Ne pas payer son loyer ? Le ministère de la Justice à la rescousse

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Quand on ne couvre pas les maux du pays par les bruits de guerre et le réchauffement climatique, on nous rebat les oreilles du manque de logements. Les prévisions sont apocalyptiques : on estime qu’en 2030, il manquera en France au moins 4 millions de logements.

On a déjà évoqué ici les causes de ce qui va devenir « une bombe sociale » : d’une part l’aggravation, sous le pouvoir macronien, de mesures ineptes tant fiscales qu’administratives et environnementales ; d’autre part, en toile de fond, l’idée bien ancrée que tout propriétaire est un salaud de riche qui exploite un locataire forcément indigent.

Bien qu’une nouvelle loi dite « anti-squat » ait été votée le 27 juillet dernier, censée faire la vie dure aux squatteurs et autre mauvais payeurs, non seulement l’État persiste et signe, mais il l’affiche !

C’est une affiche, en effet, à en-tête du ministère de la Justice : un homme de type caucasien, chauve mais barbu, vous regarde droit dans les yeux. En titre : « Ma proprio veut m’expulser. » Sous la barbe poivre et sel, on lit : « Besoin de la justice ? Appelez, on vous dit quoi faire. » Il faut appeler le 3039, soit « un numéro gratuit et anonyme mis en place par le ministère de la Justice pour obtenir des informations et entrer en contact avec un professionnel près de chez vous. Numéro accessible aux personnes sourdes et malentendantes. »

Aurélien Véron, qui relaie l’info sur son compte X, en expose toute la philosophie : « Je ne paye plus le loyer, j’ai saccagé l’appart' et j’emmerde le proprio qui s’est endetté pour cet investissement en vue de sa retraite. La Justice m’aide. Avec votre pognon. » Fort bien résumé. Car la loi du 27 juillet censée « renforcer les droits des propriétaires » n’a d’effets qu’à la marge.

Ainsi, face à un locataire qui ne paye pas, le bailleur peut désormais saisir directement l’huissier pour faire délivrer un commandement à payer et le locataire ne dispose plus que de six semaines au lieu de deux mois pour y répondre et « proposer un remboursement de la dette ». On a aussi raccourci « le délai de grâce renouvelable » (sic) qui, de trois mois minimum à trois ans maximum, passe à un mois minimum et un an maximum. Tout est à l’avenant. Super, non ?

Les exemples vécus étant d’un autre pouvoir, voici un cas concret. Monsieur M. casse son assurance-vie pour acheter un petit studio qu’il rénove et met en location meublée afin de compléter sa retraite. L’agence trouve un gentil jeune homme de 27 ans, serveur en CDI dans le plus gros restaurant de la ville. Son patron, qui tient sans doute à le garder, lui paie la caution d’entrée dans les lieux. Mais le jeune homme, depuis son emménagement en avril 2023, n’a jamais payé son loyer. Pas une fois. Relances, huissier… rien n’y a fait. Une procédure d’expulsion est lancée, l’audience est fixée en janvier prochain. Même s’il fait ici 24° le 15 novembre, la trêve hivernale le protègera jusqu’en mars, et puis il implorera sans doute le fameux « délai de grâce ».

Le plus inouï est que le bailleur a reçu un courrier du département lui demandant de se justifier pour la procédure engagée. C’est à lui qu’on pose des questions : avez-vous un crédit en cours ? Quel est l’impact de cet impayé sur votre situation personnelle, sous-entendu : est-ce que cela vous pose vraiment un problème ?

Avec un peu de chance, Monsieur M. récupérera son logement au printemps, peut-être à l’été, ou peut-être pas du tout. Il aura perdu le bénéfice des loyers, payé les charges, sera contraint sans doute à des travaux car, s’il le récupère, dans quel état sera ce logement ?

Une seule chose est sûre : Monsieur M. ne renouvellera jamais l’expérience. S’il le peut, il revendra son bien, se souvenant que lorsqu’il l’a visité la première fois, un avis d’huissier était déjà apposé sur la porte : le locataire précédent avait été expulsé pour impayés…

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 16/11/2023 à 19:12.
Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

14 commentaires

  1. « , en toile de fond, l’idée bien ancrée que tout propriétaire est un salaud de riche qui exploite un locataire forcément indigent. » Cela s’appelle la lutte des classes, fondement du marxisme qui demeure à la base de toute administration. Surtout en France.

  2. Tous les amis autour de moi qu s’étaient lancé dans l’aventure de louer leur appartement ont eu des problmes d’impayés, d’incivilités, de dégradations et ont beaucoup perdu.
    Il se sont tous débarrassés de leur bien pour placer en assurances vie. ce qui n’est pas une bonne chose pour le logement, mais permet de sauver une vie d’économies.
    Le gouvernement et la justice ne font rien pour enrayer ce fléau, rien ne sert de venir pleurer ensuite.

  3. Oui je suis bien d’accord mais cela marche aussi à l’inverse , des propriétaires qui vous fournit un logement qui s’avère étre plein de défauts cachés une fois que vous vous êtes engagé et que vos loyés sont prélevés . Et bien je vous souhaite bien du courage pour obtenir les travaux nécessaires de la part du propriétaire pour pouvoir profiter pleinement du logement que vous payez ,surtout si celui ci s’est adjoint le concours d’une agence immobillière qui va utiliser toutes les ficelles pour faire retarder les travaux nécessaires ou ne pas les faire du tout. Les associations de défense des locataires sont inexistantes aujourd’hui , elles ne défendent que les cas sociaux des HLM et les tribunaux sont saturés.

  4. Avec les lois imposées par les verts obligeant à délaisser les logement réputés energivores, non seulement on ne construit pas assez de logements, mais en plus on ferme des existants… cohérence ?

  5. Les citoyens français rêvent de justice. Les magistrats ne se préoccupent que de droit, surtout s’ils sont de gauche….

  6. Manque de logements, bizarre quand on voit ces beaux immeubles se construire les uns après les autres . Exemple a Montpellier. Mais il est vrai que vu le prix des loyers ils ne sont pas a portée des smicards qui eux ont la double peine, travail sur Montpellier logement loin à l’extérieur avec transport coûteux et délais de route. Je prends l’exemple de cette ville mais les autres métropoles sont certainement à l’identique.

  7. Toutes ces dispositions à la noix sont autant d’invitations à tricher, à entourlouper son prochain. La France est à bout de souffle. Vite, du sang neuf !

  8. Le Trésor-Public est plus prompt à exiger le recouvrement des impôts locaux et taxes qu’il ne le permet au propriétaire vis à vis d’un locataire peu scrupuleux. Affaiblir le propriétaire revient à réduire l’offre locative, il serait temps que nos élites le comprennent, à moins que cette volonté ne s’inscrive dans un contrôle total de la société.

  9. Oui, on sait depuis quelque temps déjà que tout est fait pour remettre en cause le droit de propriété. A quand les sovkhozes ou les kolhozes (non agricoles) ?! Quelle belle époque !…

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