Noël 1795 : le triste exil de Madame Royale dans la tempête révolutionnaire (5/8)

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Le 14 juin 1795, les vendeurs de journaux à la criée s’époumonent à Paris et ailleurs. Le Messager du soir publie un article demandant la libération de Madame Royale, fille de Louis XVI et grande sœur de Louis XVII. « Seule avec sa douleur, écrit Le Messager, livrée à elle-même, entourée de gardes et de verrous, elle n’a point d’amie qui soulage ses maux en les partageant ; elle n’a point de distraction aux chagrins qui la dévorent ; elle a sans cesse devant les yeux la place et l’image de ses parents. » Marie-Thérèse de France a alors tout juste 17 ans. Cela fait trois ans qu’elle a été arrêtée aux Tuileries avec toute sa famille et incarcérée à la prison du Temple. Son père a été exécuté deux ans plus tôt, le 21 janvier 1793 ; au mois d’octobre de la même année, c’était au tour de sa mère, la reine Marie-Antoinette, de monter à l’échafaud. L’exécution de Madame Élisabeth, la sœur du roi, le 10 mai 1794, suivie de la mort du jeune roi Louis XVII le 8 juin de la même année, a ému l’opinion publique et attiré l’attention générale sur la dernière survivante de la famille royale. Mais pour les hommes de la Révolution, elle est d’abord un atout vis-à-vis des puissances étrangères.

Durant l’été 1795, les Conventionnels entrent en négociation avec l’Autriche pour échanger la jeune princesse contre des prisonniers de guerre français. Un conflit oppose en effet la France à l'Autriche depuis le printemps 1792. La Convention désire l'amadouer, l’amener à signer la paix et, par la même occasion, calmer la colère d’une partie des Français qui reprochent à ses hommes la cruauté du traitement infligé à la famille royale. Un accord est finalement trouvé entre l’Autriche et la France. La princesse royale sera livrée contre la promesse de retour en France d’une quinzaine de détenus politiques prisonniers de l’Autriche : le ministre de la Guerre, Bournonville, notamment, mais également deux ambassadeurs, deux députés et plusieurs secrétaires.

Dans sa prison, la princesse Marie-Thérèse ignore tout des tractations de ses geôliers. Ses conditions de détention sont difficiles, bien que légèrement adoucies grâce à l’éclairage médiatique dont elle bénéficie depuis la mort de son frère. Elle dispose désormais d’une dame de compagnie, peut recevoir ses gouvernantes (Mesdames de Tourzel et de Mackau) et accède à quelques loisirs. Elle qui souffrait de connaître par cœur les rares livres auxquels elle avait accès voit arriver de nouveaux ouvrages ainsi que du papier et des crayons.

L’échange est censé se dérouler à la fin du mois d’octobre 1795, à la frontière suisse de Bâle. Le prince et la princesse de Gavre sont nommés par la Cour de Vienne pour accueillir la jeune princesse : ils arrivent dès le 26 (5 brumaire an IV), accompagnés de leurs otages. Mais les Conventionnels tardent à remplir leur part du marché : ils désirent que les prisonniers français soient rendus par l’Autriche avec tous leurs biens, or cela n’était pas convenu à l’origine. Ces atermoiements durent près d’un mois : Madame Royale est maintenue dans l’ignorance la plus totale concernant son avenir. Le mois de novembre s’écoule sans que les négociations n'aboutissent. Vient la Saint-Nicolas, puis le premier dimanche de l’Avent : le froid devient glacial dans la prison du Temple. Pendant ce temps, les émissaires autrichiens s’ennuient et songent à retourner à Vienne.

Enfin, le 18 décembre 1795, on vient chercher Madame Royale : à onze heures du soir, elle quitte enfin la prison du Temple, accompagnée de Madame de Tourzel. L’expédition est menée par le citoyen Méchain. De strictes instructions sont données aux voyageurs : ils ne doivent parler à aucun étranger et n’évoquent la princesse Marie-Thérèse qu’en employant le pseudonyme « Sophie ». Le voyage est effectué d’une traite, six jours durant, « sans séjour ni coucher », selon les ordres explicites de la Convention.

Les voyageurs arrivent enfin à Huningues, à quelques kilomètres de Bâle, le 24 décembre au soir. Triste Nativité pour la jeune princesse : pas de messe de minuit, une modeste auberge pour se reposer d’un voyage éreintant et le désespoir de l’exil. Un des responsables de l’échange, Bacher, écrit à ces messieurs de la Convention une lettre où il décrit l’état d’esprit de Madame Royale : « Elle manifeste les plus vifs regrets de se voir au moment de quitter la France. Les honneurs qui l’attendent à la cour de Vienne ont paru avoir peu d’attraits pour elle. »

Le 26 décembre 1795, la princesse royale Marie-Élisabeth de France est emmenée en Autriche depuis la frontière bâloise, en échange de quelques prisonniers politiques français et de leurs biens. Elle ne devait revenir en France qu’en 1814 avec la restauration du pouvoir royal par son oncle Charles X.

 

Illustration : Marie-Thérèse de France, duchesse d'Angoulême, par Alexandre-François Caminade (château de Versailles)

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