Nicolas Hulot, l’homme providentiel pour le monde d’après, ou pour Matignon ?

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Nicolas Hulot a-t-il décidé de mettre fin à ses vacances politiques ? On pourrait le croire, à lire l'entretien qu'il a accordé au quotidien Le Monde. Il se présente comme un arbitre au-dessus de la mêlée, dénonce les « procureurs », qui fourbissent leurs armes à l'approche du déconfinement, et souhaite que vienne le temps des « éclaireurs », dont il fait évidemment partie. Parallèlement, il énonce, dans une tribune, cent principes fondateurs d'un nouveau monde pour l'après-crise du Covid-19, afin d'alimenter la réflexion et de se positionner en grand rassembleur. Cette sortie de l'ombre confirme les rumeurs selon lesquelles les jours ou les semaines de l'actuel Premier ministre seraient comptés.

Rien de bien nouveau dans les orientations développées par l'ancien ministre de la Transition écologique et solidaire. Il est toujours égal à lui-même, avec un mélange de naïveté et de conviction, une dose de narcissisme, plus sympathique, au demeurant, que François de Rugy, pris dans le piège de ses homards, ou Élisabeth Borne, avec sa tête d'enterrement. Un peu velléitaire, tant qu'il ne faut pas passer à l'action. Un homme sur lequel les bookmakers ne parieraient pas un sou. Mais la situation de crise est propice aux rêves les plus insensés.

Nicolas Hulot veut donc définir un « horizon commun » et propose une transformation sociale, écologique, économique, fiscale et démocratique « radicale et cohérente ». « Il est temps », déclare-t-il, « de s'attaquer aux racines du mal, de tirer des enseignements de nos erreurs, de faire l'inventaire, dans nos acquis, de ce qu'il y a de vertueux et de toxique ». Il propose la création d'une conférence écologique et sociale pour que les élus et les citoyens préparent « le jour d'après », en attendant la constitution d'une troisième Assemblée, « qui prenne de la hauteur par rapport au jeu politicien, mais surtout qui planifie l'avenir en s'extrayant du rythme médiatique et politique ».

Son inventaire ressemble un peu à une auberge espagnole où chacun peut trouver de quoi le satisfaire. À y regarder de près, il fait preuve de beaucoup d'indulgence à l'égard du président de la République : « On ne peut pas interdire aux gens d'évoluer […]. J'espère que cette crise va éveiller les esprits, y compris d'Emmanuel Macron. À lui de profiter de ce moment pour engager un vrai changement de modèle. » De quoi plaire à l'hôte de l'Élysée, qui n'en finit pas de répéter que la crise l'a transformé et qu'il faut « se réinventer ». C'est ce qu'il disait déjà lors du mouvement des gilets jaunes : on a vu qu'il n'avait pas changé d'un pouce.

Nicolas Hulot exclut toute ambition présidentielle. Il est vrai que ses expériences antérieures n'ont pas été concluantes et qu'il ne fait pas l'unanimité, même dans son camp. À ceux qui n'ont que cette échéance à l'esprit, il lance : « On s'en contrefiche, de 2022 ! » Il dénonce « la tentation de quelques-uns, dans l’opposition, de profiter de la fragilité du gouvernement pour se mettre déjà en ordre de marche ». Lui n'est pas fait de ce bois-là ! C'est un lanceur d'alerte, un éclaireur ! Il « donne une chance à Macron » et lui « accorde crédit pour l'instant ».

Emmanuel Macron doit être aux anges de trouver enfin quelqu'un qui croit encore en son destin. Nicolas Hulot se verrait-il déjà vizir du calife ? Dans ses rêves, peut-être. Mais, en ces temps troublés, il n'est pas seul sur les rangs. Dans l'entourage de Macron, ils sont nombreux à penser qu'ils pourraient être un recours, en cas de remaniement ministériel, quitte à renier leurs idées. Nicolas Hulot, à défaut de crédibilité, a au moins le mérite d'être constant.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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