

  11. En Absurdistan, ils se verront délivrer une OQTF,car ils parlent trop bien le français, langue qui soit dit en passant est de moins en moins bien pratiquée par un nombre croissant de français de papier.

  12. Cette absurdité toute Kafkaïenne de la part de notre Administration est très inquiétante car elle prouve qu’elle est de plus en plus contrôlée par des fonctionnaires zélés, majoritairement issus de la Diversité, (chacun pourra le constater) qui pratiquent une forme subversive de Racisme Anti-Blanc!
    Je suis convaincu que si ce couple avait été d’origine extra-européenne, leur Dossier aurait été considéré avec beaucoup plus de bienveillance et peut-être même, allez savoir, accepté!
    Certains vont s’indigner de mon propos (toujours les mêmes) et me dire que j’ai des mauvaises pensées …

    • Oui le dossier serait passé parce que derrière il y aurait eu une assos qui aurait fait pression. Une anecdote, j’étais un professionnel qu’un client musulman avait demandé de défendre auprès d’une administration, son cas était indéfendable et seul le Directeur Départemental aurait pu faire jouer son pouvoir discrétionnaire, malgré que je sois un professionnel il me fut impossible d’avoir un rendez-vous tellement j’ai rencontré de barrages parce que c’était indéfendable, mais je fais mon travail, je tente quelque chose. Mon client s’adresse à une assos pour l’intégration des musulmans (il se fait que je connaissais bien le président puisqu’il avait suivi une formation de 40 heures dans laquelle j’intervenais, c’est pour vous dire sa compétence, il a tout de suite été reçu par le directeur et a obtenu satisfaction que personnellement j’aurais eu beaucoup de mal à obtenir si je l’avais obtenue. En fait l’assos avait été constituée pour que le président puisse aller passer des vacances à l’étranger avec les subventions reçues de droite et de gauche, c’est lui qui me l’ai dit puisque je le connaissais en tant qu’élève si je puis dire.

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