Négociations sur la guerre en Ukraine : la Hongrie entre dans la danse

Orban

Il y a donc eu, le 17 février – nous en parlions hier - une réunion de crise, à l’Élysée, entre les pays européens les plus puissants. « Les anciennes puissances coloniales », disait sur Europe 1 Vincent Hervouët, avec un petit brin de malice. On notera la présence d’Ursula von der Leyen, décidée à imposer « la paix par la force » alors qu’elle n’avait même pas été fichue d’obtenir un bout de canapé face à Erdoğan. On notera, également, l’arrivée de Giorgia Meloni, en retard et en Maserati. Sprezzatura bien italienne qui, dans ce cas précis, confine tout de même au foutage de gueule. Il n’y avait pas la Hongrie, mais Viktor Orbán vient de faire entendre lui-même sa voix… et pas n’importe comment.

« Aujourd'hui, à Paris, des dirigeants européens frustrés, pro-guerre et anti-Trump »

Ce n’est pas le Premier ministre hongrois lui-même qui s’est exprimé, mais son ministre des Affaires étrangères, un certain Péter Szijjártó, qui intervenait en marge d’un sommet au Kazakhstan, le jour même de la réunion élyséenne. Ce qu’il a dit, et qu’Orbán n’a pas pu ignorer, est on ne peut plus clair : « Aujourd'hui, à Paris, des dirigeants européens frustrés, pro-guerre et anti-Trump, se réunissent pour empêcher un accord de paix en Ukraine. » Malgré la violence du propos, on ne saurait tout à fait lui donner tort. Frustrés, les dirigeants européens réunis en petit comité le sont indéniablement. Et comment ne le seraient-ils pas, d’ailleurs ? Les négociations qui débutent ce 18 février, à Riyad, se feront entre les « super-grands » que sont la Russie et les États-Unis, un peu comme à l’époque de la guerre froide. Des Européens, il ne sera pas question, semble-t-il, même malgré le bellicisme tardif d’un Keir Starmer : le Vieux Continent paraît disqualifié pour longtemps. Dans ces conditions, une certaine aigreur est bien compréhensible et le ministre hongrois a raison. « Pro-guerre » est tout aussi vrai : par aveuglement idéologique, les Européens ont passé les trois dernières années à fournir du matériel aux Ukrainiens et à les pousser à un combat « sans esprit de recul », comme on dit. « Anti-Trump » ? Si les dirigeants du « camp du bien » ont effectivement tordu le nez à l’élection de Donald Trump, et si le lumineux discours de J.D. Vance leur a certainement fait un choc, l’anti-trumpisme, pour des raisons pragmatiques, a vécu. Il va bien falloir se faire au nouvel ordre du monde.

Une place à prendre sur l'échiquier mondial

Les Hongrois, eux – et ils ne sont pas les seuls -, voient les choses autrement. Ils sont dans le réel, au lieu de se complaire dans un fanatisme morbide. La présence du ministre des Affaires étrangères au Kazakhstan est d’ailleurs un signal : Astana est la capitale du « multipolarisme » et de l’opportunisme. Les Kazakhstanais (le mot « kazakh » renvoie plutôt à l’ethnie) arriveront bientôt au terme de l’ambitieux plan « Kazakhstan 2030 », lancé jadis par l’ex-président Nazarbaev. Eux pratiquent la realpolitik depuis longtemps, travaillant aussi bien avec la Russie ou la Chine, dont ils sont voisins, qu’avec la Turquie (dont ils partagent l’aire culturelle) ou le monde occidental. Il y a, pour de tels acteurs, une place à prendre sur l’échiquier mondial. Et, pour notre malheur à nous, petits Européens de l’Ouest si pleins de certitudes surannées et d’approximations géopolitiques, cette place à prendre est précisément celle que nous ne sommes plus capables d’occuper. Et ce n’est pas le listing des invitations à l’Élysée qui suffira à nier l’évidence.

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

45 commentaires

  1. Des commentaires qu’apprécient certainement beaucoup de lecteurs. Ce conflit Ukraine/Russie a pris naissance à la suite de l’obstination de l’OTAN à se nicher au contact des frontières de la Russie malgré les accords de Minsk. Les français, membres de l’OTAN, certainement pour occuper leurs troupes rejetées d’Afrique et se faire valoir, se sont installés en Pologne. Poutine a-t-il réagi ? Non. Il considère sans doute que l’armée française est dérisoire, sans danger, plus dans le spectacle à l’image de son dirigeant que dans l’efficacité par usure de l’adversaire. Ces français, des velléitaires. Que les dirigeants européens soient écartés de cette approche de négociations, rien d’étonnant, naturel pourrions-nous ajouter. Qu’ont-il engagé depuis le début de cette guerre ? L’UE n’est exemplaire que dans la prolifération des sanctions, sanctions qui participent à sa déchéance et à son déficit économique. Mais elle insiste alors que la paix se profile. Elle s’enferme dans le carcan qu’elle forge elle-même. Mieux, elle veut envoyer des troupes sur le terrain, ce qui ne peut que réanimer le conflit. A quoi jouent ces dirigeants européens ? Cerise sur le gâteau, ils clament que nous sommes au bord d’une guerre mondiale. Où voient-ils un agresseur ? Poutine ? Son armée est à bout de souffle. Il a conquis les territoires qui doivent protéger une communauté qui lui est acquise. Mission accomplie. Reste à calmer Zélensky et les donquichottes européens. Les USA ne pourront qu’être satisfaits, leurs armes resteraient au contact de la Russie. C’est du donnant/donnant. La paix plus le Donbass pour la Russie contre le maintien en place des troupes US. Pas bête le Trump. Mais nos français et européens ont-ils seulement imaginé cet avenir, eux fixés sur le bout de leur nez ?

  2. Facile de se moquer de Meloni et son retard.. Macron est il toujours ponctuel ?? Ni lui ni.Hollande … mais bon il faut se moquer de Meloni.. mais elle au moins réussit dans son pays ( économie/ immigration illegale) alors oui elle a raison de de demander pourquoi elle assisté à cette  » garden party » inutile.. sauf pour le plaisir de Macron

  3. À Yalta, un colonel français s’est imposé par son courage ,sa prestance et le courage des ffl qui s’étaient battus comme des lions. À Ryad personne. On ne fabrique même pas en autonomie la première pincée de poudre,pas la blanche, la sans fumée. Alors, on se réunit, on se fait une bouffe, on dort dans les palaces et… rien.

  4. Les américains et Zemlinsky, nous ont roulé dans la farine. Les américains sont devenus propriétaires de ce pays et vont pouvoir exploiter ses richesses minières et ses terres agricoles. Où sont les Européens, les responsables français de connivence avec les « troupes » Biden et aujourd’hui Trump ? Quant à Zemlinsky, un jour le masque tombera…

  5.  » On notera la présence d’Ursula von der Leyen, décidée à imposer « la paix par la force  » : a t’elle prévu d’aller se battre aux côtés de Zelenski mais avec quoi ils ont donné toutes nos munitions à l’Ukraine . Cette guerre doit prendre fin et pour cela nous remercions Trump et Poutine et Zelenski devra rendre des comptes sur l’utilisation des sommes folles que l’Europe et la France lui ont versé.

  6. Cela ressemble de plus en plus à la fin de cette chose.
    Quelle honte, à la face du monde, que d’avoir des dirigeants européens, continent réputé pour son sens de la démocratie, de sa diplomatie et de la paix, quelle honte de les voir se liguer pour la continuation de la guerre alors même que la paix se discute.
    Quelle crédibilité aux yeux du monde ? C’est à dire aux yeux des 6,5 milliards de terriens qui restent ? C’est à dire toute l’humanité sauf eux ?
    Porca miseria.

  7. Méloni vient avec la voiture qu’elle veut, au moins elle se la paie, et ce n’était pas un coupé sport comme le laisse entendre la réflexion. Sur la phot des ringards, on voit que Méloni se demande ce qu’elle fout là, sur 27 pays de l’UE, 6 étaient invités, (Le Royaume Uni n’étant plus dans l’UE), les autres sont quotié négligeable semble t-il, sur les 7 présents 6 achètent des avions américains F-35, pas des rafales français, c’est cela que devrait combattre Tartarin, la solidarité de l’UE, mais ça il n’a pas encore compris.

  8. Von der Leyen veut l’usage de la force? Quelle force? La sienne? La moitié des hommes ukrainiens s’est débinée à l’étranger, bien décidée à ne pas faire cette guerre, alors qui doit aller « mourir pour Kiev  » à leur place? Elle est bon apôtre, qu’elle y aille la première.

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